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Son ex-compagne ne lui a pas rendu son fils à la fin de sa garde: "Je ne dors plus"

Que faire quand un parent ne veut pas rendre son ou ses enfant(s) à la fin de sa période de garde alternée ? C’est la question que s’est posée Frédéric, lorsque son ex-compagne a refusé de respecter leur accord. La police ne sait pas toujours agir, et il faut dès lors se tourner vers le Tribunal de la famille.

Frédéric (prénom d’emprunt car il veut garder l'anonymat) a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de la situation douloureuse qu’il vit actuellement. Son ex-compagne n’a pas voulu lui rendre son fils de 6 ans alors qu'il était à la porte du domicile de celle-ci. Pourtant, la garde alternée déterminée par le tribunal le prévoyait. "Il y a eu un jugement et j’ai la garde de mon fils depuis janvier 2017", précise-t-il. "Sa maman le voit un week-end sur deux. Mais quand j’ai été le chercher, elle n’a pas voulu me remettre l’enfant".

"Les policiers ne pouvaient rien faire"

Ce n’était pas la première fois que ce genre de situation se présentait. Frédéric, infirmier de profession, n’a pas voulu envenimer les choses et se disputer. Il s’est donc rendu à la police de Tubize et a demandé qu’une patrouille aille parlementer avec son ex-compagne pour trouver une solution à l’amiable. Les policiers n’ont, selon lui, pas voulu prendre de déposition, car il n’était pas muni du jugement du tribunal qui prouvait ses droits. Le père de famille est donc reparti à son domicile, à Bruxelles, a récupéré chez lui le document en question et est retourné à la police. "Les policiers m’ont finalement dit qu’ils ne pouvaient rien faire", affirme-t-il.

À l'heure où nous écrivions ces lignes, rien n’avait changé, et Frédéric devait attendre. "J’ai pris contact avec mon avocat qui a entamé des procédures. Notre audience au Tribunal a été reportée à la fin du mois d'octobre car mon ex-compagne n'avait pas préparé sa défense. Je suis inquiet et je ne dors plus".

Jugement ou pas ?

Rien d’anormal dans les faits décrits par notre alerteur, selon maître Ingrid Capelle, avocate spécialisée en droit de la famille et de la jeunesse. Selon elle, deux cas de figure se présentent lorsqu’un parent refuse de remettre l’enfant à la fin de sa période de garde. "Tout dépend en fait s’il y a un jugement ou pas", donc si les conditions de la garde ont bien été définies au préalable. 

Si ce n’est pas le cas, il y a peu de marge de manœuvre. "La seule solution, c’est de tout de suite introduire un recours auprès du Tribunal de la famille. Et ensuite, consulter un avocat qui va pouvoir interpeller l’autre parent. Un bon avocat va proposer tout d'abord une conciliation, pour apaiser les conflits". Pour éviter une telle situation, l’avocate conseille aux parents qui se sont accordés entre eux sur le partage de l’enfant au moment de leur séparation d’aller faire acter cet accord devant le Tribunal de la famille. "Malheureusement, beaucoup ne le font pas", déplore-t-elle.

Seconde possibilité: celle où un jugement a bien tranché le partage de la garde. Avant toute chose, l’avocate conseille là aussi aux parents de discuter. Mais si la solution à l’amiable ne fonctionne pas, il faut aller porter plainte. C’est d’ailleurs ce qu’a fait notre alerteur, mais ce n’est pas pour autant que tout va se débloquer. "La police peut enregistrer une plainte pour non-représentation d’enfant, mais elle ne peut pas aller le chercher manu militari", explique maître Capelle. C’est au Parquet et au Tribunal de la famille de prendre le relais.


Au cas par cas

Il faut aussi que le jugement ait clairement identifié les périodes de garde de chaque parent. "Si ce n’est pas le cas, la police ne sait pas savoir si le plaignant est dans ses droits". Concrètement, si un des deux parents a le droit de voir son enfant un week-end sur deux, il faudra apporter toutes les précisions nécessaires dans le jugement. "Maintenant, on veille à mettre tous les détails, comme par exemple ‘le week-end pair, de telle à telle heure’". Plus il y a de détails, moins il y aura de problèmes. "Mais tout s’apprécie au cas par cas", rajoute l’avocate. 

Il arrive donc souvent que les parents ou leurs avocats sollicitent le Tribunal de la famille, pour faire avancer les choses, mais une action immédiate ne sera pas possible dans la plupart des cas. "La justice ne sait pas toujours réagir dans les 48 heures", explique Ingrid Capelle. Selon elle, il faut compter entre deux et trois semaines pour avoir une première audience auprès du Tribunal. Et là aussi, tout se fait au cas par cas. Il arrive que le juge rende une décision la semaine qui suit. Cela peut aussi durer plus longtemps. "Tout peut être résolu en quelques semaines. Mais ça peut aussi prendre plusieurs mois voire plusieurs années, par exemple dans des dossiers où les choses se passent mal et qu'il faut traiter beaucoup de points"

"Le Tribunal peut aussi se réunir en cas d'urgence"

Si la situation le demande, le juge peut aussi prendre des mesures dites provisoires, qui vont s'appliquer dès le jour de l'audience. Et si le plaignant estime que ça doit aller encore plus vite et qu'il n'est pas possible d'attendre la première audience, il lui reste la procédure en référé. "Le Tribunal de la famille peut aussi se réunir en cas d'urgence, avec des décisions dans les 24 ou 48 heures qui suivent la demande". Celle-ci doit évidemment être justifiée et tout abus serait mal vu par les juges.

Les parents ne doivent par contre pas introduire un nouveau dossier auprès du Tribunal de la famille à chaque nouveau problème. "Il y a une règle bien établie, celle de la saisine permanente. Chaque fois qu’il y a un élément nouveau, on peut facilement demander au Tribunal de revoir les mesures". Ainsi, tout changement dans la situation de la famille peut être rapporté au juge: déménagement, changement d’école, modification du statut professionnel d’un parent, etc. Le dossier n’est jamais clôturé avant la majorité de l’enfant. Par contre, le délai pour obtenir une audience dans ce cas n'est pas fixé par la loi, et il dépend des tribunaux. "Il y a un manque de personnel, on le sait, donc quand il n'y a pas d'urgence on fait comme on peut. Et il faut parfois attendre plusieurs mois".


Et si je ne venais pas?

Une question peut également traverser l'esprit des parents: Peut-on ne pas venir à une audience du Tribunal de la famille? La réponse est souvent non. "Les deux parties doivent être présentes, c'est très important", insiste l'avocate. "C'est également très éclairant pour le juge car il pourra les interroger et analyser leur attitude corporelle". Il y a seulement quelques exceptions, comme le fait d'être malade.

Une fois le jugement prononcé, il sera immédiatement mis en application. "Quand il s'agit de mesures qui concernent les enfants, la décision est exécutoire par provision, c'est un grand principe. Cela veut dire que c'est exécutable tout de suite". Cela permet d'éviter qu'une paralysie ne s'installe, si un des parents décide de faire appel.


"Ça peut aller jusqu’à une astreinte"

Et la décision du juge peut aussi mener à des sanctions: "Ça peut aller jusqu’à une astreinte, une amende financière. Mais pour cela, il faut encore que le parent qui désobéit soit solvable". Le juge pourra ainsi l'obliger à payer une somme d'argent conséquente lorsqu'il ne respecte pas le partage de la garde. "Il n'y a pas de forfaitisation, ça peut être 500, 1.000 euros à chaque fois qu'il ne remet pas l'enfant... Le juge décide de la somme pour qu'elle soit suffisamment dissuasive et il peut la revoir. Les menaces d'astreintes font souvent leur effet".

Et si tout cela ne marche pas, le Tribunal peut finalement décider de changer les modalités de l'hébergement. Il peut aussi demander à la police d'aller rechercher l'enfant, mais il s'agit là de quelque chose d'assez extrême. "On évite de recourir à la force car ça traumatise les enfants. Et c'est pour cela que la police n'accepte pas toujours de le faire".


De nombreux cas chaque année

Les différents Tribunaux de la famille installés dans notre pays enregistrent chaque année un grand nombre d'affaires concernant l'hébergement d'enfants mineurs et l'autorité parentale. Selon les chiffres du Service Public Fédéral Justice, plus de 10.000 nouveaux dossiers de ce type auraient été ouverts l'année dernière en Belgique. Mais il faut prendre ces statistiques avec précaution, précise-t-on auprès du Service d'appui du Collège des cours et des tribunaux. L'encodage des différentes affaires ne se fait en effet pas toujours de la même manière dans chaque tribunal. Certains enregistrent plusieurs fois la même affaire, au fur et à mesure des requêtes, d'autres pas. Plusieurs tribunaux n'ont également pas validé leurs résultats et ils n'ont donc pas été pris en compte dans le calcul. 


"Les mineurs peuvent être auditionnés"

Quelle est la place des enfants, durant tout ce processus? Car, au final, c'est bien d'eux qu'on parle durant les audiences. Ils ont en fait la possibilité de donner leur avis. "Mais attention, les mineurs ne peuvent pas décider des modalités de leur hébergement", insiste Ingrid Capelle. "Ils peuvent par contre être auditionnés sur convocation du juge à partir de 12 ans, pour des causes qui les concernent. Bien sûr, ils ne sont pas obligés". Plus l’enfant va grandir, plus son avis aura du poids. "Ça devient difficile d’imposer des règles à des ados de 17 ans. Et bien entendu, quand ils sont majeurs, ils feront ce qu’ils veulent, il n’y aura plus de contraintes".

Aujourd’hui, lors d’un divorce qui implique un partage de garde d’enfants, la loi privilégie l’hébergement égalitaire. "Mais il y a beaucoup de réserves, comme l’âge des enfants", détaille l’avocate. "En dessous de 4 ans, ce n’est pas possible. Car il faut éviter que l’enfant soit trop séparé. Ensuite, à l’adolescence, on remarque qu’ils en ont marre d’être continuellement coupés". Certains demandent donc de rester plus souvent chez un parent que chez l'autre, pour avoir un hébergement plus stable. Là encore, tout doit être adapté à la situation en question. "On fait toujours du sur-mesure. Tout est faisable, la loi n’oblige pas d’opter pour tel ou tel choix. Elle suggère, car il y a plein de possibilités".

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