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Abusée sexuellement par son grand-père à l’âge de 6 ans, Virginie se sent abandonnée : "Tout le monde se tait"

C'est un témoignage douloureux que nous confie Virginie. Il y a 31 ans, dès l'âge de 6 ans, la jeune femme aurait subi, durant trois longues années, des abus sexuels de la part de son grand-père. En mars 2021, Virginie décide enfin de porter plainte malgré sa famille qui l'en dissuade. Après une déposition à la police et un combat pour guérir de ce traumatisme, l'habitante d'Éghezée attend toujours que justice soit faite.

L'histoire remonte à il y a plus de 30 ans dans une petite ville près d'Andenne. Virginie n'est alors qu'une petite fille de 6 ans. Elle a pour habitude de se rendre chez son grand-père à la ferme. Un endroit où ses parents la déposent de temps en temps, sans savoir ce que leur enfant endurerait. Trop jeune pour comprendre, Virginie avoue aujourd'hui ne pas s'être rendu compte de ce qu'elle subissait de la part de celui qu'elle appelait Yaya : "J'aimais bien aller chez mon Yaya. Il me gâtait de cadeaux et me donnait beaucoup d'attention. C'est à l'âge de 9 ans que j'ai compris ce qu'il me faisait. Ça a duré le temps de concevoir que ce n'était pas normal" explique la jeune femme. "Il n'y a pas eu de viol. C'était des actes sexuels qu'il faisait et m'obligeait à lui faire" détaille-t-elle.

Le secret d'une enfant

À l'âge de 9 ans, après trois années d'abus sexuels, la petite fille aurait tenté de fuir le plus possible son grand-père. Par crainte de causer du tort à sa famille, durant longtemps, Virginie a gardé son secret. Elle aurait continué à voir son agresseur présumé une fois par an pour la nouvelle année : " Chaque année, j'ai dû faire semblant. C'était très dur" confie la jeune femme. 

La jeune victime décrit son abuseur présumé comme quelqu'un de très violent et d'humiliant. Elle détaille avec fermeté : "Ma grand-mère était une femme battue et les enfants étaient maltraités. C'est quelqu'un qui voit que sa personne et s'en fout des autres. Il n'a aucune conscience du mal qu'il fait aux autres". 

Au fil des années, Virginie continue d'avancer dans la vie. Elle donne le change. À 16 ans, en pleine adolescence, elle rencontre celui qui deviendra son mari. Elle arrête très tôt ses études et part travailler comme aide-soignante. Mais en réalité, ce qu'elle dit avoir vécu est un traumatisme qui a des conséquences sur sa vie intime et sur la confiance qu'elle a envers les hommes. Sept ans après sa dernière agression, l'amour de son compagnon et les répercussions que son passé a sur son quotidien incite la jeune femme à révéler son lourd secret avec son mari. 

Partager les tréfonds de son être avec son époux lui suffisait. Mais après des années de silence, en 2021, la boîte de Pandore s'est ouverte. 

Un jour, la jeune Éghezéenne est confrontée à une injustice dans son travail. Sans trop d'explications, Virginie craque et tombe en dépression : "J'ai dû prendre des médicaments. Ça a été assez loin. J'ai dû être suivie par une psychologue" confie-t-elle. Au fur et à mesure des rendez-vous psychologiques, Virginie commence à discuter de façon large des agressions sexuels, sans témoigner de son vécu et sans que sa psychologue ne soit au courant de son passé : "On parlait d'abus sexuels en général et ma psychologue disait que c'étaient des gens avec une enfance difficile, etc. À ce moment-là, j'ai craqué. J'ai pleuré durant deux heures en lui expliquant ce qui m'était arrivé petite" raconte la jeune femme. Ce jour-là a été un déclic pour la victime. Elle a pris conscience de ce qui lui était arrivé, mais surtout, qu'il était temps d'en parler. 

La révélation 

Deux jours après avoir ouvert les yeux, elle décide d'appeler son père pour lui raconter toute son histoire. Étrangement, celui-ci n'avait pas l'air étonné. C'était comme s'il le savait déjà, estime Virginie. Le choc était tout de même présent, mais pas le doute : "Mon père savait que je ne mentais pas. Il n'a pas douté une minute. Et au fond, il devait savoir qu'il y avait quelque chose de bizarre parce que je suis proche de ma grand-mère maternelle, mais pas de sa famille à lui". 

Après l'avoir révélé à ses parents, il était temps pour Virginie de se confronter à son agresseur présumé. Il n'était plus question de se taire. "J'ai envoyé un message à mon mari en disant que je devais voir mon grand-père pour enfin avoir des explications" explique-t-elle. 

25 ans de traumatisme et de secrets allaient voler en éclats à l'instant même où elle franchit le pas de la porte. Cette ferme, qui aurait vu son enfance s'envoler, allait peut-être lui apporter les réponses à ses questions. Elle devait régler ça, seule à seul avec son grand-père. Il était temps, d'après le récit de la victime, que la confrontation commence. Pourquoi lui avait-il fait ça, alors qu'elle n'était qu'une enfant ? 

Celui qu'elle désigne comme son bourreau aurait commencé par nier. Mais Virginie exigeait des aveux. Elle avait songé à appeler la police s'il continuait à mentir, mais elle aurait opté pour une autre option : téléphoner à sa marraine, la fille de son grand-père. Il fallait mettre une autre personne dans la confidence : "Je l'ai appelé et je lui ai tout expliqué, j'ai dit tout ce qu'il m'avait fait. J'ai dit qu'actuellement, j'étais chez Yaya et qu'il ne voulait pas admettre ce qu'il avait fait" raconte Virginie. Tout comme la réaction de son père, sa marraine n'a pas posé de questions et n'avait pas l'air choquée. Cette dernière aurait assuré qu'elle appellerait son père pour qu'il avoue. Et c'est ce qu'elle a fait. L'appel entre le père et la fille ont permis de faire éclater la vérité : "Juste après (l'appel), il est venu chez moi en me disant : c'est bon, je l'ai fait" raconte Virginie. 

Elle avait enfin ses aveux. Toujours d'après son témoignage, son grand-père a assumé. Mais la jeune femme de 34 ans, à l'époque, n'attendait pas simplement sa confession. Elle voulait savoir pourquoi il l'avait agressé sexuellement tant de fois. Son grand-père aurait tout simplement répondu : "Parce que t'en avais envie". Il n'aurait montré ni culpabilité ni remords. Virginie était outrée de ce qui se passait. Mais elle ne savait pas encore ce qui l'attendait.

Elle, qui pensait avoir le soutien de sa famille, s'est retrouvée seule. Dès que les membres de sa famille ont été mis au courant, ils lui auraient tourné le dos et les conflits familiaux ont commencé : "Ma famille me disait de me taire. Que c'était bon vu que mon grand-père avait avoué" raconte la jeune femme. Les proches qui se doutaient des comportements incestueux du grand-père depuis le début ont décidé de se rétracter lorsque la victime a souhaité aller à la police : "Mon oncle m'avait avoué qu'il faisait attention à ses enfants à l'époque. Il savait qu'il y avait un truc louche. Quand j'ai été portée plainte, il a menti sur son témoignage" explique Virginie.

La plainte à la police

En mars 2021, Virginie s'est décidée à aller à la police de Gembloux. Ce jour-là, personne n'était disponible pour accueillir la jeune femme. Elle a dû prendre un rendez-vous pour, enfin, raconter son histoire. Sa prise en charge s'est passée avec bienveillance. C'est une dame qui l'a reçue lors de son rendez-vous : "C'est une dame qui s'occupe de ce type d'affaire. J'ai été bien écoutée. Je ne l'ai revu que deux fois, mais ça se voyait que cette femme avait l'habitude de ce genre de plainte" explique la jeune femme. 


Après un dépôt de plainte, l'attente est l'étape la plus ardue. Aujourd'hui, Virginie a mandaté un avocat pour que ça aille plus vite étant donné l'âge de son grand-père. Celui-ci a plus de 90 ans et elle voudrait qu'un procès ait lieu avant que son abuseur présumé ne décède. Son avocat a fait une demande au juge pour une enquête et pour avoir accès aux informations. Mais il y a deux mois, Virginie a perdu patience et a téléphoné à la police pour leur dire : " Vous attendez vraiment qu'il meure pour éviter le procès". Une impatience qu'elle estime légitime vu que l'homme qu'elle accuse n'aurait toujours pas été auditionné. "Toute la famille a été entendue. Même une de mes cousines a été appelée, car mon frère a confié lors de sa déposition qu'elle avait aussi été abusée. Tout le monde est auditionné sauf mon grand-père" s'exclame Virginie avant de continuer : "Le pire ne s'arrête pas là. Quand j'appelle l'inspectrice, elle me répond qu'elle ne peut rien me dire, mais qu'ils doivent encore auditionner quelqu'un. Ça leur prend trois ans pour avoir leur dernier intervenant". 

Comprendre l'attente 

Pour comprendre ce temps d'attente et la "lenteur" que décrit Virginie, nous avons contacté Caroline Poiré, pénaliste au barreau de Bruxelles et spécialiste dans la prise en charge des victimes d'agressions sexuelles et intrafamiliales. Pour l'avocate, un délai de trois ans est extrêmement long : "Trois ans sans réponse, ça me semble déraisonnable. Mais c'est l'organisation qui prend du temps" avoue-t-elle. Caroline Poiré explique que lorsque la plainte est déposée, elle est envoyée au Parquet. Le premier principe est que le Parquet est surchargé : "Il traite des milliers de plaintes par an et manque de moyens financiers, mais aussi humains. Il y a un retard à ce niveau-là" justifie la pénaliste. 

Ensuite, toujours d'après Caroline Poiré, en matière d'agressions sexuelles, il est difficile d'apporter la preuve de ce qu'on avance, surtout lorsque la victime est la seule plaignante. Le Parquet se charge de réunir le plus d'éléments possibles et sollicite les différents postes de police. Pourquoi ? Dans le but de récolter les témoignages de tout l'entourage de Virginie. Pour cela, on contacte les policiers qui se trouvent au niveau du domicile de chaque témoin. Le Parquet envoie le dossier jusqu'au poste de police en charge du témoin qui le renverra par la suite au Parquet et ainsi de suite. "Si le témoin habite à Charleroi, le Parquet va envoyer le dossier à la police de Charleroi en leur demandant d'interroger la personne. Une fois finie, la police de Charleroi renvoie le dossier au Parquet qui le transfère à d'autres policiers en fonction de la proximité du domicile d'un autre témoin" explique la pénaliste. 

28 ans plus tard ... 

Aujourd'hui, Virginie a 37 ans. Elle est maman de deux enfants : un garçon et une fille. Pour elle, la première grossesse s'est bien passée contrairement à la deuxième qui a été plus douloureuse : "Mon premier enfant était un garçon, j'étais si heureuse. Mais quand j'ai été enceinte de mon deuxième, une fille, ça a été compliqué. J'ai pleuré quand je l'ai appris. J'ai dû travailler sur ça avec la psy ..." avoue la maman peinée. Le rapport avec sa fille a été ardu : "J'étais plus distante avec la petite qu'avec mon fils, j'en suis consciente" assume-t-elle. "Mon traumatisme entraîne des répercussions sur des générations. "

Aujourd'hui, Virginie attend une réponse de la justice et tente de se reconstruire...

 


 

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