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Leur père, soldat américain, a participé au débarquement en juin 1944: ils découvrent qu'ils sont frères et, séparés par un océan, 70 ans après

L'ADN leur a révélé qu'ils avaient le même père: deux demi-frères, l'un Français, l'autre Américain, ont rendez-vous lundi à Omaha Beach où leur père commun, soldat américain, a débarqué en juin 1944.

Il y a quelques semaines encore, ces deux hommes ignoraient tout mutuellement de leur existence. Jusqu'à ce que des tests ADN leur révèlent de façon surprenante qu'ils ont le même père, Bill Henderson, un GI mobilisé en Normandie pendant la Seconde guerre mondiale.

André Gantois, 72 ans un habitant de Ludres, dans l'est de la France, et Allen Henderson, 65 ans, de Greenville (Caroline du Sud) vont se retrouver lundi à Colleville-sur-Mer (Calvados) où leur père a débarqué parmi les 132.700 Alliés mobilisés le "Jour J".

Venus avec plusieurs membres de leurs familles, ils devaient assister à la descente du drapeau américain, au son de l'hymne militaire, à 16H30. Enterré à Los Angeles, le GI Henderson est décédé en 1997.

André Gantois se savait des origines américaines mais pendant des décennies le doute a subsisté. "Enfant de la guerre" né d'une mère française, Irène, il a 15 ans quand il apprend à sa mort son histoire d'amour avec un soldat américain.

Irène, qui avait revu après la guerre son amant, avait caché à ce dernier qu'elle était enceinte.

André Gantois naît en 1946, orphelin d'un père dont il ignore le nom. Aux Etats-Unis, le GI a refait sa vie et fonde une famille.

Lancé dans une quête éperdue pour trouver son père, sa première tentative à 20 ans à l'ambassade des Etats-Unis à Paris sera vaine. "On m'a répondu que ce que je demandais, c'était comme chercher une épingle dans une meule de foin."

Les autorités américaines étaient sceptiques à l'idée qu'il fasse des recherches pour obtenir des aides, affirme son fils et avocat Alexandre.

Jusqu'à ce que sa belle-fille l'oriente vers un institut américain spécialisé en recherche d'ADN.

"C'était une recherche inespérée. De toute façon, je disais toujours que je mourrais sans connaître mon père", confie à l'AFP ce retraité, ancien fonctionnaire de La Poste.

En juillet, il reçoit deux éprouvettes et deux bâtons, effectue un prélèvement dans la bouche qu'il envoie aux Etats-Unis. Il ne sait pas que trois semaines avant lui, cette entreprise a été chargée, par la famille Henderson, de mener une recherche généalogique basée sur l'ADN.

Les résultats tombent début août: "les tests se sont croisés et l'agence a déterminé que j'avais un frère aux Etats-Unis et que j'étais de famille américaine", raconte André Gantois encore "retourné" par son histoire.

Allen Henderson a lui aussi été surpris: "Oh j'ai un frère, j'ai un frère !", a-t-il déclaré au média local 7News. "(André) n'avait aucune idée que nous étions ici et, bien sûr, je n'étais pas à sa recherche, car je n'avais aucune idée qu'il était là-bas", confie-t-il.

Un air de famille 


Des deux côtés de l'Atlantique, les deux hommes sont mis en contact, échangent des photos. "Les gens autour de moi me disent: mais c'est incroyable la ressemblance, on dirait vraiment des frères !", s'amuse le Lorrain.




Comme son "demi-frère d'Amérique", André se coiffe avec la raie sur le côté, porte des chemises à carreaux. Il découvre le visage de son père et apprend qu'il a aussi une demi-soeur.

"Mon père c'est ma gueule tout craché, le même sourire, tout est pareil. Tout est arrivé d'un coup. Je connais même l'emplacement de sa tombe au cimetière militaire à Los Angeles", se réjouit-il.

"Il va falloir maintenant que je me mette à apprendre l'anglais", glisse le Français, gouailleur, qui ne s'était jamais intéressé à la langue de Shakespeare.

Plus de 70 ans après, la question des enfants nés de Françaises et de soldats alliés reste méconnue, souligne Emmanuel Thiébot, historien au Mémorial de Caen.

Si on sait notamment que quelque 200.000 Français sont nés de soldats allemands, il n'existe, faute d'étude sérieuse à ce jour, aucun chiffre officiel sur les enfants nés de soldats alliés, souligne l'historien.

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