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Francken veut utiliser le système d'immigration australien: bonne idée ou mauvaise nouvelle pour les droits de l'homme?

Et si nous calquions notre gestion de l’immigration sur le modèle australien? C’est la nouvelle idée du Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, le N-VA Théo Francken. Une proposition qui est à l'étude et qui pourrait servir de base de travail pour un éventuel nouveau gouvernement MR/N-VA/Open VLD/CD&V après les élections de 2019. Plusieurs intervenants ont donné leurs avis sur cette idée dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche sur RTL-TVI.

Par exemple, tous les vrais réfugiés auront une réponse positive

"C'est très important de savoir que quand on parle du modèle australien, ça ne veut pas dire que ça va être exactement la même chose. L'idée que M. Francken a lancée, c'est qu'à la place que les passeurs et les trafiquants d'êtres humains décident de qui peut venir et qui ne peut pas, c'est nous qui nous engageons pour prendre des gens, et créer un corridor humanitaire pour les amener ici", indique Darya Safai, candidate N-VA venue représenter son parti. D'après elle, ce système présente des avantages. "Les gens risquent leur vie pour venir ici, et parfois il y a des réponses négatives et ils vont tomber dans l'illégalité", précise-t-elle.

Le principe serait alors que la Belgique choisisse elle-même les migrants qu'elle souhaite accueillir. "On va s'engager dans un autre pays, où il y a des conflits, ou dans les pays avoisinant, et là on va choisir qui va avoir des réponses positives. Par exemple, tous les vrais réfugiés auront une réponse positive. Par exemple ce qu'on a vécu durant la guerre de Syrie, ça va être la même chose. Ce sont de vrais réfugiés. Mais c'est autre chose que les immigrants", indique Darya Safai.

La membre de la N-VA avance le chiffre de 2.500 morts en mer Méditerranée et dans le désert Sahara en 2017 dans des tentatives de migration. "Il faut empêcher les gens qui risquent leur vie pour venir ici. Le but c'est, sur le long terme, de faire comprendre qu'il ne faut plus venir". Elle avance aussi le chiffre de 530.000 migrants tombés dans l'illégalité en Europe en 2017.

S'ils viennent quand même, alors il y a un renvoi dans le pays d'origine, sauf si effectivement ils craignent pour leur vie

Le libéral Georges-Louis Bouchez, délégué général du MR, poursuit en expliquant le système qu'il défend aux côtés de Darya Safai. "Nous nous sommes montrés ouverts pour travailler sur ce modèle pour l'après élections. C'est très simple. Il y a deux statuts. Celui de réfugié, le but c'est de pouvoir faire étudier les dossiers de candidats réfugiés depuis l'extérieur de l'Union européenne, ce que la commission européenne a déjà proposé il y a trois ans", explique-t-il. Dans ce cas, par exemple, un Syrien qui arrive en Turquie pourrait voir son dossier examiné en Turquie, sans devoir faire le chemin jusqu'en Europe.

Le présentateur Christophe Deborsu demande alors à Georges-Louis Bouchez ce que les autorités feraient pour les migrants qui viendraient quand même. "Pour casser la voie des passeurs, c'est envoyer le signal de dire qu'ils n'ont aucune chance par la voie illégale. S'ils viennent quand même, alors il y a un renvoi dans le pays d'origine, sauf si effectivement ils craignent pour leur vie. Dans ce cas-là, il n'y a aucune raison de ne pas respecter les textes internationaux", précise-t-il.

"Pour l'autre partie du modèle australien, c'est l'immigration économique. Là je vais mettre tout le monde à l'aise. Si on implantait l'immigration économique selon les critères australiens, ça serait quand même un plus par rapport à maintenant puisqu'il n'y a même plus d'immigration économique", affirme Georges-Louis Bouchez. "Là, l'idée c'est de voir l'intérêt du pays et du migrant. Parce que venir dans un pays où vous ne connaissez pas la langue, où vous n'avez aucune chance de trouver un emploi parce que vous n'avez pas les formations adaptées, ça sert à quoi?", conclut-il.

On est obligé d'examiner la demande d'asile de quelqu'un qui fuit son pays en recherche de protection

Alexis Deswaef, le président de la Ligue des Droits de l'Homme, demande alors pourquoi le secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, Theo Francken (N-VA) a refusé l'année passée un visa à une famille syrienne d'Alep. "Il a dit, par ce biais-là, 'Je refuse le visa humanitaire sauf ceux que je veux bien accorder'. Aujourd'hui il nous dit qu'il va copier le modèle australien, à savoir toute personne qui arrive illégalement, on va le refouler, le refuser. C'est contraire aux obligations internationales de la Belgique. L'article 33 de la convention de Genève, le principe de non refoulement: on est obligé d'examiner la demande d'asile de quelqu'un qui fuit son pays en recherche de protection".

Sur le modèle australien, Alexis Deswaef estime que nous avons des choses à apprendre au niveau migratoire sur l'octroi de visas de travail, mais en matière d'asile, il juge l'exemple australien dangereux. "Autant leur responsable de gestion de l'asile, c'est de la dissuasion pure. Au niveau des droits humains, ils sont non respectés. Il y a des enfermements de longue durée, des enfants compris. C'est contraire aux droits humains", commente-t-il.

Georges-Louis Bouchez réagit sur l'élément avancé par Alexis Deswaef sur la famille d'Alep dont le visa avait été refusé. "L'administration, qui est indépendante, a considéré que dans les cadre de ce dossier, ils ne courraient pas un risque pour leur vie, même s'ils viennent d'une zone en conflit. Si c'était faux, ils seraient venus puisque le critère, et c'est là où on mélange tout, il y a deux grands axes dont le statut de réfugié, pour avoir le statut de réfugié c'est une étude individuelle au cas par cas", indique-t-il.

Je pense que c'est encore une bonne com' de monsieur Francken pour draguer l'extrême droite

Pour Julie Fernandez-Fernandez, députée fédérale PS, cette proposition n'est qu'un effet d'annonce populiste. "Je pense que c'est encore une bonne com' de monsieur Francken pour draguer l'extrême droite. Comment on va faire? On va mettre des murs autour de la Belgique? Vous allez faire quoi?", a-t-elle demandé franchement à Darya Safai.

C'est extrêmement cher

Une professeure de sciences politiques à Sydney, spécialiste des migrations, est intervenue dans l'émission. D'après Adèle Garnier, le modèle australien coûte très cher. "Quelque chose qui sera assez sensible aux électeurs de la N-VA qui sont sensibles aux questions de finances publiques, c'est que c'est extrêmement cher d'envoyer des personnes dans des pays tiers pour faire traiter leurs demandes d'asile à l'extérieur. À l'Australie, ça a coûté trois milliards d'euros depuis que les centres ont été rouverts en 2012, pour un nombre de personnes détenues de quelques milliers. Donc c'est extrêmement cher", explique-t-elle.

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