Accueil Actu

La main d'un gilet jaune arrachée à Paris: "Il hurlait de douleur, il n'avait plus aucun doigt"

Après presque trois mois de contestation, plus de 51.000 "gilets jaunes" ont manifesté en France pour leur acte 13, selon le ministère de l'Intérieur, une mobilisation en recul qui a été une nouvelle fois marquée par des incidents à Paris, où un manifestant a eu une main arrachée devant l'Assemblée nationale.

Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, contestés par les manifestants, 51.400 personnes au total se sont mobilisées dans l'hexagone, dont 4.000 à Paris. Selon un bilan non définitif du "nombre jaune", un comptage fait par les "gilets jaunes" et publié sur la page Facebook, il y avait 111.010 manifestants en France samedi à 18H00. La mobilisation diminue globalement chaque samedi depuis mi-janvier, selon les chiffres de Beauvau: le 19 janvier, le nombre de "gilets jaunes" atteignait 84.000, ils étaient 69.000 le 26 janvier puis 58.600 le 2 février.


Une main arrachée

Un manifestant présent dans le cortège parisien des "gilets jaunes" a eu une main arrachée samedi à la mi-journée, à hauteur de l'Assemblée nationale, où de vives tensions ont eu lieu, ont rapporté à l'AFP des secouristes volontaires sur place. Selon la préfecture de police, il a eu "quatre doigts arrachés".

Cet homme a été évacué par les pompiers de l'Assemblée, un bandage au bout de l'avant-bras, a constaté un journaliste de l'AFP. Des street-medics ont rapporté à l'AFP qu'il avait eu la main arrachée, également clairement visible sur des images diffusées en direct par la chaîne de télévision RT.

La cause exacte de la blessure n'était pas établie dans l'immédiat. Mais, selon un témoin direct qui a filmé la fin de la scène, Cyprien Royer, il s'agit d'une "grenade de désencerclement" lancée par les forces de l'ordre, alors que des manifestants tentaient d'enfoncer les palissades protégeant l'entrée de l'Assemblée nationale.

La victime est "un photographe 'gilet jaune'" qui "prenait des photos des gens en train de pousser les palissades de l'Assemblée nationale" à la mi-journée, a rapporté cet homme de 21 ans, dont l'AFP a pu visionner les images.

"Quand les flics ont voulu disperser les gens, il a reçu une grenade de désencerclement au niveau de son mollet, il a voulu mettre un coup de main dedans pour ne pas qu'elle explose vers sa jambe et elle a pété quand il l'a touchée", a-t-il affirmé. "On l'a mis sur le côté, on a appelé les street-medics, c'était pas beau: il hurlait de douleur, il n'avait plus aucun doigt, il n'avait plus grand-chose au-dessus du poignet".

La préfecture de police a confirmé à l'AFP qu'un "manifestant blessé à la main" a été pris en charge par les pompiers, sans plus de précisions. De même source, peu avant 14H00, dix personnes avaient été interpellées.



Plusieurs dizaines d'interpellations à Paris

Des incidents ont eu lieu sur le parcours de la manifestation, qui est arrivée vers 16H30 près de la Tour Eiffel, dans une ambiance tendue, et s'est terminée avant 20H00 après dispersion par les forces de l'ordre, qui restaient présentes, comme chaque samedi, sur le Champs-Elysées. Du mobilier urbain et des distributeurs de banques ont été cassés, une dizaine de véhicules incendiée, principalement des voitures de luxe, mais aussi une voiture de la mission antiterroriste militaire Sentinelle. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dénoncé sur Twitter des "attaques intolérables" et exprimé son "indignation et dégoût".

À 20H00, la préfecture de police comptait 39 interpellations à Paris. Il y avait 21 personnes en garde à vue, selon le parquet de Paris.

Mais pour Myriam Oudin, une garde d'enfants de 42 ans, "ça n'aurait pas de sens de s'arrêter maintenant". "On est convaincus que grâce aux gilets jaunes, le monde va changer", a confié cette femme coiffée d'un bonnet phrygien découpé dans un gilet jaune.


Les gilets jaunes à travers la France

À Toulouse et à Bordeaux, des villes où la mobilisation a été très forte et marquée par des heurts plusieurs samedis d'affilée, 6.000 et 5.000 "gilets jaunes" ont manifesté, selon une source policière.

À Lyon, ils étaient aussi plusieurs milliers dans les rues. À Dijon, autre place forte du mouvement, le cortège s'est élancé aux cris de "Macron démission". Emmanuel Macron "ne parle pas, il fait un monologue", a déclaré Nadine, 55 ans, qui ne croit pas au grand débat. "On a encore l'espoir que (les manifestations) ouvrent un peu les yeux" au président.

Au moins 2.000 personnes ont défilé à Lorient. Pour Eric, 40 ans, infographiste et maraîcher, "la revendication que je soutiens le plus, c'est le RIC (référendum d'initiative citoyenne). Il faut redonner le pouvoir de décider aux gens, comme en Suisse".

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, dont la proposition de loi "anticasseurs" a été adoptée par l'Assemblée au prix de sévères remous dans la majorité, a été particulièrement visé dans les slogans des manifestants.

Caen, Lille, Metz, Montpellier: là aussi, les "gilets jaunes" ont poursuivi la mobilisation.


Un mouvement qui secoue toujours la France

Le mouvement des "gilets jaunes" apparait toujours très fragmenté. D'un côté, certains souhaitent faire prospérer la colère sociale, quitte à remiser leur méfiance des syndicats, pour manifester main dans la main avec la CGT : une première journée d'action a rassemblé 137.200 personnes en France mardi, selon l'Intérieur, plus que lors des dix derniers "actes" des "gilets jaunes".

De l'autre, beaucoup veulent éviter toute récupération politique, au moment où Rome multiplie les encouragements au mouvement, dans la perspective des élections européennes.

Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles et numéro deux du gouvernement italien, a semé la zizanie en rencontrant mardi Christophe Chalençon - une figure controversée qui a appelé à installer un ancien militaire au pouvoir - et d'autres membres d'une liste de "gilets jaunes" montée pour ces élections.

Une rencontre impromptue, organisée à l'insu de la tête de liste, Ingrid Levavasseur, et qui a provoqué une crise diplomatique historique entre l'Italie et La France.

Pour protester contre toute instrumentalisation, Maxime Nicolle, l'une des figures historiques des "gilets jaunes", s'est déplacé vendredi à la frontière italienne pour répéter que le mouvement "n'a pas de leader" et "est apolitique".

Le chef de l'État, très présent dans son grand débat, a vu sa cote de popularité remonter dans les enquêtes d'opinion. Mais selon un sondage diffusé jeudi, 64% des Français continuent de "soutenir" le mouvement des "gilets jaunes".

À lire aussi

Sélectionné pour vous