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En Ukraine, un village libéré des Russes mais prisonnier des mines: "Il y en a tellement qu'on ne peut même pas les compter"

Igor Kniazev a labouré de nombreuses parcelles de terre dans son village de Dovguenké, dans le nord-est de l'Ukraine, avec à chaque mètre le même danger: mines, pièges et autres obus non explosés, les restes d'une occupation russe de plusieurs mois.

Ce village de quelques centaines d'habitants avant l'invasion russe est situé à la limite des régions ukrainiennes de Kharkiv et de Donetsk. Plus d'un an après sa libération, les traces des combats sont partout.

Certaines maisons et des hangars sont éventrés et des portails défoncés sont criblés d'éclats d'obus. Quelques carcasses de véhicules rouillées traînent au bord des routes. Mais c'est le sol qui renferme tous les risques.

Plus de deux ans après le début de la guerre, l'Ukraine, vaste pays situé aux portes de l'Union européenne, est devenu l'un des plus parsemé de mines au monde. Un tiers de son territoire, selon l'ONU, pourrait être affecté, ce qui entrave aussi l'agriculture.

"Beaucoup de soldats et de civils ont été tués en marchant sur des mines ici. Sur des mines antipersonnel, des mines antichars. Il y en a tellement qu'on ne peut même pas les compter", raconte Igor Kniazev, agriculteur de 44 ans.

Ce jour-là, la remorque de son tracteur est chargée de restes d'obus et de roquettes, comme il s'en abat des milliers sur l'Ukraine chaque semaine.

Parcelle après parcelle, lorsqu'il laboure la terre, il vérifie systématiquement chaque mètre. Il remarque des traces sur le sol, signes d'une grue et d'un camion qui sont passés récemment pour démonter le canon d'un char abandonné.

"C'est surprenant que les véhicules n'aient pas déclenché de détonation, il y a vraiment trop de mines et d'explosions ici, tous les jours", explique l'agriculteur.

Onze régions touchées 

Une autre habitante, Natalia Demtchenko, montre le bout d'une roquette encastrée dans le sol. Les démineurs lui ont dit qu'il fallait l'extraire avec un tracteur parce qu'elle s'était enfoncée de deux ou trois mètres dans le sol.

Ils ont aussi brulé les champs pour faire apparaître et enlever plus facilement les mines qui s'y trouvent. "Les sapeurs travaillent ici tous les jours. Parfois, ils nous disent de ne pas avoir peur, qu'ils vont les faire exploser", dit cette femme de 52 ans.

Depuis que le village a été libéré de l'occupation russe en septembre 2022, des ingénieurs s'y rendent pour déminer mais aussi pour rétablir le réseau électrique.

"Pour que les gens puissent avoir de l'électricité, de la lumière et qu'ils puissent continuer à vivre en paix sur cette terre", explique Oleksiï, un démineur de 24 ans.

Les mines antipersonnel continuent à tuer et à mutiler longtemps après la fin des conflits. Enterrées ou dissimulées sur le sol, elles explosent quand une personne s'en approche ou les touche.

Alors que les armées russe et ukrainienne utilisent ce type d'armement et tirent des milliers d'obus chaque jour, y compris de redoutables bombes à sous-munitions, les champs d'Ukraine près du front sont devenus des pièges mortels.

Selon un rapport de l'ONG Human Rights Watch, 11 des 27 régions d'Ukraine sont criblées de mines.

En août 2023, Oleksiï Reznikov, alors ministre de la Défense, estimait que l'Ukraine était "le pays le plus miné au monde".

Un casse-tête pour les agriculteurs, qui risquent leur vie lors des semailles dans la fertile terre ukrainienne, qui fait du pays l'un des plus gros exportateurs de céréales au monde.


 

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