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Ski: avant l'annulation du slalom de Val d'Isère, le travail de l'ombre des lisseurs

Six heures du matin, le crissement des skis réveille la Face de Bellevarde dans la nuit noire de Val d'Isère: les "lisseurs" préparent méticuleusement la piste du slalom, finalement annulé dimanche pour cause de vent trop fort.

De loin on dirait une colonne de fourmis rouges. Les lisseurs de la station, chasuble sur manteau rouge, sont à la tâche: il faut préparer la piste pour les champions.

"Quelques pauses, un break d'une heure pour manger, mais c'est tout", raconte la blonde Chloé, monitrice ESF de 20 ans, qui était déjà à l'ouvrage la veille, de 2h30 à 14h, avant le géant.

"C'est dur mais ce n'est qu'un week-end. Il faut qu'on arrive motivés, on sait qu'il y a 12h de boulot!", lâche-t-elle.

La neige est tombée toute la nuit sur la terrible Face de Bellevarde, qui jette sa pente abrupte directement dans la station savoyarde. Il faut dégager toute cette poudreuse à la force du ski, la tasser, l'égaliser, pour offrir les meilleurs conditions possibles aux slalomeurs. Qu'ils puissent faire parler leurs appuis puissants et se déhancher entre les piquets.

Après un passage de la dameuse, les fourmis descendent en chasse-neige ou en travers de la pente, faisant jaillir des gerbes blanches sous leurs skis, éclairés par de puissants projecteurs.

Dans cette chorégraphie sisyphéenne, les lisseurs remontent sur le télésiège balayé par les bourrasques de vent; la neige fine qui tombe en continu leur fouette le visage. Ils redescendent la piste à nouveau. Inlassablement.

- Rendez-vous à 5h -

"Ils viennent bénévolement et sont fiers de le faire", assure "Ben", le directeur technique, 41 ans. Une grande partie de ces 160 travailleurs des neiges sont moniteurs ESF. En échange de leur aide, la station leur offre le forfait des remontées mécaniques pour la saison.

Ils se sont retrouvés au petit matin, à cinq heures, au Club des Sports, au pied des pistes, avant d'affronter le froid. Quelques oiseaux de nuit ont les traits un peu plus tirés que les autres. Sous la lumière crue de la grande salle, un café, une mandarine, une bise, une "vanne", une tape dans le dos; on se prépare.

Noyé au milieu des manteaux rouges, Didier Cuche, brun costaud en noir, homonyme du champion suisse, donne les consignes debout sur une chaise: "Un immense merci à tous, on a fait du bon boulot hier (...) Aujourd'hui le seul bémol c'est le vent, on espère qu'il va nous laisser tranquille. A midi on mange tous ensemble après la 2e manche. Des questions?" Pas de question.

Au centre se détache "Manu" Couder, grand blond en bleu, responsable des épreuves techniques pour la Fédération internationale de ski (FIS), et ancien de Val d'Isère. Quand son talkie-walkie grésille, c'est lui qui donne le signal de départ.

Accompagnés des pisteurs, les lisseurs continuent en temps normal leur travail pendant la course. Deux d'entre eux passent après chaque concurrent pour "nettoyer" la trace, enlever les surplus de neige ou combler les "bassines" qui se creusent au pied des piquets.

Ce ne sera pas nécessaire dimanche. Le vent a contraint les organisateurs à annuler la course. Les fourmis rouges se sont mises à l'abri. Au chaud.

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