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Des facteurs laissent-ils un avis de passage sans essayer de livrer un colis? Des témoins accusent, Bpost réagit

Durant les fêtes de fin d'année, le nombre de colis livrés par Bpost a atteint un pic. Pour la majorité des clients, le service attendu était au rendez-vous. Mais dans certaines zones, l'ampleur de la tâche conjuguée aux retards dus au mouvement de grève a entraîné des problèmes. Certains clients mécontents suspectent que, pour aller plus vite et résorber les retards, des facteurs ont reçu pour consigne de ne plus sonner pour livrer le colis. La direction et les syndicats réagissent à ces accusations.

Avec l'augmentation des commandes via internet, les fêtes de fin d'année représentent un réel défi pour Bpost. Un défi de plus en plus compliqué à relever, principalement à cause du nombre de livraisons de colis à traiter. "En fin d'année, on gère un nombre record de livraisons de colis. On a mis 900 personnes en plus pour cette période. On a eu des pics où il fallait distribuer jusque 420.000 colis par jour. C'est énorme. Le Belge achète de plus en plus en ligne", nous avait ainsi confié Barbara Van Speybroeck, porte-parole de l'entreprise, qui soulignait une augmentation de 25% par rapport à l'année précédente. "Malgré cela, 95% des colis sont livrés dans les 24 heures", précisait Bpost.



Vu sous cet angle, Bpost n'a clairement pas à rougir: 95% des livraisons effectuées en temps et en heure, ce n'est clairement pas un mauvais chiffre. Mais quand on se met de l'autre côté, on peut aussi se dire que, durant les fêtes, cela fait quand-même 20.000 colis par jour qui ont du retard ou qui s'égarent.


Les grèves ont eu "un impact important, surtout dans le sud du pays"

Cela fait donc pas mal de mécontents, comme nous le prouvent les multiples témoignages reçus via notre bouton orange Alertez-nous durant le mois de décembre. "Mes trois dernières commandes livrées par Bpost ne sont jamais arrivées. A chaque fois que j’appelle Bpost pour avoir des infos, je suis mis en attente pendant au moins 15 minutes. Une fois que je tombe sur quelqu’un, on me baratine pour gagner du temps mais personne ne sait jamais réellement m’aider", s'offusque notamment un client bruxellois.

"Dans certaines zones il y a eu des blocages, notamment à cause des actions sociales fin novembre suivies des fêtes de fin d'année. Cela a eu un impact important, surtout dans le sud du pays, il faut l'avouer", concède Barbara Van Speybroeck. Il est vrai qu'après plusieurs semaines marquées par des arrêts de travail, la direction de Bpost et les partenaires sociaux n'ont conclu une convention collective de travail (CCT) pour la période 2019-2020 qu'en date du 20 décembre. Soit déjà en pleine période de fêtes, ce qui n'a pas aidé pour aborder plusieurs jours de travail intense.

Les syndicats, qui avaient principalement pointé la charge de travail des facteurs pour justifier le mouvement de grève, reconnaissaient qu'entamer les fêtes avec un retard à résorber n'était pas l'idéal. "Le volume des colis a énormément augmenté ces dernières années. Ajoutez à cela la période mouvementée que nous avons connue à la fin de l'année passée et vous comprendrez qu'on a fait face à un pic de travail important", nous a indiqué Jacques Lespagnard, délégué permanent CGSP. "Je pense que durant les fêtes, on a eu beaucoup plus de colis que prévu. Alors oui il y a eu les grèves, mais je pense que le mouvement a pris fin assez tôt que pour résorber les retards avant cette période de fin d'année. Donc moi je crois surtout que Bpost aurait dû engager plus de personnel pour les fêtes et aurait du mieux anticiper ce pic de livraisons", nuance Marc Demulder, président national du syndicat libre SLFP.




"Je reçois un avis de passage alors que je suis chez moi"

Face à ces déclarations, on comprend aisément que la charge de travail ait atteint des sommets pour le personnel de Bpost fin 2018. L'entreprise ne s'en cache pas et invite d'ailleurs les clients lésés à faire part de leurs soucis, que ce soit à leur bureau de poste ou via le site internet. "Pour que l'on puisse gérer un souci, il faut que l'on soit au courant et qu'on ait le numéro de colis. C'est important de le faire car cela nous permet aussi de voir ce qui ne s'est pas bien passé et d'améliorer notre service", conseille Barbara Van Speybroeck.

Mais d'autres personnes vont plus loin et accusent certains travailleurs de Bpost de gagner du temps en ne remplissant pas correctement leur mission, notamment en glissant tout de suite un avis de passage dans la boîte aux lettres, sans sonner. "Cela fait déjà plusieurs fois que je reçois un avis de passage de Bpost alors que je suis chez moi à attendre bêtement que le facteur passe. Malgré mes plaintes par téléphone ou par formulaire écrit à Bpost, rien ne change", dénonce une résidente de Saint-Gilles, en région bruxelloise.

Des messages comme celui-ci, nous en avons collectés plusieurs durant les fêtes de fin d'année. Chez Bpost, on ne nie pas que cela puisse arriver. "Dans ce cas, il faut se tourner vers Bpost, car en effet ce n'est pas normal. On a 30.000 facteurs et on veille à ce qu'ils soient tous efficaces et vigilants. S'ils n'opèrent pas comme il le faut, il faut que Bpost ait un dialogue avec eux", réagit Barbara Van Speybroeck.


Y a-t-il eu "consigne" de ne pas sonner ?

L'entreprise envisage donc des cas individuels de facteurs qui ne feraient pas leur travail de façon attentionnée et responsable. Mais un autre témoignage, également reçu durant les fêtes, prétend qu'une telle manière de "résorber le retard" serait en réalité un "ordre" venant de plus haut. "Nous avons commandé plusieurs colis pour les fêtes, et de nombreux ne sont pas arrivés, certains ont disparu, d'autres sont bloqués quelque part dans le circuit de Bpost. Après enquête au bureau de poste de Mons, nous avons en fait appris que tout le mois de décembre, les facteurs avaient pour mot d'ordre de ne pas sonner aux portes lorsqu'ils devaient livrer un colis, pour rattraper et résorber leur retard", accuse Antoine.

A Bruxelles également, une cliente mécontente prétend qu'on lui a dit, au bureau de poste, "qu'il y avait trop de colis à gérer pour les facteurs" et qu'un avis de passage déposé dans la boîte aux lettres était préconisé comme "solution temporaire".

Chez Bpost, on est scandalisé par de telles accusation qu'on balaie du revers de la main. "Qu'une personne au niveau local prenne une telle décision, cela ne se passe pas chez nous. Je ne compte même pas réagir à une telle rumeur. Maintenant, il est possible que face à une énorme surcharge de travail, une décision soit prise de conduire tous les colis du centre de tri au bureau de poste le plus proche. Mais cela se ferait alors de façon coordonnée afin d'éviter une saturation et avec l'objectif de satisfaire au mieux le plus grand nombre de clients", réagit Barbara Van Speybroeck.


Les syndicats n'y croient pas non plus

Jacques Lespagnard, de la CGSP, abonde dans le même sens. "Je n'ai jamais entendu ça. Et j'ai d'ailleurs du mal à imaginer que cela puisse arriver. Je ne vois pas un responsable local demander cela à ses agents, car si une telle chose venait à s'apprendre, il y aurait des conséquences importantes. Non, vraiment, je ne dis pas qu'un agent n'a jamais mis l'un ou l'autre avis de passage sans sonner, mais qu'il y ait carrément une consigne de le faire pour éviter d'être surchargé, non ça je n'y crois pas".

Même son de cloche du côté du SLFP: "Non ça je ne pense pas. Evidemment des initiatives peuvent être prises au niveau local, comme par exemple le fait de sonner et de repartir assez vite s'il n'y a pas de réaction. Mais ne pas sonner du tout, c'est autre chose", confie Marc Demulder.

Seule la CSC avance qu'il y a eu l'un ou l'autre bruit de couloir confirmant cette hypothèse, mais sans pouvoir prouver l'existence d'une note ou d'un mot d'ordre donné aux équipes sur le terrain. "Apparemment il y a eu des initiatives locales allant dans ce sens en cas de pic de distribution de courrier. Mais il est difficile de l'affirmer, car je n'ai ni note officielle, ni preuve allant dans ce sens", avance de façon hésitante Alain Faveaux, permanent national.


Qu'en est-il désormais des retards et de la charge de travail ?

Selon la plupart des informations reçues, la plupart des retards dus au mouvement de grève suivi des fêtes sont en train de se résorber, même s'il existe encore des difficultés dans certaines zones. "La surcharge de travail, ça dépend des endroits. Il y a des zones où tout tourne très bien, d'autres où c'est plus compliqué. C'est toujours difficile de pointer une cause bien établie, sinon le problème serait réglé depuis longtemps. Mais parfois il y a de l'absentéisme ou des congés qui tombent mal, et il suffit parfois de peu de choses pour passer d'un service qui tourne bien à une situation problématique", confie Jacques Lespagnard.

Un point de vue partagé par Alain Faveaux de la CSC. "Il existe encore des soucis, et d'autres zones où ça tourne très bien".

De son côté, Bpost compte sur l'accord signé le 20 décembre avec les syndicats pour améliorer son service grâce à la réduction de la charge de travail de ses travailleurs. Des moyens supplémentaires ont été mis en œuvre dans les régions connaissant une pénurie de main-d'œuvre. L'accord prévoit également de recruter 1.000 collaborateurs supplémentaires.

"Maintenant je vous avoue qu'il est difficile de communiquer là-dessus pour le moment car on est encore dans une période où l'on analyse les propositions concernant la convention collective et leur impact concret sur le travail. Alors oui, il existe encore une surcharge de travail, mais il faut un peu patienter, le temps que les choses se mettent en place, pour tirer des conclusions", prévient Alain Faveaux de la CSC.

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