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Des journalistes accusés de cyberharcèlement en France: ils avaient créé leur "ligue du Lol"

Le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux laisse des traces : une avalanche de témoignages liés à un groupe créé autour des années 2010, "La ligue du Lol", ont émergé ces derniers jours, mettant en cause des journalistes, publicitaires ou graphistes.

La direction de Libération a annoncé lundi la mise à pied "à titre conservatoire" de deux de ses journalistes, dont les noms sont apparus dans cette affaire.

Un article du site de fact-checking de Libération Checknews a révélé vendredi l'existence d'un groupe Facebook privé baptisé "Ligue du LOL", regroupant une trentaine de journalistes et communicants, accusés d'avoir harcelé d'autres journalistes et blogueurs, notamment des femmes et des militantes féministes, dans le petit milieu du Twitter parisien autour du début des années 2010.

Plusieurs victimes ont témoigné ce week-end sur les réseaux sociaux. L'ex-journaliste Capucine Piot a raconté avoir été la cible de montages photo ou vidéo "moqueurs", des critiques récurrentes sur son apparence "pendant des années". "Ça a été très dur dans ma construction de jeune femme. A force de lire des saletés sur moi partout sur les réseaux, j'ai été convaincue que je ne valais rien", a-t-elle tweeté.


Ils ont tenté de s'excuser 

"A chaque thread politique, à chaque gueulante féministe ou contre la grossophobie, je savais que j'allais payer le prix de ma liberté d'expression, le prix de mes idées jugées nazes par un petit groupe de harceleurs, la ligue du LOL", a témoigné la militante Daria Marx.

Le blogueur Matthias Jambon-Puillet a raconté sur le site Medium des insultes anonymes, des "enregistrements sarcastiques", des photomontages dont un pornographique envoyé en son nom à des mineurs. Plusieurs membres de cette "Ligue du LOL", aujourd'hui trentenaires pour la plupart, ont tenté de s'expliquer.

"J'ai vu que certaines personnes étaient régulièrement prises pour cible mais je ne devinais pas l'ampleur et les traumas subis", a écrit David Doucet, rédacteur en chef web des Inrocks, qui a admis "deux canulars téléphoniques". "Je m'en excuse auprès de tous ceux qui ont pu se sentir harcelés, mais je ne peux pas assumer moi-même toutes les conneries qu'ont pu faire des gens à l'époque sur Internet", a déclaré le créateur du groupe, Vincent Glad, pigiste à Libération.


Deux journalistes mis à pied "à titre conservatoire"

Premières conséquences lundi: le responsable web de Libération, Alexandre Hervaud, et Vincent Glad ont été mis à pied "à titre conservatoire" et une "enquête interne" a été ouverte. Stephen des Aulnois, fondateur du "magazine en ligne de culture porno" Le tag parfait, a annoncé quitter son poste de rédacteur en chef.

"Cette #LigueDuLOL, c'est l'histoire de losers, des mecs qui se gargarisaient de pouvoir se moquer d'autres personnes. Sauf que ces moqueries ont eu un impact dans le réel", a condamné le secrétaire d'Etat au numérique Mounir Mahjoubi, dimanche sur BFMTV. "Notre profession doit prendre la mesure des violences qui se déroulent dans les rédactions", plaide le collectif féministe de journalistes Prenons la une.

"J'aimerais que vous fassiez état de vos regrets, de vos excuses, du début d'une prise de conscience et j'aimerais que vous démissionniez et que vous encouragiez la candidature de consoeurs (féministes)", a demandé sur Twitter la journaliste Florence Porcel, victime de cette "Ligue" et intimidée "physiquement" sur son "lieu de travail".


"J'ai voulu faire le malin alors qu'en fait j'étais con"

Pour Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole d'Osez le féminisme, "aujourd'hui encore, être un agresseur n'est pas du tout un stigmate social, c'est une manière de construire sa reconnaissance et sa carrière, il serait temps d'inverser les choses."

Plusieurs membres de cette "Ligue" ont évoqué, comme excuse, le climat de Twitter à ses débuts: "Ça correspondait à une époque où il était de bon ton (...) de faire de l'humour noir, des blagues oppressives (...) j'ai voulu faire le malin alors qu'en fait j'étais con", a tweeté le youtubeur Guilhem Malissen. Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité, a rappelé qu'une loi condamnait désormais le cyberharcèlement et évoqué la possibilité d'étudier l'allongement des délais de prescription (remontant à plus de 6 ans, la plupart de ces faits sont prescrits). Pour des menaces de mort en ligne visant la journaliste Nadia Daam, trois hommes ont été condamnés en juillet à six mois de prison avec sursis.

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