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Au large de Vallauris, un mois pour remonter des milliers de pneus immergés

A 500 mètres du rivage, des scaphandriers se relaient pour remonter à la surface des eaux turquoise du golfe Juan des milliers de pneus: immergés depuis des décennies, ils devaient servir de récifs artificiels dans cette zone protégée mais ne remplissent plus aujourd'hui cet objectif

"Le matin, c’est facile, l’eau est claire, on enfile le bout autour des pneus comme un collier et on les fait remonter avec la grue, mais l'après-midi, à force de remuer tout ça au fond, on n'y voit plus rien et ça se complique", lance Morgan Postic, du pont de l'Océa, avant d'enjamber le bastingage de ce navire pour une nouvelle plongée.

Comme Morgan, quatre autres scaphandriers se relaient depuis le début de la semaine, à raison de plongées de 40 minutes, sous le soleil de plomb qui écrase encore ce golfe des Alpes-Maritimes, entre Cannes et Juan-les-Pins. Des milliers de pneus y sont immergés depuis les années 80, par 30 mètres de fond.

Financée à hauteur d’un million d’euros par l’Agence française pour la biodiversité (AFB), un organisme d’Etat, et par la fondation Michelin pour 200.000 euros, l'opération doit durer un mois pour retirer dans un premier temps 10.000 pneus. Une seconde campagne sera lancée au printemps prochain pour enlever 12.500 autres pneumatiques restant.

Cette "première" a été lancée après des études menées en 2005 par l’Université de Nice qui ont montré que les pneus, une trentaine d’années après leur immersion, continuaient à "émettre des produits toxiques", notamment des métaux lourds, explique Patrice Francour, professeur d’écologie au laboratoire Ecomers de l’Université de Nice Côte-d’Azur.

- Recyclés à terre -

En 2015, une première opération pilote a permis de remonter 2.500 pneus sur les 25.000 qui avaient été immergés, et surtout de valider le principe d’une opération de nettoyage complet du site. Celui-ci est situé dans une zone Natura 2000 aujourd'hui gérée par le département, au droit même de la fastueuse propriété du roi d’Arabie Saoudite.

Dans les années 80, "on espérait restaurer ici une vie aquatique mais ça n’a pas fonctionné, il s’est avéré que ce récif de pneus n'était pas un milieu prolifique pour la biomasse", explique Eric Duplay, adjoint au maire d’Antibes. Il justifie l'opération actuelle par le fait que "les pneus peuvent se dégrader, se transformer en granulat et envahir les champs de posidonie".

Installés à l’origine à l’initiative des services de l’Etat et de la prud’homie de pêche locale, et situés entre la zone coralligène et les herbiers de posidonie, dans une aire marine où la pêche est interdite, ces récifs n’ont pas, notamment, "accueilli d'espèces sédentaires comme les chapons", confirme Denis Genovese, président du comité départemental des pêches. "Il y avait bien des mérous, des congres et des sars qui tournaient autour, mais aucune espèce ne s’est réellement habituée ici", ajoute ce pêcheur d’Antibes, l’un des 20 encore en activité dans cette prud’homie.

Les pneus, une fois remontés à bord de l’Océa, seront ensuite acheminés à Nice et recyclés pour servir de granulat pour les matériaux de construction, notamment pour les routes. "Ensuite, nous allons laisser les fonds se restaurer naturellement et continuer à surveiller la zone avec des capteurs permettant de mesurer comment cette aire marine protégée, qui est pour nous une sorte de laboratoire, va évoluer", indique Patrice Francour, de l’Université de Nice. Ce récif de pneumatiques, unique en France, est en revanche plus répandu dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, selon ce scientifique.

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