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La justice sud-coréenne ordonne la fin de l'interdiction de l'avortement

La plus haute juridiction sud-coréenne a ordonné jeudi la levée de l'interdiction de l'avortement qu'elle a jugée anticonstitutionnelle, une décision historique saluée par les associations militant pour la légalisation.

La Corée du Sud est une des dernières économies développées où l'avortement demeure illégal, sauf en cas de viol, d'inceste ou s'il y a risque pour la mère.

Hormis ces exceptions, les femmes qui se font avorter sont passibles d'un an de détention et d'une amende. Les médecins encourent deux ans.

Mais la Cour constitutionnelle a estimé jeudi, par sept voix contre deux, que la loi de 1953 visant à protéger la vie et les valeurs traditionnelles était "contraire à la Constitution" et demandé une évolution législative d'ici la fin de l'année prochaine.

"L'interdiction de l'avortement limite le droit des femmes à accomplir leur propre destin et viole leur droit à la santé en restreignant leur accès à des procédures sûres en temps opportun", a indiqué la Cour dans un communiqué.

"Les embryons dépendent complètement pour leur survie et leur développement du corps de la mère, ce qui fait qu'on ne peut conclure qu'ils sont des êtres vivants séparés et indépendants ayant un droit à la vie."

- "Elles méritent d'être heureuses" -

L'annonce de cette décision a été accueillie par des cris de joie et des embrassades de centaines de femmes rassemblées devant la Cour constitutionnelle dans le centre de Séoul.

"Les femmes méritent d'être heureuses autant qu'elles veulent aujourd'hui", a déclaré à l'AFP la militante Bae Bok-ju.

"La décision d'aujourd'hui a été prise parce qu'un nombre incalculable de femmes n'ont cessé de se battre pour leurs droits pendant de nombreuses années. Nous méritons l'attention du monde et sa reconnaissance."

La loi de 1953 interdisant l'IVG est largement bafouée et les poursuites sont rares. Mais les associations militant pour la légalisation dénoncent le fait que certaines jeunes femmes n'ayant pas les moyens s'exposent à des avortements faits dans de mauvaises conditions sanitaires et risquent l'isolement social.

La décision rendue jeudi par la Cour constitutionnelle prévoit que l'interdiction de l'avortement tombera automatiquement le 1er janvier 2021, à moins que la loi ne soit amendée d'ici là.

Les appels à la légalisation se sont multipliés ces dernières années, mais l'interdiction compte aussi un grand nombre de partisans dans une société très conservatrice à l'égard des femmes et où les églises évangéliques ont toujours une influence.

- Une femme sur cinq -

La dernière fois que la Cour s'était penchée sur cette question remontait à 2012. Elle avait estimé que l'avortement "finirait par se généraliser" s'il n'était pas puni.

Sept ans plus tard, un sondage rendu public mercredi laissait entendre que 58% de la population était favorable à la levée de l'interdiction.

Le recours dont est saisie la Cour avait été déposé par une femme médecin poursuivie pour avoir réalisé 70 avortements.

Les associations rapportent que l'IVG est déjà très répandue en Corée du Sud et dénoncent l'arbitraire de l'application de la loi puisque les poursuites visent essentiellement les femmes jeunes et non mariées davantage susceptibles d'être ostracisées par la société.

Une enquête réalisée l'année dernière avait indiqué qu'une femme sur cinq ayant déjà été enceinte s'était déjà faite avorter. Et seules 1% d'entre elles concédaient avoir une raison légale d'interrompre leur grossesse.

Une autre étude, réalisée en 2011, montrait que la majorité des Sud-Coréennes se faisant avorter étaient mariées.

Les associations affirment cependant que la majorité de celles qui sont visées par des poursuites judiciaires ne sont pas mariées. Et parmi lesquelles des adolescentes.

La Conférence des évêques catholiques de Corée a fait part jeudi de ses "profonds regrets".

"Le jugement nie le droit à la vie des embryons qui n'ont pas la capacité de se défendre eux-mêmes", a-t-elle dit.

Pour Kang Min-jin, militante de l'avortement, le travail le plus dur reste à faire.

"Il faudra s'assurer que la procédure sera couverte par l'assurance-maladie", a-t-elle dit. "Sinon, la santé de beaucoup de femmes demeurera en danger."

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