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Blake et Mortimer reviennent comme on ne les avait jamais vus

On croyait Blake et Mortimer figés à jamais dans les années 50. Dans "Le dernier pharaon", album qui paraît mercredi, les deux héros imaginés par Edgar P. Jacobs ont vieilli tout en prenant un sacré coup de jeune.

"L'éditeur de Blake et Mortimer me poursuivait avec ce projet depuis des années. Mais j'aurais été incapable de le faire dans +la ligne claire+ (le style graphique popularisé par Hergé et Jacobs, ndlr). Je me suis dit qu'on pouvait rester fidèle à un auteur sans être dans le style de cet auteur", raconte à l'AFP le dessinateur belge François Schuiten, auteur notamment avec Benoît Peeters de la série "Les cités obscures".

"Le dernier pharaon" ne ressemble graphiquement à aucun autre album de Blake et Mortimer. Dans le même temps, c'est sans doute l'album le plus fidèle à l'univers d'Edgar P. Jacobs, le génial dessinateur disparu en 1987.

"On voulait retrouver les fondamentaux de Jacobs", souligne Schuiten. Devenus vieux, les deux héros vont être amenés "à sauver le monde des dangers qui le guettent aujourd'hui".

Mais "sauver le monde aujourd'hui ce n'est pas du tout sauver le monde dans les années 1950", insiste l'ancien lauréat du Grand prix BD d'Angoulême (2002).

L'album est en résonance avec les préoccupations actuelles et nous interpelle quant à notre dépendance à la technologie. "Un autre monde est possible" proclame un des personnages de l'album.

Quand on lui fait remarquer que son album ressemble à un manifeste écolo, François Schuiten éclate d'un rire franc et joyeux, sans démentir.

"Il y a la tentation d'un +reset+, d'un +reboot+", reconnaît-il. "Sauver le monde, c'est peut être effacer la dette, aller vers la décroissance, retrouver la lenteur... On ne peut pas continuer comme ça...".

Les premières pages de l'album nous ramènent à l'endroit où nous avions laissé les deux héros à la fin du "Mystère de la Grande Pyramide". Après cette aventure, les années ont passé. Blake et Mortimer se sont progressivement éloignés de l'autre. Leur amitié s'est émoussée. Blake est accaparé par sa carrière. Mortimer, qui souffre de cauchemars récurrents, est devenu amer.

L'un et l'autre se retrouvent pourtant à Bruxelles au début des années 1980 après que de mystérieuses radiations se soient échappées du palais de Justice entraînant la destruction des réseaux électriques et électroniques... Évacuée de ses habitants, Bruxelles est devenue une ville morte peuplée d'animaux sauvages... Du moins, le croit-on.

- Un album unique -

Pour réaliser cet album, François Schuiten a travaillé "durant quatre ans" avec trois complices : le cinéaste Jaco Van Dormael, l'écrivain Thomas Gunzig (qui ont participé au scénario) et l'illustrateur Laurent Durieux (qui a colorisé l'album).

"Entre nous, assure Schuiten, il n'y avait pas d'ego mal placé. Nous nous sommes mutuellement encouragés. C'était une bande super dynamique".

"En réalisant l'album, j'ai essayé de faire ce que j'aimerais qu'on me fasse: c'est à dire ne pas copier mon style mais essayer plutôt de prolonger ce qui m'intéresse", explique François Schuiten, 62 ans, qui a connu personnellement Jacobs.

"J'ai beaucoup pensé à Jacobs en dessinant Mortimer. J'ai même dessiné un peu l'amertume qu'il avait à la fin de sa vie", confie l'artiste belge.

L'album est truffé de références aux albums de Jacobs, notamment au "Piège diabolique" qui faisait voyager Mortimer dans le temps. "Tous les quatre on a été marqués par le Piège. C'est fascinant", reconnaît Schuiten. Les clins d’œil au "mystère de la Grande Pyramide" et notamment son deuxième volet, "La chambre d'Horus" sont évidemment omniprésents.

Bruxelles, magnifiquement dessinée par Schuiten, apparaît également comme l'un des principaux personnages de l'album. "Dans ses projets, Jacobs avait l'intention de raconter une histoire autour du palais de Justice de Bruxelles", assure le dessinateur qui affirme que c'est en découvrant ce projet qu'il a finalement décidé de sauter le pas et de se mettre au scénario du "Dernier pharaon".

L'album, qui bénéficie d'un tirage exceptionnel de 230.000 exemplaires, est un "one shot". "Il n'y aura pas de suite", prévient le dessinateur.

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