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Impressionnisme: pour la première fois la collection Courtauld s'exporte de Londres à Paris

L'exceptionnelle collection rassemblée par l'industriel et philanthrope anglais Samuel Courtauld est présentée à partir de mercredi à la Fondation Vuitton: des toiles impressionnistes iconiques de Manet, Cézanne, Renoir, qu'on croyait connaître par cœur via leurs reproductions, mais qu'on redécouvre dans leur plénitude de vie.

C'est le retour de ces toiles à Paris où elles ont été exécutées pour la plupart. "Tous les peintres importants sont là. On connaissait les images des œuvres dans les livres d'art ou par les cartes postales, c'est différent de les voir devant nous", souligne Karen Serres, historienne d'art et conservatrice à la Courtauld Gallery de Londres.

L'exposition "La Collection Courtauld. Le parti de l'impressionnisme" présente, jusqu'au 17 juin, 107 oeuvres significatives de l'impressionnisme et du postimpressionnisme (62 peintures et 45 oeuvres graphiques).

Samuel Courtauld (1876-1947), mécène passionné, joua un rôle unique dans la formation du goût pour l'impressionnisme au Royaume-Uni, perçu avec un regard critique outre-Manche. Il collectionna en six années seulement, entre 1923 et 1929, quelques-unes des oeuvres les plus célèbres. Courtauld avait ainsi acquis plus de soixante tableaux et trente dessins, en plus d’estampes et sculptures. Il avait aussi créé en 1923 le Courtauld Fund pour la National Gallery de Londres, soucieux d'enrichir les collections nationales.

Tandis que sa femme organisait des concerts de musique, Samuel Courtauld, homme très réservé, se passionnait pour la peinture, "avec une vision très spirituelle de l'art, qui doit être pour tous et élever l'esprit de tous", souligne à l'AFP Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Vuitton.

En 1932, Courtauld fait don de nombreuses oeuvres au Courtauld Institute of Art, créé pour promouvoir l'éducation artistique. Ce don forme aujourd'hui le noyau du fonds de la Courtauld Gallery, un lieu d'art encore trop peu visité à Londres. L'exposition rassemble les oeuvres de la Courtauld Gallery avec d'autres léguées par Courtauld à des amis ou à sa famille, aujourd’hui dispersées.

On pourra admirer sur les murs de la Fondation Vuitton la célébrissime peinture des débuts de Renoir, "La Loge", avec son subtil dégradé de blancs sur les vêtements.

Il y a aussi la Jeune Femme se poudrant de Seurat et l'emblématique nu tahitien de Gauguin, Nevermore. Plusieurs Manet magnifiques: sa dernière oeuvre majeure, "Un bar aux Folies-Bergère", avec la serveuse qui nous fait partager la tristesse de son regard, et les jeux complexes de miroir d'un monde qui festoie, ainsi qu'une très belle version préparatoire au "Déjeuner sur l'herbe".

-Mécène et patron démocrate-

Sur l'un de ses tableaux les plus célèbres, son "Autoportrait à l'oreille bandée", Van Gogh a une expression fermée et sombre qui annonce sa folie. Toulouse-Lautrec peint une de ses danseuses amies, col de fourrure, visage mince et introverti, à la sortie du Moulin Rouge, grise comme la rue.

Courtauld appréciait particulièrement Cézanne et avait acquis d'importantes toiles comme "La Montagne Sainte-Victoire au grand pin", et une belle version des "Joueurs de cartes". Sans doute "cet industriel qui se voulait démocrate, goûtait les portraits de gens simples, les sujets de la vie, loin de tout intellectualisme", explique Mme Serres.

En 1942, en pleine guerre, Samuel Courtauld, proche des idées de Keynes, lancera un appel à retrouver les valeurs spirituelles face au consumérisme et proposera que l'entreprise privée se transforme profondément, en donnant des droits aux travailleurs, dans une tribune célèbre publiée dans le Sunday Pictorial: "This or revolution!".

Un des buts de l'exposition est "de redonner à Courtauld sa place dans le panthéon des plus généreux philanthropes du XXe siècle", dit Karen Serres.

Aux étages supérieures de la Fondation Vuitton, quelque soixante-dix autres oeuvres de ses collections seront exposées, en contraste absolu avec les toiles impressionnistes: de Joan Mitchell à Ettore Spalletti, de Daniel Buren à Pierre Soulages, de Alex Katz à Gerhard Richter, le dépouillement, la largeur des cadres, les nouvelles techniques comme l'imprimante disent un nouveau rapport à l'espace. Le seul lien entre les deux expositions est l'intensité de la lumière, mise en valeur par l'architecture dépouillée de Frank Gehry.

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