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La maison-mère Engie a pompé 1,6 milliard d'euros dans les réserves d'Electrabel l'an dernier: organise-t-elle "son insolvabilité" ?

La crainte, selon L'Echo, est de voir Electrabel progressivement vidé de sa substance afin de pouvoir être mis en faillite en cas de scénario catastrophe.

Le géant français de l'énergie Engie a reçu 1,641 milliard d'euros de sa filiale belge Electrabel l'an dernier, écrivent jeudi L'Echo et De Tijd. Un dividende énorme qui a pour effet de diminuer les fonds propres d'Electrabel.

Cela fait plus de dix ans que la société belge n'avait pas versé de dividende, écrit L'Echo, qui se base sur un document de référence en vue de l'assemblée générale d'Engie, vendredi. Electrabel était largement dans le rouge ces dernières années, avec une perte de plus d'un milliard d'euros en 2015 et en 2016.

Les résultats de 2017 ne sont pas encore connus mais ne devraient pas être meilleurs. Le versement effectué à Engie est possible grâce aux "réserves dont dispose Electrabel", explique la porte-parole de la filiale belge Anne-Sophie Huge. "Il a pour objectif de faire remonter des actifs français au niveau du groupe pour en assurer une gestion cohérente."

En conséquence, les fonds propres d'Electrabel vont diminuer, ce qui est vu avec méfiance en Belgique, selon L'Echo. Quid en effet des provisions nucléaires qui seront nécessaires pour assurer le démantèlement des centrales et l'enfouissement des déchets? La crainte étant de voir Electrabel progressivement vidé de sa substance afin de pouvoir être mis en faillite en cas de scénario catastrophe.

Engie organise l'insolvabilité d'Electrabel: "Je crains qu'il soit trop tard"

Le groupe "Engie est très clairement en train d'organiser l'insolvabilité d'Electrabel par rapport à sa responsabilité dans la gestion des coûts du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets nucléaire", dénonce Jean-Marc Nollet, député fédéral écolo.

Le versement d'1,6 milliard est "inacceptable" aux yeux de Jean-Marc Nollet, pour qui "Engie a privatisé pendant des années les bénéfices" et s'apprête maintenant "à collectiviser les pertes et à transférer les dettes sur le dos du contribuable belge".

Le timing de l'opération n'est pas anodin, souligne le co-chef de groupe Ecolo/Groen à la Chambre, alors que l'on se trouve "à la veille d'une réévaluation des coûts de la gestion des déchets nucléaires".

Les provisions actuellement constituées pour le démantèlement des centrales et la gestion des déchets nucléaires tournent autour des 10 milliards d'euros. Un montant probablement insuffisant. "Sur base de la dernière évaluation réalisée en Suisse fin 2017, j'ai calculé qu'il manque 20 milliards d'euros. Cela pourrait être 15, 10 ou 17 milliards mais, à tout le moins, plusieurs milliards d'euros supplémentaires devraient être provisionnés par Engie", poursuit M. Nollet.

Dans ce contexte, le député vert réitère sa demande à la ministre de l'Énergie, Marie Chritisine Marghem, de mettre en place un cadre juridique qui fasse porter la responsabilité du démantèlement et de la gestion des déchets, non sur Electrabel, mais sur sa maison-mère Engie.

"Depuis 2015, j'alerte la ministre sur les risques de l'organisation de cette insolvabilité. Je crains qu'il soit trop tard". Jean-Marc Nollet demande également que les provisions, actuellement logées dans Synatom, une filiale d'Electrabel, soient transférées sur un compte physique bloqué à la Banque nationale de Belgique. Enfin, M. Nollet demande que la réévaluation du coût du démantèlement des centrales et de la gestion des déchets nucléaires se fasse sur base du scénario le plus pessimiste, afin de se donner une marge de sécurité.


Engie nie

De son côté, Electrabel s'étonne de cette interprétation et confirme avoir transféré à Engie sa participation dans Electrabel France qui détient des parts dans la Société Hydro-électrique du Midi (SHEM) et la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). "L'objectif de cette remontée d'actifs français au sein du groupe est de gérer ces activités de production d'électricité renouvelable (hydroélectrique, éolien et solaire) de façon plus cohérente. L'opération se fait à un moment important pour le groupe Engie puisque les concessions de la SHEM et CNR doivent être renouvelées", explique Electrabel.

"S'agissant de la distribution de dividende en nature (100% des titres Electrabel France, NDLR), il ne s'agit nullement 'd'organiser l'insolvabilité' d'Electrabel dont les capitaux propres sont valorisés à plus de 32 milliards d'euros dans les livres d'Engie SA à fin 2017", poursuit la société.

Le groupe Engie rappelle par ailleurs être actif sous différentes formes depuis plus de 100 ans en Belgique, être "un de plus grands employeurs privés du pays", être "un gros contributeur aux finances publiques" et avoir "toujours assumé ses responsabilités."

"Electrabel remplira naturellement toutes ses obligations de couverture des coûts de démantèlement et de gestion de l'aval de cycle nucléaire", conclut le groupe, non sans rappeler "que ces obligations sont régies par la loi d'avril 2003 sur les provisions constituées pour le démantèlement des centrales nucléaires et pour la gestion des matières fissiles irradiées dans ses centrales, dont le montant est contrôlé par la Commission des provisions nucléaires."

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