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Ces "Dream Catchers" des bidonvilles du Nigéria remarqués par Naomi Campbell et Rihanna deviennent des stars (vidéo)

Des petits pantins désarticulés qui se déhanchent devant une carcasse de bus au milieu des ordures: remarquée par les stars Rihanna et Naomi Campbell, une vidéo des "Dream Catchers" devenue virale, a transformé des enfants des rues nigérians en célébrités.

Il n'y a encore pas si longtemps, les "Attrapeurs de rêve" - six garçons et six filles âgés de 6 à 16 ans - ne savaient pas ce qu'était une chorégraphie. Aujourd'hui, ils dansent dans le clip du chanteur nigérian Amada en hommage aux Super Eagles qui disputent la Coupe du monde de foot en Russie.

"Ce que nous avons fait cette année est juste énorme, on est allé très, très loin", confie à l'AFP Seyi Oluyole, leur professeure de danse et tutrice de 26 ans, qui n'en revient toujours pas.

Début mars, la jeune femme poste sur la page Instagram des Dream Catchers (qui compte désormais près de 80.000 abonnés) la dernière vidéo de ses prodiges tout sourires, se tortillant sur une chanson afrobeat de la popstar Wizkid.

La toile s'emballe lorsque Rihanna, suivie par le producteur américain P. Diddy, partage le clip sur son propre compte: il sera vu plus de 2,8 millions de fois.

Quelques semaines plus tard, c'est la top model Naomi Campbell, invitée à la Fashion Week de Lagos en avril, qui leur rend visite à Ikorodu, leur banlieue pauvre en périphérie de la bouillonnante mégapole. L'opération de communication est réussie: les enfants lui sautent dans les bras devant une nuée de caméras.

"Deuxième chance" 

Depuis, les Dream Catchers sont très sollicités, qu'il s'agisse de collaborations avec des artistes ou de recevoir des prix. Le gouverneur de Lagos, Akinwunmi Ambode, les a invités plusieurs fois à monter sur scène, comme pour la journée mondiale de l'enfance, le 27 mai.

Seyi Oluyole a fondé la troupe il y a quatre ans pour aider les enfants des rues de Lagos à "rêver", et à retrouver le chemin de l'école.

A l'époque, elle dirige le groupe de danseurs de son église, et le dimanche, voit affluer les gamins pauvres du quartier, avides d'oublier la faim et l'ennui le temps d'une messe.

"Les enfants venaient toujours plus nombreux et voulaient toujours danser. Au bout d'un moment j'ai réalisé que la plupart n'allaient pas à l'école. Ils ne parlaient même pas anglais", une des langues officielles du pays, explique-t-elle.

Au Nigeria, près de 10,5 millions d'enfants sont déscolarisés, selon l'Unicef, qui s'alarme de ce chiffre, "le plus important au monde".

Seyi avait 12 ans, lorsque son père, banquier, a perdu son travail et que toute la famille s'est retrouvée à la rue pendant deux ans. "J'ai eu la chance de continuer à aller à l'école parce que c'était très important pour mes parents, mais j'ai vu de près la misère des autres", dit-elle.

Seyi accueille aujourd'hui une dizaine d'enfant dans son trois-pièces transformé en joyeux bazar. Sur les murs, trônent les portraits d'icônes aux destins hors du commun comme Nelson Mandela, Oprah Winfrey ou encore Serena Williams, tous issus de milieux modestes, avec une devise écrite en lettres capitales: "Chaque jour est une deuxième chance".

Lire, écrire, danser


Elle a convaincu leurs parents de lui confier leurs enfants et paye leurs frais de scolarité avec ce qu'elle gagne en écrivant des scénarios pour une chaîne de télé.

La troupe répète le soir, mais s'ils n'obtiennent pas de bons résultats à l'école, les enfants sont privés de danse pendant quelques jours: "la pire des punitions".

Busola a de grands yeux en amande et une coupe à la garçonne, d'où son surnom "T-boy". A 13 ans, elle a passé la plus grande partie de sa vie à mendier dans les bouchons de Lagos, avec son petit frère dans les bras, pour "de l'argent et de la nourriture". Ce qu'elle deviendra ensuite? "Danseuse, actrice ou coiffeuse!".

"Avant je parlais seulement yorouba, les autres enfants se moquaient de moi", explique de son côté la jeune Dami, 10 ans, qui a squatté plusieurs années avec sa mère dans une maison abandonnée. "Depuis que je vais à l'école, je sais lire et écrire. Ma vie a changé".

Seyi affirme toutefois que la troupe n'a pas véritablement gagné d'argent malgré la célébrité, hormis des dons de nourriture ou de vêtements.

"Les gens nous invitent pour des shows, ils utilisent l'image des enfants pour leur marque, mais ils ne payent pas, ou très peu", regrette la jeune femme, qui rêve désormais de créer une "véritable" école de danse à Lagos.

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