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Un passage éclair d'Ali Bongo au Gabon et toujours des doutes

Il est venu quelques heures et est aussitôt reparti poursuivre sa convalescence à Rabat: le passage éclair à Libreville le 15 janvier du président gabonais Ali Bongo Ondimba, affaibli par un AVC, n'a pas dissipé les doutes sur ses capacités à gouverner.

Ali Bongo a présidé la prestation de serment des membres du nouveau gouvernement mis en place après l'installation de l'Assemblée nationale issue des législatives d'octobre, largement remportées par le parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir.

C'était la première fois qu'il revenait au Gabon depuis son accident vasculaire cérébral survenu le 24 octobre à Ryad où il est resté hospitalisé jusqu'à fin novembre avant d'aller poursuivre sa convalescence et sa rééducation au Maroc.

Ce retour, après presque trois mois d'absence qui ont alimenté les rumeurs et les doutes sur son réèl état de santé, devait y mettre définitivement un terme et prouver que le chef de l'Etat, qui a succédé à son père Omar Bongo en 2009, était bien aux commandes.

Les images officielles de la cérémonie de prestation de serment qui montrent un président assis, ne s'exprimant pratiquement pas, puis celles de sa rencontre - sur un fauteuil roulant - avec quelques hauts responsables politiques du Gabon, sont loin d'avoir convaincu.

D'autant moins qu'une semaine après une tentative ratée de coup d'Etat menée par une poignée de militaires appelant au soulèvement contre son régime, beaucoup attendaient que le chef de l'Etat, âgé de 59 ans, s'adresse à ses compatriotes pour les rassurer sur la stabilité et la sécurité de leur pays.

- "Semblant de légalité" -

Mais il est discrètement reparti à Rabat moins de 24 heures après son arrivée, sans même présider le conseil des ministres du nouveau gouvernement comme c'était initialement prévu.

"Le président de la République vient de faire un voyage éclair au Gabon pour recevoir le serment des membres du nouveau gouvernement. Il n’a pas mis cette occasion à profit pour rencontrer la population l’espace de quelques minutes et dissiper ses doutes", a regretté sur les réseaux sociaux Raymond Ndong Sima, son ancien Premier ministre de 2012 à 2014.

Selon lui, "ceux qui ont organisé ce voyage ont juste voulu assurer, derrière un semblant de légalité, la continuité du pouvoir en place".

"Le déroulé de la cérémonie comme toute la séquence allant de son arrivée secrète, à l’éloignement des médias, l’absence d'audience en dehors du cercle déjà à la manœuvre, l’annulation du conseil des ministres annoncé et finalement son retour rapide et tout aussi discret pour le Maroc, accroissent significativement le doute sur sa capacité réelle à assumer pleinement les charges de sa fonction", a-t-il affirmé.

Pour M. Sima et d'autres personnalités proches du régime, ce voyage a surtout permis de mettre en lumière le rôle supposé néfaste de quelques membres du cercle présidentiel, accusés de chercher à conserver leur pouvoir, en premier lieu le directeur de cabinet d'Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga.

"Il n’appartient pas à un groupe d’individus, quelle que soit la confiance dont ses membres peuvent se prévaloir de la part du président de la République, de statuer en lieu et place du peuple et d’instaurer en quelque sorte une régence", a accusé M. Sima, ajoutant: "de tels agissements mettent inutilement en péril la paix intérieure du pays".

- "Minables" et "salopards" -

Un sentiment partagé par Jean-Boniface Asselé, oncle d'Ali Bongo et président d'un petit parti de la majorité présidentielle, le Cercle des libéraux réformateurs (CLR).

"La cérémonie (de prestation) à laquelle nous avons assisté il y a quelques jours est indigne d’une république qui se veut responsable", a-t-il dit dans un entretien à une radio locale. "Je suis choqué de voir à la télévision mon neveu exposé de la sorte, affaibli et très diminué", donnant "d’autres arguments à ceux-là qui souhaitent son départ du pouvoir", a-t-il ajouté.

Il a nommément désigné ceux qu'il considère comme responsables de cette "machination": le directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, l'épouse du président, Sylvia Bongo Ondimba, son fils Noureddine, ainsi que Maixent Accrombessi, l'ancien directeur de cabinet resté très influent.

"Brice Laccruche Alihanga est l'homme qu'il faut, à la place qu'il faut", a rétorqué sur sa page Facebook Michel Ogandaga, conseiller du président Bongo. Il a dénoncé les "quelques minables et autres salopards tapis dans l'ombre" qui attaquent le jeune chef de cabinet, âgé de 38 ans, en poste depuis août 2017.

Ce climat délétère au sein du régime s'est accentué depuis la maladie du président Bongo, lequel notait en décembre 2017 lors d'un congrès du PDG que "l'adversaire le plus dangereux est celui qui est dans la maison".

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