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Plus de 4.000 accidents causés par l'alcool chaque année: faut-il plaider le zéro gramme au volant?

L'alcool au volant est la deuxième cause de mortalité sur nos routes. Chaque année, près de 200 personnes perdent la vie ainsi. Pour combattre ce fléau, les autorités se mobilisent. Des campagnes de sensibilisation sont initiées, la législation se durcit et les contrôles s'intensifient. Pour réduire considérablement le nombre d'accidents, la solution ne doit-elle pas être plus radicale? Ne faut-il pas interdire la consommation d'alcool si l'on prend la route?

Via notre bouton orange Alertez-nous, Didier nous a confié son exaspération. Son fils a été victime d’un accident de la route alors qu’il circulait à scooter à Seraing. "Une voiture lui a foncé dessus et a pris la fuite", nous assure-t-il. Selon lui, l’automobiliste est connu par les habitants pour conduire sous l’emprise de l’alcool.

Chaque année, on dénombre près de 4.209 accidents causés par l’alcool en Belgique, soit 11% des accidents de la route. En été, ils sont particulièrement fréquents. Selon une enquête de l’institut Vias (Institut Belge pour la Sécurité Routière), on en dénombre 12 dus à l’alcool, chaque jour, durant la période estivale.

Le taux d'alcool moyen des conducteurs impliqués dans un accident est d'1,7 pour mille. Mais plus de 4 automobilistes sur 10 ont une alcoolémie de 1,8 pour mille ou plus.

Chaque année, 180 personnes perdent ainsi la vie sur les routes belges. Après la vitesse, l'alcool est la deuxième cause d’accident.


Les seuils autorisés varient selon les pays

Au fil des années, ce fléau est devenu une préoccupation majeure en matière de santé publique. Les campagnes de sensibilisation se multiplient, la législation se durcit et les contrôles s'intensifient.

Il y a 50 ans, lors de la création du test d’alcoolémie, boire une bouteille de vin avant de prendre la route était tout à fait possible. En effet, en 1967, le taux d’alcool autorisé était de 1,5g/l.

Dix ans plus tard, la réglementation évolue et le taux d’alcool admis n’atteint plus que 0,8g/l. Enfin, il a fallu attendre 1995 pour que le taux autorisé actuel soit établi, soit à 0,5g/l.

A noter que selon les pays, on constate que le seuil autorisé diffère. Dans la plupart des pays de l’Union Européenne, le taux autorisé varie entre 0,2 g/l et 0,8 g/l. A l’inverse, en Roumanie, Hongrie, Slovaquie, République Tchèque ou encore en Estonie, il est formellement interdit de conduire après avoir consommé de l’alcool.


Que risque-t-on pour conduite sous l'influence de l'alcool? 

Lors d'un contrôle positif à l'alcool au volant, plusieurs sanctions sont envisageables. Celles-ci varient en fonction du nombre de grammes dans le sang. Entre 0,5 et 0,8g, le contrevenant se voit affliger une amende ainsi qu'une interdiction de conduire de 3 heures. 

Au-dessus de 0,8g/l, une interdiction temporaire de conduire de 6 heures est imposée. A cela s'ajoutent une amende et un retrait de permis. Une assignation devant le juge peut également être ordonnée. Dans ce cas, le contrevenant risque une déchéance du droit de conduire et une amende allant de 1.600 à 16.000 euros. 

En cas d'accident entraînant de graves lésions corporelles ou en cas de récidive grave, le juge peut également prononcer une peine de prison. 

C’est toujours mieux de n’avoir aucun alcool dans le sang au volant.

En Belgique, l’alcoolémie au volant est davantage punie au fil des années. Une question se pose alors: va-t-on vers le zéro gramme d’alcool au volant ? Autrement dit, sera-t-il bientôt interdit de consommer le moindre verre alcoolisé avant de prendre la route ?

Pour nous répondre, nous avons posé la question à l'institut Vias, l'organisme belge pour la sécurité routière. "Notre point de vue sur la tolérance zéro d’alcool au volant est nuancé. D’abord, pour la sécurité routière, c’est toujours mieux de n’avoir aucun alcool dans le sang au volant. Mais pour l’instant, nous ne plaidons pas pour la tolérance zéro pour tous les conducteurs", éclaire Steph Willems, porte-parole pour l'institut.


9 pays distinguent les conducteurs novices des autres usagers

Le porte-parole nous explique qu'il est important de différencier des conducteurs novices des autres automobilistes. "Nous sommes favorables à un taux d'alcool autorisé spécifique aux conducteurs novices. 9 pays européens ont déjà adopté ce système", assure Steph Willems. Cette limitation permettrait de réduire le nombre d'accidents.

Preuves à l'appui avec ces statistiques relevées par l'institut: "En moyenne, une personne de 18 à 25 ans court un risque 8 fois plus élevé d'être impliquée dans un accident grave lorsqu'elle a bu que quand elle est sobre. Chez les plus de 55 ans, ce risque n'est qu'une fois et demi plus élevé". 

Ce n'est pour l'instant pas une priorité. 

La France fait partie des pays qui ont opté pour cette distinction. Un jeune conducteur ne peut conduire avec plus de 0,2 g/l. En Croatie, en Allemagne ou encore en Italie, l’alcool avant de conduire est tout simplement proscrit pour les conducteurs novices.

Restent donc plusieurs étapes avant la tolérance zéro pour tous les conducteurs en Belgique. "Ce n’est pour l’instant pas une priorité", insiste la porte-parole.

Aux débuts des années 2000, le débat s’était invité en France et avait été étudié au Conseil national de la sécurité routière (CNSR). A cette époque, le directeur général de l’association "40 millions d’automobilistes", Pierre Chasseray, militait pour conserver le seuil de 0,5g/l. Selon lui, si celle-ci venait à disparaître, les automobilistes auraient eu à tendance à se dire: "Vu que j’ai bu un verre et que je suis positif, autant y aller".


Un grand risque pour la sécurité routière

La tolérance zéro est-elle nécessaire pour réduire le nombre d’accidents ? Rien n’est moins sûr. Du côté de Vias, on nous assure que c’est tout d’abord le nombre de contrôles qui doit augmenter.

"Le risque de se faire contrôler est pour l’instant beaucoup trop faible en Belgique. On doit maintenant vraiment essayer de se concentrer sur le groupe cible, les conducteurs qui roulent avec beaucoup plus d’alcool dans le sang", souligne Stef Willems. Ils constituent "le plus grand risque pour la sécurité routière".


En plus des contrôles, des systèmes tels que les éthylotests antidémarrage doivent permettre de réduire les accidents. Depuis le 1er juillet, les conducteurs contrôlés avec un taux d'alcool de 1,8 pour mille seront condamnés à installer un éthylotest antidémarrage dans leur véhicule. Ce taux est ramené à 1,2 pour mille en cas de récidive. "Cette nouvelle loi constitue donc un énorme pas en avant dans la lutte contre les accidents dus à l’alcool", se félicite Vias.

Parallèlement à toutes ces innovations, la prise de conscience des automobilistes est essentielle. "On doit continuer à travailler sur notre mentalité. On reste trop tolérant vis-à-vis de l’alcool", note la porte-parole.

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