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La pilule de Béatrice est indisponible depuis l'été 2017: "Je ne veux pas tomber enceinte à mon âge, je ne m’appelle pas Janet Jackson"

"La pilule que je prenais est en rupture de stock depuis août 2017", nous a écrit Béatrice, il y a quelques temps, via le bouton orange Alertez-nous. Il y a deux ans, elle se voit prescrire une pilule contraceptive, car, nous explique-t-elle, le stérilet lui provoquait des hémorragies. Durant un an, elle prend cette pilule, nommée Lutenyl. Celle-ci est souvent prescrite aux femmes proches de l’âge moyen de la ménopause, comme c’est le cas pour elle, puisqu'elle a 52 ans. Puis, en août de l’année dernière, elle revient avec une prescription pour un an. Et là, impossible de lui en fournir.


Indisponible... pendant près de deux ans!

En effet, lorsqu'on observe la liste des médicaments indisponibles de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), le Lutenyl est en rupture de stock, comme nous le dit Béatrice, depuis le mois d’août 2017. Et les problèmes d’approvisionnement ne seront réglés, selon le site de l’agence, qu’en… mars 2019 ! Au moment où Béatrice nous a contactés, cet été, la version générique, "Nogest", était elle aussi indisponible. 


 

"Je ne m'appelle pas Janet Jackson!"

Béatrice se demande: "S’il n’y a plus de médicaments pour les femmes de mon âge… Je ne suis même pas pré-ménopausée. Je ne veux pas tomber enceinte à mon âge, je ne m’appelle pas Janet Jackson", plaisante-t-elle en nous faisant part de la situation.

Heureusement, il y a des alternatives. La première solution s'est avérée trop coûteuse. Son médecin lui a proposé de commander le médicament via la France. "On m’a prescrit Nomegestrol. Au lieu d’avoir 21 pilules, il n’y a que 10 comprimés dans la boîte. Or je dois les prendre en continu. La pharmacie les commande en France. Cela coûte plus de 7 euros la boite, pour 10 cachets. J’ai donc pris 9 boîtes, cela me revient à plus de 70 euros pour 3 mois", se plaint-elle.


"Que se passe-t-il chez les laboratoires fabricants?"

"Que se passe-t-il chez les laboratoires fabricants?", se demande Béatrice. C'est un problème qu'Alain Chaspierre, porte-parole de l'Association pharmaceutique belge (APB) connaît bien: "C’est un phénomène qui est en croissance: on a de plus en plus de problèmes d’indisponibilités", nous a-t-il indiqué.

Et ces indisponibilités trouvent deux causes. La première, c’est le contingentement, mis en place par l’industrie pharmaceutique pour lutter contre l’importation parallèle: "L’industrie détermine un quota de médicaments par pays. Quand le quota est dépassé, le pharmacien le commande auprès de son grossiste, mais ne reçoit plus la boîte, puisque le grossiste n’a pas été approvisionné. Le pharmacien peut quand même l’avoir en téléphonant à la firme qui envoie, par la poste, un nombre de boîtes restreint. C’est quelque chose qui ennuie assez bien la pratique officinale, et aussi certains patients. Lorsqu’on est le vendredi soir, on ne peut pas être bien servi", explique le porte-parole.

L’autre raison, c’est que les firmes pharmaceutiques fonctionnent à flux tendu: "On est dans un monde économique, et l’industrie pharmaceutique, avec les pressions sur les prix, tend à rationaliser la production des médicaments et à faire des flux tendus. On constate que pour certains médicaments, il n’y a plus qu’un site de production au niveau mondial, et dès qu’il y a le moindre petit grain de sable dans la production, les pays du monde entier sont affectés".


"Ca prend un temps fou"

Lorsqu’il y a un problème avec la matière première, cela peut prendre beaucoup de temps: "Le secteur des médicaments est un secteur qui est à haut niveau qualitatif, et dès qu’il y a un problème, on arrête la production, et les agences locales viennent recontrôler pour voir si la qualité du médicament est en conformité avec le dossier d’enregistrement, donc ça prend un temps fou".

Quelles sont les alternatives à partir du moment où un médicament est manquant ? "Soit on est dans une catégorie où la molécule est déjà hors brevet et il y a des génériques sur le marché ou d’autres alternatives, et à ce moment, il est possible de switcher, quand c’est possible et quand c’est permis, dans ce contexte-là, l’agence va éditer une liste de molécules. Lorsqu'il est indiqué "No switch", ça veut dire que les pharmaciens ne peuvent pas changer sans avoir de suivi médical".


Une nouvelle pilule pour Béatrice

Finalement, Béatrice s’est vue prescrire une nouvelle pilule: "La gynéco était consciente qu’il y avait une grosse pénurie, j’ai dû changer", nous a-t-elle indiqué en septembre, nous confiant qu’elle en est à sa deuxième plaquette de ce moyen de contraception, mais que son cycle est toujours perturbé.

Entre-temps, nous avons constaté que le Nogest, la version générique du Lutenyl, était à nouveau disponible... pour le moment. "Quand le Lutenyl a été fini, tout le monde a "switché" vers le générique, et en quelques mois de temps, il n’y en avait plus non plus", nous a expliqué le porte-parole. 


Une information bientôt plus rapide

Un groupe de travail, auquel participe l'Association pharmaceutique belge, se penche actuellement sur ces problèmes d’indisponibilités: "On va d’abord essayer de veiller à ce que l’information soit encore plus rapide que ce qu’elle n’est actuellement. Aujourd'hui, la règle, c’est que pour tout médicament dont la firme sait bien que l’indisponibilité va durer plus de 14 jours, elle est obligée de le signaler à l’agence. C’est là qu’on a cette liste de médicaments où on indique pour quelle raison le médicament est indisponible, et quand il va revenir. Après, il y a aussi la mise en place d’un arbre décisionnel qui permettrait aux pharmaciens, et aux médecins, à partir du moment où il y a une indisponibilité, de pouvoir voir quelles sont les alternatives qui peuvent fonctionner, est-ce qu’on peut l’importer, le faire en préparation magistrale... Le but étant de suppléer au médicament".

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