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Le prix des assurances hospitalisation augmente encore: à cause des suppléments d'honoraires des médecins en chambre individuelle

Claude découvre que son assurance hospitalisation a augmenté. Son assureur (sa mutuelle) y a été contraint vu l'augmentation du prix des chambres individuelles dans les hôpitaux. Ces coûts ainsi que les suppléments d'honoraires des médecins augmentent pour compenser les diminutions de financement des hôpitaux par l'État, ces fameuses économies dans les soins de santé dénoncées par les partis de gauche. Mais il semble qu'au-delà du choix politique, les Belges sont de plus en plus nombreux à vouloir le confort d'une chambre individuelle. Ils contribuent donc à alimenter un système où la part des soins de santé payée par les assureurs, et donc les patients, augmente au détriment de la part payée par la sécurité sociale. Une enquête de RTL info.

Claude a 66 ans et habite Clermont-sous-Huy, en province de Liège. Chez Solidaris depuis toujours, il a reçu le 15 janvier dernier un courrier envoyé par la mutualité socialiste à tous ses affiliés ayant souscrit une assurance hospitalisation. "Celui-ci m'informe d'une augmentation de ma prime d'assurance hospitalisation de 4,34 % + 25 %, soit 29,34 %. Et en plus la mise en place d'une franchise de 100 € par an."


Plusieurs assurances possibles 

Claude dispose d'une assurance de type Optio 200, la plus complète mais également la plus chère disponible chez Solidaris Assurances.

Il existe en effet plusieurs formules. Il y a d'abord l'assurance Hospimut, qui rembourse uniquement les chambres communes (dans lesquelles il est interdit légalement de pratiquer des suppléments d'honoraires des médecins). Elle coûterait, pour une personne de l'âge de Claude qui voudrait y souscrire aujourd'hui, 16,46€ par mois.

Puis il y a les Optio 100, 150 et 200, qui elles remboursent les chambres particulières et les suppléments d'honoraires des médecins, respectivement à hauteur d'une fois, une fois et demi ou deux fois le montant de l'honoraire légal. Dans la tranche d'âge 65-69 ans, elles coûtent 51,94€ par mois pour l'Optio 100, 55,23€ par mois pour l'Optio 150 et 77,83€ par mois pour l'Optio 200.


"Un scandale"

Cette augmentation de prix ne passe pas pour Claude. "Pour des socialistes qui veulent soi-disant protéger les petits pensionnés, je suis outré, d'autant plus qu'ils savent très bien qu'à notre âge, il ne nous est plus possible de changer de compagnie d'assurance. Je pousse donc un grand coup de gueule là-dessus. Car cotiser des dizaines d'années sans l'utiliser et se faire ainsi entuber à la période de sa vie où on en a souvent vraiment le plus l'utilité, c'est un véritable scandale", gronde-t-il via notre bouton orange Alertez-nous.


Solidaris obligée d'augmenter ses prix

Chez Solidaris, on explique ne pas avoir eu le choix. Le secteur est en effet fortement réglementé et c'est l'Office de Contrôle des Mutualités (OCM) qui "a autorité pour exiger une majoration des primes ou une modification de couverture d'assurances". C'est donc cet organe public qui les a obligés à augmenter certaines primes.


Jusqu'à +25%

Voilà pourquoi les primes de l'assurance Optio 200 ont été majorées. +15% pour les tranches d'âge de 50 à 59 ans, +20% de 60 à 64 ans et +25% pour les plus de 65 ans. Le tout en plus d'une indexation globale de 4,34% qui suit l'indice médical, sorte d'indice des prix à la consommation qui calcule le coût des soins médicaux, intervention de l'Inami (Institut national d'assurance maladie invalidité) déduite.

De plus, une franchise de 100€ par an et par bénéficiaire de 18 ans ou plus sera désormais appliquée en cas d'un séjour en chambre particulière, le secteur le plus coûteux. "Il n'y en avait pas auparavant, mais elle est la moins chère du secteur", assure Solidaris.


Une chambre individuelle coûte 5,4 fois plus cher au patient qu'une chambre commune

Pourquoi cette augmentation? Pour faire face à "l’augmentation constante du coût à charge des patients hospitalisés en chambre particulière", explique Solidaris.

Dans tous les hôpitaux du pays, les chambres particulières coûtent en effet plus cher que les chambres communes.

Dans son dernier Baromètre hospitalier, la Mutualité chrétienne a décortiqué ces différences de coût. En 2016, le coût moyen par admission en chambre commune était de 277€, contre 1496€ pour une chambre individuelle, soit 5,4 fois plus.


À y regarder de plus près, ce n'est pas réellement la chambre en elle-même qui est responsable de cette différence. Ce sont les suppléments permis uniquement en chambre particulière qui font exploser la note.

Le supplément de chambre

Il y a d'abord les suppléments facturés par les hôpitaux : celui pour avoir simplement opté pour une chambre individuelle, le supplément de matériel, etc. Ils font grimper la chambre individuelle à 562€ contre 277€ pour la chambre simple, soit 285€ de supplément.

Le dernier Baromètre de la Mutualité chrétienne montrait qu'entre 2015 et 2017, "près de la moitié des hôpitaux ont augmenté leur supplément de chambre". En moyenne, celui-ci avait augmenté de 1,2% en 2016 pour les hospitalisations et de 8 à 10% en hôpital de jour.


Le supplément d'honoraire

Il y a ensuite les suppléments d'honoraires pour les médecins. Ceux-ci s'élèvent à 935€ et représentent donc la plus grosse partie de la différence de prix entre chambre individuelle et chambre commune.

Ils ont augmenté de 5,5% en moyenne sur les 5 dernières années et de 2% rien qu'en 2016.

Ce sont les assureurs qui paient la note

Ces augmentations de prix pour les chambres individuelles sont répercutées par les assureurs, y compris ceux issus de mutualités, sur les primes de leurs assurés.

Le problème, c'est que ces suppléments d'honoraires continuent d'augmenter. "Lorsque l’on sait que le coût en chambre particulière à notre charge est 8 à 9 fois plus élevé qu'en chambre double ou commune, on comprend que cette évolution hospitalière ne fera qu’accroître les coûts pour les assureurs", estime Solidaris. Car ce sont eux qui paient la note, puisque 84% des Belges ont une assurance hospitalisation selon les derniers chiffres d'Assuralia. Voilà pourquoi les primes augmentent.


Parce que l'État contribue moins

Pour Solidaris, c'est la faute aux coupes budgétaires des gouvernements dans les soins de santé. "Depuis 10 ans, ces suppléments augmentent deux fois plus vite que les remboursements à l’hôpital. Beaucoup d’hôpitaux sont en difficultés et doivent trouver des recettes supplémentaires. L’augmentation des suppléments d’honoraires en est malheureusement une."

Selon la dernière étude MAHA réalisée chaque année par la banque Belfius, plus de 30% des hôpitaux en Belgique ont effectivement terminé l'année 2016 en déficit. C'est donc un hôpital sur trois qui est dans le rouge.

"Le financement des hôpitaux par l’assurance obligatoire (l'Assurance Soins de Santé et Indemnités (ASSI), ndlr) est insuffisant depuis plusieurs années et fait l’objet, encore récemment, d’économies importantes décidées par la ministre De Block", déclare Solidaris.

L'ASSI, c'est la branche de la sécurité sociale qui rembourse partiellement ou totalement les soins de santé. Près de 99% de la population en profite. Seuls les sans-papiers, les diplomates étrangers ou les parlementaires européens n'y ont pas droit.

Solidaris avance des chiffres concernant ces coupes budgétaires du gouvernement Michel et de la ministre de la Santé publique Maggie De Block: "Depuis le début de la législature, plus d’une centaine de millions d'euros ont été pris sur le budget de fonctionnement des hôpitaux, auxquels il faut ajouter plusieurs centaines de millions d'euros dans les honoraires des médecins, principale source de financement de l’hôpital", détaille Solidaris.

Ces montants sont-ils corrects ?


Des millions d'euros en moins pour financer les hôpitaux

Concernant le budget de fonctionnement des hôpitaux, appelé "budget des moyens financiers" ou BMF, le SPF Santé publique ne dément pas les montants avancés par Solidaris, même si les chiffres officiels du BMF total accordé chaque année sont difficiles à lire et montrent même des augmentations.

  • 8.244.695.787,49€ en 2015
  • 8.395.550.949,80€ en 2016 (+ 150 millions)
  • 8.206.771.295,24€ en 2017 (- 189 millions)
  • 8.251.298.824,05€ en 2018 (+ 45 millions)

"Ces totaux ne montrent pas directement les économies introduites dans les BMF", concède Vinciane Charlier, la porte-parole du SPF Santé publique. "C’est parce que d’autres montants positifs tels que des révisions de budget ou des provisionnels viennent s’ajouter au BMF des hôpitaux."

Des chiffres qui en cachent donc d'autres, même si l'étude MAHA de Belfius note également cette irrégularité dans le budget alloué aux hôpitaux: "2016 a été une année où le secteur hospitalier a été relativement “épargné” par les mesures d’économies imposées au budget des soins de santé. 2017, par contre, a été d’un tout autre ordre : plus de 200 millions d’€ d’économies ont concerné directement le secteur hospitalier", avançaient-ils.


Des millions d'euros en moins pour nous aider à payer les soins de santé

Concernant les honoraires des médecins, les chiffres de l'Inami sont implacables et correspondent mieux aux montants avancés par Solidaris. Ils concernent l'argent qui est donné aux mutuelles pour rembourser tout ou en partie les patients pour chaque acte médical effectué par un médecin conventionné. La réduction du budget attribué par l'État ces dernières années est réelle :

  • Moins 114,759 millions € en 2015
  • Moins 34,67 millions € en 2016
  • Moins 202,378 millions € en 2017
  • Moins 35,862 millions € en 2018

Précisons que ces chiffres ne prennent pas en compte l'indexation automatique, dont la conséquence est que malgré ces diminutions, le budget global augmente quand même chaque année. Il n'augmente juste pas autant qu'il le devrait.

Si on parle ici de tous les médecins et pas uniquement de ceux travaillant en hôpitaux, les chiffres détaillés de l'Inami montrent clairement que la très grande majorité de ces diminutions de budget concernent des pratiques hospitalières et non le médecin traitant. Et si ce ne sont pas les hôpitaux qui sont directement touchés, c'est la note finale du patient qui s'en ressent, puisqu'il doit plus contribuer à payer de sa poche les soins de santé à l'hôpital. Cela explique aussi l'augmentation de tarif pour des assurances hospitalisation qui, elles, remboursent tout, donc comblent la différence.


D'où vient l'argent des hôpitaux?

On a donc vu que les hôpitaux sont effectivement de moins en moins financés par l'État. L'étude MAHA de Belfius montre la répartition des recettes des hôpitaux en 2016 :

  • 41,7% : honoraires médicaux (en ce compris les suppléments)
  • 37,7% : budget des moyens financiers (BMF) alloué par la Santé publique (financement de l'État)
  • 15,7% : produits pharmaceutiques
  • 4,2% : forfaits
  • 0,7% : autres

Belfius analyse que "depuis plusieurs années, le BMF progresse à un rythme inférieur à celui du chiffre d’affaires, de sorte que son poids relatif décroît".

Et donc pour compenser cette perte de financement public, ce sont les suppléments d'honoraires qui augmentent.

Mais que sont-ils vraiment?


Qu'est-ce qu'un supplément d'honoraire?

L'honoraire, c'est ce qu'on paie aux médecins ou thérapeutes pour leur travail. En Belgique, tous les 2 ans, les syndicats des médecins et les mutualités fixent les tarifs de l'assurance-maladie obligatoire pour chaque soin. Les médecins dits "conventionnés" adhèrent à cet accord et sont donc tenus de pratiquer des honoraires fixes qui correspondent à ces tarifs. Les mutuelles remboursent alors totalement ou partiellement votre ticket modérateur. C'est le tarif pratiqué obligatoirement en chambres communes dans tous les hôpitaux.

Les autres, dits "non-conventionnés", sont libres de pratiquer les tarifs qu'ils souhaitent. Mais quand ils travaillent dans un hôpital, c'est celui-ci qui fixe le montant de ce qui dépasse le tarif des conventionnés, avec ou sans concertation avec les médecins concernés. C'est cela qu'on appelle les suppléments d'honoraires. Ils vont actuellement de 0% et 300% maximum (mais rien n'empêche les hôpitaux d'un jour augmenter encore) et varient entre les différents hôpitaux et entre les différentes spécialisations.

Comme on l'a vu chez Solidaris, il faut une assurance hospitalisation pour couvrir ces suppléments. Sans ça, la totalité du surplus est à charge du patient.

Il faut noter aussi que certains médecins sont partiellement conventionnés, en fonction du lieu de travail ou de l'heure.

Comme compensation au fait que les médecins conventionnés ont choisi de gagner moins d'argent, ils reçoivent une cotisation annuelle de l'assurance-maladie obligatoire pour leur pension future, qui monte à plus de 4.500€ par an.


Les hôpitaux peu transparents sur les prix pratiqués

Chaque hôpital doit donner au patient une liste des honoraires supplémentaires maximaux qui peuvent être facturés (exprimés en pourcentage des tarifs officiels fixés par l’assurance-maladie obligatoire). Le formulaire d’admission que le patient doit signer lui permet de choisir explicitement que des honoraires supplémentaires ne soient pas facturés.

À noter que chaque hôpital est censé clairement indiquer sur son site internet ces tarifs, mais selon les Mutualités chrétiennes, seul un hôpital wallon est totalement en règle en la matière actuellement.

À noter également que selon le baromètre des Mutualités Chrétiennes, les suppléments d'honoraires les plus élevés se retrouvent globalement dans les hôpitaux bruxellois puis wallons, alors que ce sont surtout des hôpitaux flamands qui pratiquent les suppléments d'honoraires les moins élevés. Les top 10 des hôpitaux aux suppléments d'honoraires les plus élevés et les moins élevés du pays sont parlants et coupent presque parfaitement la Belgique en deux, comme le montre cette carte.

Comment est réparti l'argent entre médecin et hôpital?

Dans les hôpitaux privés et publics, les médecins sont des indépendants. Un contrat les lie à l'hôpital et il stipule quel pourcentage de leurs honoraires leur revient et quel pourcentage revient à l'hôpital. Ces pourcentages varient fortement. Ils peuvent être les mêmes pour tous les médecins d'un même service, ou négociés individuellement. Le pourcentage des honoraires de base, remboursé par l'assurance-maladie obligatoire, et celui des suppléments d'honoraires n'est pas forcément le même non plus. En moyenne, les deux tiers de tous les honoraires des médecins vont à ceux-ci et un tiers à l'hôpital.

À titre d'exemple, selon cette étude, en 2010, 31% du revenu des gynécologues généré par le remboursement par l’assurance-maladie de base étaient transférés à l’hôpital contre seulement 15% de leur revenu provenant des honoraires supplémentaires.

Dans les hôpitaux universitaires, c'est différent. Là, les médecins ont un salaire fixe et ne sont pas indépendants. Les suppléments d'honoraires pratiqués vont donc entièrement à l'hôpital.


Des chambres simples de plus en plus demandées par les patients

Le prix pour le patient, donc son assurance, va-t-il continuer à grimper en chambre simple? Oui et pour plusieurs raisons, même si les mutuelles plaident pour réguler cela.

"La diminution de la durée d’hospitalisation observée depuis plusieurs années amène les hôpitaux à disposer de plus de chambres particulières", explique Solidaris. Elles sont non seulement plus souvent libres, mais les hôpitaux en construisent ou aménagent de plus en plus, puisqu'elles rapportent plus et que les malades qui disposent d'une grosse assurance hospitalisation optent plus qu'avant pour ces chambres.

Selon les chiffres de la Mutualité Chrétienne, en 2016, près d'un patient sur quatre (23%) avait opté pour cette formule, surtout en maternité (68,4%), en pédiatrie (38%) et en gériatrie et revalidation (11,2%). "Une majorité de patients souhaitent occuper seuls leur chambre d'hôpital. Cela correspond d'ailleurs au standard de confort de vie, commentent Muriel Wantier et Fabienne Van Slotten, auteures du baromètre hospitalier de la MC. "Dans le même temps, on constate que le nombre de chambres à un lit mises à disposition augmente et augmentera encore à l’avenir, au rythme des nouvelles constructions ou rénovations des établissements hospitaliers."

Une tendance se détache d'ailleurs ces dernières années : la création de chambres individuelles "de luxe", que l'hôpital facture encore plus cher.

De plus, avant, les suppléments d'honoraires n'étaient facturés que pour des actes médicaux qui touchaient directement le patient. Mais depuis quelques années, les hôpitaux ont tendance à pratiquer ces suppléments également pour des prestations médicotechniques où le praticien n'a aucun contact avec le patient, comme la radiothérapie ou la biologie clinique.

Cette tendance à gonfler la facture des patients les plus aisés/les mieux couverts est encore amplifiée par les assureurs privés, qui eux proposent des couvertures illimitées pour ceux qui en ont les moyens. Peu importe dès lors les suppléments pratiqués par les hôpitaux, puisque ces assureurs paient ce qu'on leur demande.


Aucune réforme politique à l'horizon

Pour mettre fin à cette flambée des prix, il faudrait une volonté politique. Mais le cabinet de la ministre Maggie De Block s'est exprimé très clairement après la sortie du dernier Baromètre Solidaris. "La réduction ou la suppression des suppléments d'honoraires en chambre particulière n'est pas une option car elle mettrait les hôpitaux en difficulté". Pour la ministre, c'est aux médecins et mutuelles à se mettre d'accord sur les honoraires et tarifs. Elle n'a donc pas repris le thème des suppléments d'honoraires dans sa réforme du financement des hôpitaux qui entrera en vigueur le 1er septembre prochain.

Cette réforme va entraîner l'INAMI à rembourser à tous les hôpitaux le même montant pour ce qu'elle appelle des "soins à faible variabilité", pour lesquels les parcours de soins sont (presque) toujours les mêmes et sont donc prévisibles. Ils représentent un peu moins de 10% des hospitalisations. La crainte est que ces forfaits se révèlent insuffisants par rapport au coût réel de ces soins. Auquel cas, les hôpitaux devront à nouveau trouver de l'argent. On sait maintenant où…

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