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Un chasseur accuse un autre chasseur d'avoir importé chez nous des sangliers malades d'Europe de l'Est: "C'est de l'affabulation pure"

Un chasseur français proche de la frontière belge et d'Etalle, où deux sangliers morts de la peste porcine ont été trouvés, accuse un propriétaire de Tintigny, la commune d'à-côté, d'avoir importé et lâché illégalement des sangliers d'élevage d'Europe de l'est sur son domaine. Le propriétaire, particulièrement connu et réputé dans la région, s'en défend et parle d'accusations sans fondement. Du côté du ministre Collin, on dit être au courant de cette rumeur mais que ce n'est pas du tout la piste privilégiée à l'heure actuelle. Les tests ADN systématiquement effectués sur les cadavres des sangliers morts finiront par révéler si la contamination actuelle provient ou non d'animaux importés.

La rumeur se propage sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes accusent à demi-mot la contamination de provenir d'un lâchage de sangliers contaminés. Un chasseur français, frontalier de la zone touchée, nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous. Il évoque un secret de polichinelle dans la région. Selon lui, le propriétaire d'une très grande chasse à Tintigny se livrerait à des lâchers clandestins de sangliers importés d'Europe de l'est sur son domaine.


"Je vous le garantis, la maladie vient de chez lui"

"Il trafique sa chasse pour ses gros clients. Ce n'est pas un bête sandwich qui a contaminé tout ça. On est certains qu'il fait des lâchers de sangliers depuis des années. Certains ont entendu des camions à 3h du matin ouvrir leurs portes dans le bois. Tout le monde connaît la vérité, j'ai vu les sangliers roses qui marchaient à côté de moi, qui restaient sans bouger, donc des sangliers d'élevages croisés avec des porcs. Des sangliers roses ! Croisés de chez croisés. Je vous le garantis, la maladie vient de chez lui", nous dénonce l'accusateur.

Hier matin, nos confrères de L'Avenir semblaient aussi disposer de témoignages allant dans ce sens, sans accuser personne en particulier : "La thèse du sandwich polonais fait franchement rigoler quelques-uns de nos interlocuteurs. Pour eux, l’origine la plus probable du virus en Gaume se trouve dans les importations. Des sangliers d’élevage provenant des pays de l’Est sont relâchés pour étoffer les tableaux de grandes chasses", pouvait-on lire.

La loi sur la chasse est très claire : en Belgique, l'achat, le transport et le lâcher de tout grand gibier sont formellement interdits et les infractions sont punies d'une peine pouvant aller jusqu'à 5000€ d'amende et 2 ans de prison.


"Je n'ai jamais importé de gibier"

Nous avons contacté le propriétaire en question, mis en cause par notre témoin. La rumeur, il la connaît et elle ne lui fait pas peur. "C'est de l'affabulation pure. Le bruit est parti d'un chasseur de Meix-devant-Virton. Il m'accuse d'avoir importé des sangliers de Pologne, ce qui serait criminel. Mais il n'a aucun élément qui le prouve. Je n'ai jamais importé de gibier, jamais jamais au grand jamais. J'ai une grande réputation et une notoriété dans monde de la chasse que je n'aurais pas si je n'étais pas quelqu'un d'honnête. Alors aller risquer des trucs pareils…", déclare-t-il.

Il est en effet lui-même chasseur, agriculteur et président ou administrateur de plusieurs associations ou entités dans la région, ayant ou non trait à la chasse.

Il poursuit sa défense. Pour lui, lâcher des sangliers importés de zones à risque sur sa chasse, "ce serait me tirer une balle dans le pied", puisqu'on le voit aujourd'hui, la contamination a eu pour conséquence l'interdiction de la chasse, donc l'arrêt d'une partie de ses revenus. Quant au mobile présumé (garantir une chasse fructueuse à ses clients, ndlr), il s'en défend aussi : "Que l'on regarde les tableaux de chasse faits sur ma chasse. Ils sont réguliers et même plus faibles que dans les chasses aux alentours."


Trop peu de prises que pour avoir des sangliers importés

D'autres auraient-il pu lâcher des animaux importés près d'Etalle? "À ma connaissance, il n'y a pas eu d'importation de sangliers de Pologne et si j'avais connu quelqu'un qui le faisait, il était de mon devoir de le dénoncer aux autorités policières." D'autant que ça n'aurait selon lui aucun intérêt: "Tout chasseur de qualité ne vient pas pour chasser du gibier en captivité. Pour quelqu'un qui connaît les sangliers, c'est quand même une chasse de réputation, avec éthique. On a tiré 28 sangliers en 2016 et 57 en 2017 sur 2500 ha, donc si avait des importés, on en tirerait plus que ça."

Quant aux hybrides avec des porcs, les fameux "sangliers roses" croisés par notre témoin, le propriétaire n'en a jamais rencontré: "Je n'ai jamais vu ça, ça n'existe pas. Il y en aurait, on les exterminerait et on en parlerait dans la presse".


Aucune plainte à la police et aucun PV de l'unité anti-braconnage

Si le propriétaire coupe donc court à la rumeur, elle est tout de même arrivée aux oreilles du ministre wallon de l'Agriculteur René Collin "pas plus tard que ce matin (mardi, ndlr)", indique son porte-parole.

Mais pour le ministre, cette piste concernant l'origine de l'épizootie n'est pas celle privilégiées, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que "aucune plainte n'a été déposée auprès de la police concernant ces faits et l'unité anti-braconnage (UAB, un service spécifique de lutte contre le braconnage et les déviances en forêt au sein du Service Public de Wallonie, ndlr), n'a relevé à sa connaissance aucun faits similaires à ceux évoqués. À l'heure actuelle, il n'y a aucune information vérifiable et formelle qui pourrait confirmer ces accusation."

Mais pour écarter définitivement cette possibilité, le ministre a "demandé de recevoir les PV dressés par l'UAB ces 10 dernières années qui relèveraient de faits de 'relâchage' de gibier étranger pour toute la Wallonie".


Les analyses ADN prouveront la provenance des sangliers morts

De plus, une réponse définitive à la question sera forcément apportée un jour. En effet, des analyses ADN seront systématiquement effectuées sur chaque sanglier retrouvé mort dans la zone de confinement. Cela a commencé avec les 2 cas confirmés à Etalle : "Une analyse ADN des 2 premiers sangliers est en cours. Elles doivent permettre de déterminer le profil génétique des animaux et nous permettre de dire s'ils sont endogènes (wallons, ndlr) ou exogènes (venant d'ailleurs, ndlr). Un jour, nous aurons donc une réponse à cette question grâce aux profils ADN, pour pouvoir définitivement fermer cette porte ou l'ouvrir", explique le porte-parole du ministre.

"Par contre, ces résultats ne nous permettront pas de savoir d'où ils viennent si ce n'est pas de Wallonie, car si nous avons une base de données, d'autre pays européens (où la maladie est présente, ndlr) n'en ont pas ou leurs méthodes de classement ADN varient par rapport aux nôtres", note-t-il encore.

La phase de recherche des cadavres a débuté hier dans la zone de confinement de 63.000 ha. "Retrouver les carcasses ou cadavres de sangliers morts porteurs du virus, c'est la priorité pour endiguer la diffusion du virus sur d'autres secteurs. Il reste actif sur un cadavre 120 jours, donc plus il y aura de carcasses, plus il y aura de foyers. La priorité est donc de détecter les cadavres et de les extraire de la forêt par un protocole bien défini pour éviter la diffusion du virus par l'homme par voie accidentelle."


Les 3 thèses d'arrivée de la peste porcine africaine en Belgique

La thèse de l'introduction par l'homme d'une bête infectée est peu plausible pour d'autres raisons, détaillées lundi par les experts de la peste porcine, notamment celui dépêché par la Commission européenne.

La moins plausible est la migration naturelle, car "le foyer le plus proche à vol d'oiseau est à 1000 km d'ici en République tchèque. Or, sur un mois, un sanglier parcours entre 500 mètres et 2 km de migration naturelle. Il faudrait donc 80 ans pour qu'ils arrivent en Belgique et des foyers se seraient ouverts dans les pays limitrophes".

Ensuite arrive la thèse de l'animal transporté par camion. "Le transfert assisté par l'homme est aussi quelque chose qui est assez bas en termes de probabilités. L'animal infecté ne tiendrait pas le coup du transport" si la maladie s'était déclarée. Et il n'y a que 3 jours d'incubation "sans effet visuel pour l'homme ni sur l'animal", durant lesquels le transport serait donc possible. Mais ensuite, "entre le 3ème et le 5ème jour, il est contaminant (via la salive, les excréments, les urées, …) et les symptômes sont quasi radicaux: augmentation brusque de température et décès entre le 5ème et le 7ème jour." La possibilité d'avoir fait venir sur plus de plus de 1000 km des animaux qui avaient encore l'air en bonne santé à leur arrivée est donc mince.

Enfin, il y a l'option la plus probable : "Que le virus ait été amené par l'homme par voie accidentelle", détaille enfin le porte-parole. Et là, les scénarios sont innombrables. "Quelqu'un qui est allé se balader dans une forêt infectée, dans le pays baltes par exemple, et qui n'a pas désinfecté ses chaussures et est venu se balader en forêt wallonne. Ou des touristes via la voiture, non désaffectée elle non-plus. Ou simplement parce que les porcs d'élevages contaminés en Europe de l'est sont consommés localement sous forme de charcuterie ou de saucisses. Des individus de ces pays peuvent être venus casser la croûte chez nous sans avoir jeté à la poubelle les résidus de viande contaminée. Des sangliers sont passés par là et ont mangé ces aliments." On en revient là à la fameuse thèse du sandwich.

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