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Isabelle, garde-malade, elle-même atteinte d'une pathologie incurable: "Je dois continuer pour eux mais aussi pour moi"

Apporter une aide à la toilette, dans la préparation des repas, organiser des balades... Depuis 12 ans , Isabelle Della Mora est garde-malade et s'occupe ainsi des personnes en situation de handicap. Ironie de la vie, touchée par une maladie incurable depuis quelques années, elle souffre désormais elle-même d'un handicap. Mais cela n'a pas affaibli sa volonté et elle continue son métier. "Ils me disent souvent que je leur apporte beaucoup, ils m’apportent bien plus encore", explique-t-elle.

"J'ai le plus beau métier du monde". A 46 ans, Isabelle en est convaincue et rien ne la fera changer d'avis. Depuis une douzaine d'années, cette garde-malade oeuvre pour le bien-être des personnes en situation de handicap. Mais voilà, il y a quelques années, le diagnostic tombe, Isabelle est atteinte d'une maladie incurable. Loin de toute résignation, elle a choisi de continuer sa mission aux côtés de ceux qu'elle appelle ses "Intouchables".

C'est pour mettre à l'honneur son métier et surtout sa vision du travail que son mari, Marc, nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Retour sur ce chemin de vie qui force l'admiration.


Une reconversion évidente 

Après plusieurs années passées dans un salon de coiffure, Isabelle ose la reconversion. "J’écoutais toute la journée des gens se plaindre pour trois fois rien, j’en ai eu marre !", relate la mère de famille.

Depuis toujours, Isabelle aime s’occuper des autres. Son changement de carrière lui semble donc évident. Pendant deux ans, elle suit une formation pour devenir ce que l’on appelle une "garde malade".

"Personnellement, je préfère le terme d’assistante", rectifie Isabelle. "Je ne considère pas les personnes chez qui je vais comme des malades ou des handicapés, mais plutôt comme des êtres humains qui ont simplement besoin de mes bras et de mes jambes", justifie-t-elle.

Le travail d’Isabelle consiste donc à apporter une aide à la toilette, dans la préparation et la prise de repas à des personnes en situation de handicap. Une aide matérielle certes, mais pas seulement. La mère de famille veille aussi bien à leur confort physique qu’à leur bien-être moral.


Retrouver son autonomie, ses droits mais surtout sa dignité

C'est lors de stages professionnels qu'Isabelle découvre la triste réalité du terrain. "M’occuper des personnes dans les home m’était insupportable. On me demandait de faire 12 toilettes en 2 h ! Ce n’était pas possible, je ne fais pas du car-wash moi ! On n’est pas à l’usine, ce sont des personnes dont on s’occupe", déplore-t-elle.

Après cela, Isabelle en est convaincue, ce qu’elle veut, c’est venir en aide aux personnes à domicile. "Je les aide à faire les petites choses du quotidien. Il faut être réceptif et sentir ce dont ils ont besoin, les chouchouter", confie-t-elle. Quotidiennement, la quadragénaire œuvre pour leur bien-être et pour que chacun d’entre eux puisse retrouver son autonomie, ses droits et surtout sa dignité.

A 62 ans, Etienne est l’un de ses patients. En 2007, il est victime d’un AVC. Depuis, ce pensionné de l'enseignement secondaire souffre du "locked-in-syndrome", une maladie neurologique rare qui se caractérise par une paralysie quasi-complète des muscles squelettiques. Comme enfermé dans son propre corps, il peine à communiquer et interagir avec le monde qui l’entoure.


Quand chaque geste du quotidien devient un véritable défi

"Mon handicap s’appelle en français : le syndrome d’enfermement", nous explique Etienne. "Je parle très difficilement. Ceux qui ont l’habitude me comprennent mieux", poursuit-il. 

En réalité, Etienne souffre de cette maladie sous sa forme incomplète. Il peut donc effectuer des mouvements mais ceux-ci sont limités. Grâce à une prise en charge rééducative, des progrès sont notables. Il a progressivement retrouvé l’usage de son côté gauche. "3/5 selon les kinés", précise-t-il.

Malgré cela, chaque geste du quotidien reste un véritable défi. La présence d’une aide à domicile est essentielle, voire indispensable. Isabelle s'attelle donc à mener au mieux cette mission qui lui tient tant à cœur.  

Ils me disent souvent que je leur apporte beaucoup, ils m’apportent bien plus encore

"Elle participe principalement à des choses que je ne sais plus faire seul : faire mes tartines, m’installer dans le bain, ramasser des choses par terre, aller dans des endroits où je n’ai plus accès, m’accompagner dans des ballades", relate Etienne.

Avec lui, Isabelle sait être "discrète tout en étant attentionnée". "Il faut savoir qu’à la maison, défilent bon nombre de personnes. Retrouver un peu d’intimité n’est pas un luxe. Mme Della Mora y arrive très bien", nous explique-t-il.


Le diagnostic tombe: Isabelle est atteinte d'une maladie incurable

Autant de choses qui ne s'apprennent pas à l'école mais que l'assistante a assimilé au fil du temps. "On doit pouvoir se fondre dans la masse et s’adapter à leurs modes de vie. Il faut sentir ce dont ils ont besoin. Le but n'est pas de tout faire à leur place. Il faut qu'ils puissent retrouver peu à peu leur autonomie", nous confie-t-elle.

"Ils me disent souvent que je leur apporte beaucoup, ils m’apportent bien plus encore", poursuit Isabelle. Après 17 ans de service, la mère de famille s'épanouit ainsi chaque jour un peu plus.

"Quoi qu’il arrive, il faut arriver avec le sourire. Quand je franchis leur porte, je laisse mon bagage de petits soucis sur le palier. Et je ne le reprends qu’en partant", image-t-elle.

"Des petits soucis" ? En réalité, Isabelle minimise la situation. Il y a trois ans, des médecins lui ont diagnostiqué une maladie incurable. Dans le jargon médical, on parle d'une "spondylarthrite ankylosante". Cette pathologie provoque une inflammation des articulations de la colonne vertébrale et l'handicape au quotidien. 

Ce n’est que deux ans après le début des symptômes qu’Isabelle a enfin pu obtenir ce diagnostic. "J’avais très mal en bas du dos mais j’ai ramé pour que ce soit reconnu. Les médecins me disaient que c’était psychologique mais je n’y croyais pas. Je suis très bien dans ma peau et dans ma tête", raconte-t-elle.

Je dois continuer pour eux mais aussi pour moi

Isabelle le sait, elle ne guérira pas. Pire encore, les symptômes risquent de s'intensifier. "Les atteintes seront une érosion, puis une ossification de l'os et, dans les cas avancés, une rigidité invalidante de la colonne vertébrale", indique le Centre hospitalier universitaire Brugmann. En d'autres termes, la maladie peut progressivement diminuer la souplesse de la colonne et finalement conduire à une perte totale de la mobilité. 

Aujourd'hui, Isabelle bénéficie seulement d’un traitement de confort, qui lui permet de supporter au mieux les douleurs. Mais bien loin de la résignation, la mère de famille se montre combative et déterminée. Cesser de travailler ? Elle n’y pense pas une seconde. "Je travaille moins mais il est hors de question d’arrêter. J’ai besoin de les aider. Je dois continuer pour eux, leurs accompagnants mais aussi pour moi, pour mon moral… ", assure-t-elle.

Un(e) ami(e), un(e) époux(se), un frère, une sœur, un parent...  "Les accompagnants" sont toutes ces personnes qui se démènent pour que leurs proches puissent mener ou retrouver un semblant de vie normale. 

En 2011, Emile, un habitant de Stree, est diagnostiqué d'une pathologie neurologique. "C'est une maladie dégénérative de type de type Alzheimer", nous indique son épouse, Anne. Depuis plusieurs années, cette dernière assiste, impuissante, à la détérioration des facultés cognitives de son mari âgé de 74 ans. "Physiquement il est bien mais il peine à communiquer. Ça a commencé par une perte du langage progressive et maintenant les mots n'ont plus aucun sens. Quand on lui dit d'aller chercher du pain, il nous ramène le poisson par exemple", conte-t-elle. 

On essaie d’aider et d’apporter de petits bonheurs dans la vie des gens

Impensable cependant de le placer en institution. "Il allait perdre tous ses moyens", affirme Anne. Cette dernière met donc en place une aide à domicile, une équipe de professionnels de santé et de garde-malades est constituée. Parmi eux, Isabelle trouve sa place. "Un lien s'est créé entre toutes ces personnes. Entre lui (Emile, nldr) et Mme Della Mora, c'est une relation pleine de tendresse et d'émotion", nous confie Anne. Avant d'ajouter : "Sans toutes ces personnes, ça ne serait pas possible. Je n'aurais pas su m'en occuper toute seule". 

Comme une béquille sur laquelle les proches des patients peuvent s'appuyer, Isabelle Della Mora explique qu'elle ne peut faillir à sa mission. "Si petit que l’on est, on essaie d’aider et d’apporter de petits bonheurs dans la vie des gens. Et moi, ça, ça me suffit", conclut-elle. 

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