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Procès Tarnac: le témoin anonyme 42 n'a pas livré tous ses secrets

Son témoignage anonyme, accablant pour "le groupe de Tarnac", a nourri l'accusation de terrorisme avant de s'effondrer: le tribunal s'est penché mercredi sur l'audition et la personnalité de Jean-Hugues Bourgeois, longtemps identifié dans la procédure sous l’appellation "T42".

"Son témoignage a eu une grande influence dans la procédure, a conditionné un des axes de l'accusation", a rappelé la présidente Corinne Goetzmann après avoir constaté l'absence à l'audience de ce témoin central du dossier. Cité à comparaître le 13 mars, M. Bourgeois n'a pas répondu à sa convocation.

Les huit prévenus de la communauté libertaire de Tarnac (Corrèze) qui comparaissent depuis le 13 mars devant le tribunal correctionnel de Paris ont été poursuivis pendant neuf ans pour terrorisme avant que cette qualification ne soit abandonnée par la Cour de cassation.

Le 14 novembre 2008, un témoin clé était venu justifier la qualification terroriste en livrant un récit accablant contre le groupe de Tarnac et notamment le militant Julien Coupat, trois jours à peine après leur interpellation.

"Ce groupe s'est constitué autour de Julien Coupat à partir de 2002, il a pris la dénomination de +Comité invisible, sous section du parti imaginaire+, expliquait ce témoin dans une déclaration enregistrée sous X.

"En 2005, Coupat a incité le groupe à brûler des locaux de l'ANPE et l'ouvrage "L’insurrection qui vient", considéré par la police comme le fondement idéologique du groupe, "a été finalisé à partir d'une trame écrite par Julien Coupat", a-t-il ajouté.

Le principal prévenu du procès est décrit par T42 comme "un leader charismatique, l'idéologue du groupe, une sorte de gourou faisant peu de cas de la vie humaine et ayant pour objectif final (...) le renversement de l’État".

Ce témoignage sera utilisé par l'accusation pour justifier le maintien en détention de Julien Coupat, le parquet le jugeant "précis et particulièrement crédible" et sera repris dans le réquisitoire définitif défendant la thèse terroriste.

- 'mythomane' -

Mais, dans une seconde version livrée aux policiers le 11 décembre 2008, Bourgeois, un agriculteur du coin dont l'identité a commencé à filtrer dans la presse, revient sur ses premières déclarations dans un témoignage fait sous son nom.

Il explique que ses rapports avec le groupe étaient "uniquement tournés sur les activités agricoles". Il évoque de simples "visites ponctuelles" chez ses voisins qu'il décrit comme "une communauté répondant surtout à un projet de vie en commun se développant sur des aspects surtout agricoles, commerciaux et artisanaux".

Sur Coupat, il dit avoir du mal à croire qu'il soit celui que les autorités présentent comme un terroriste. Il dit partager avec eux un idéal de gauche libertaire et se prétend victime d'un harcèlement médiatique.

"On a deux auditions pour une même personne, radicalement contradictoire et il n'existe aucun élément pour dire là ou il ment et là où il dit la vérité", a constaté la présidente pour qui la première version est "avant tout le reflet d'une opinion".

Interrogé en caméra caché par TF1 en novembre 2009, Bourgeois confie, à propos de son témoignage à charge, avoir signé un document préparé par la police.

"La manipulation policière ne repose que sur ce reportage de TF1", a souligné le procureur à l'audience pour qui ce serait la deuxième version de Bourgeois qui pose problème car il était alors sous pression médiatique.

Interrogé sur Bourgeois, Julien Coupat explique que le groupe est partagé sur la question. "Il y a ceux qui pensent qu'il est complétement cintré, dingue, mythomane et ceux qui considèrent qu'il avait maille à partir avec la police et se comportait comme un indic en milieu gauchiste".

Dans une autre procédure déclenchée par Bourgeois concernant des chèvres tuées, des bâtiments de ferme incendiés et des menaces de mort, des experts ont estimé que le plaignant avait lui-même rédigé une des lettres de menace qu'il disait avoir reçue et ont évoqué sa "fragilité psychologique".

"En tout état de cause, son témoignage intervient miraculeusement pour valider la construction policière à notre sujet, fournir la trame de l'accusation et, me concernant, justifier la qualification de direction d'un groupe terroriste", a dénoncé Coupat.

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