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L'application Yuka vous aide à déchiffrer les étiquettes dans les magasins: peut-on lui faire confiance?

Les récents scandales alimentaires ont fragilisé la confiance des Européens. Face à des étiquettes indéchiffrables, les consommateurs réclament, de plus en plus, de la transparence. Devant un tel constat, des applications voient le jour. Leur promesse: décrypter les étiquettes et identifier les produits dont il faut se méfier. Nous nous sommes intéressés à Yuka, l'une des applications les plus populaires.

Les yeux rivés sur notre smartphone, nous parcourons les rayons du magasin à la recherche du produit qui satisfera au mieux toutes nos attentes. Le scan d’un simple code-barres et le verdict tombe quelques secondes plus tard. Pour ce soda, il faudra repasser. L’application a tranché: "Trop sucré, trop calorique et trop d’additifs", le score nutritionnel de cette célèbre boisson rafraîchissante est de 0/100.

Le principe vous dit quelque chose? Depuis plusieurs mois déjà, de nombreuses applications voient le jour sur nos smartphones. Leur but? Nous aider à décoder les étiquettes des produits et juger quels sont les produits meilleurs pour notre santé. Parmi les plus célèbres d’entre elles, Yuka. Lancée en France en 2017, l’application traverse les frontières. Depuis mars dernier, elle est désormais accessible en Belgique. À cette occasion, nous avons questionné ses fondateurs.

"C’est une application qui permet de déchiffrer des étiquettes indéchiffrables", résume Ophélia, porte-parole de l’entreprise.

Le lancement de Yuka remonte à janvier 2017 et répond à un réel besoin de la part des consommateurs. Après plusieurs scandales sanitaires, ces derniers veulent plus de transparence. Ils désirent savoir ce que contient réellement leur assiette. Mais décrypter les étiquettes n’est pas chose aisée. E331, E338, acidifiants, acésulfame K… Un vrai charabia dont il est difficile de se défaire. C’est ainsi que naît l’idée de Yuka. Benoît Martin, père de famille, ne sait plus comment faire ses courses. Avec son frère, François, il imagine une application. Julie Chapon, une amie de la fratrie, les rejoint. L'application est pensée en France et s'exporte peu à peu à travers le monde. Elle est arrivée en Belgique en mars dernier et est également en Suisse, au Luxembourg, au Royaume-Uni et en Espagne. 


 
Comment ça marche?

Il suffit de scanner le code-barre d'un produit pour découvrir le score que Yuka lui attribue. Derrière l’application, des bases de données. 450.000 produits alimentaires et 150.000 cosmétiques sont référencés. Protéines, fibres, graisses saturées, sucre, sel, additifs… Autant d'éléments qui sont scrutés par l'application. En fonction des valeurs nutritives, un score est attribué. Il peut aller de 0 à 100. 

Cette notation se base principalement sur la qualité nutritionnelle de la note. Autrement dit, elle prend en compte la capacité d'un aliment à répondre à nos besoins journaliers. Cela représente 60% de la note finale. Vient ensuite la présence d'additifs. Toutes ces références commençant par la lettre "E" désignent ces composants censés améliorer le goût, la texture ou encore la couleur d'un produit. Au-delà d'un certain seuil, des additifs sont jugés dangereux pour la santé. Leur présence représente 30% de la note. 

"Le niveau de risque est déterminé en fonction de l’état de la science à ce jour en se basant notamment sur l’ANSES, le CSSC, le CIRC, la liste SIN ou encore de nombreuses études indépendantes", précisent les fondateurs. 

Enfin, la dimension biologique symbolise 10% de la note et se base sur la présence du label bio européen.

En fonction de cela, l'application présente ensuite quelques recommandations. "Lorsqu'un produit est jugé mauvais ou médiocre, on propose des alternatives de produits plus sains", nous éclaire Ophélia. Avant d'ajouter: "Aujourd'hui il y a encore peu d'alternatives belges mais leur nombre augmentera au fur et à mesure que notre base de produits belges grossira"


 
Comment est-elle alimentée?

A ses débuts, Yuka s'est appuyé sur le projet "Open Food Facts", une interface ouverte et collaborative recensant des produits alimentaires disponibles dans le monde entier. Depuis janvier 2018, la firme a décidé de constituer sa propre base de données. 

L’application est alimentée via deux canaux. Elle se base tout d'abord sur les contributions des consommateurs. Ces derniers sont invités à ajouter ou compléter les informations de produits. Votre bouteille de lait n’est pas référencée? L’application vous propose de rentrer vous-même les données et ainsi enrichir la plate-forme. "Il suffit de prendre une photo de l’étiquette. Ensuite un système traduit cette photo en composition", nous explique Ophélia. C’est un service externe qui se charge de cette retranscription.

Chez Yuka, deux personnes se doivent de vérifier tous ces encodages. Les employés s'occupent également de répondre aux utilisateurs qui signalent des erreurs ou rapportent des modifications, notamment au niveau du packaging.

De plus, certaines marques fournissent directement le contenu de leurs produits en transmettant les données inscrites sur les étiquettes des denrées qu'elles commercialisent. 

Des avantages mais aussi quelques failles

Peut-on vouer une confiance aveugle à l'application?

Marie-Noëlle Pirnay, diététicienne au Grand hôpital de Charleroi, nous dresse un bilan plutôt positif de l'initiative. Elle met tout d'abord en avant sa dimension pratique. "L’avantage, c’est le côté visuel. On voit tout de suite si un produit est bon ou pas", indique-t-elle. Avant d'ajouter: "Cette application juge aussi les produits cosmétiques et là aussi propose des alternatives moins nocives pour la santé et pour la planète. Bonne idée aussi étant donné que c’est dans l’air du temps"

Marie-Noëlle Pirnay pointe toutefois des limites: "Le consommateur ne peut pas préciser en quelle quantité il va manger ce produit". A l’heure actuelle, Yuka renseigne sur la composition des produits en se basant sur 100 grammes. Pour autant, tous les produits ne sont pas consommés en cette quantité. Il est plutôt rare d’ingurgiter 100 g de chocolat ou encore 100 g de parmesan en une fois. Lors du décryptage des étiquettes alimentaires, ce facteur est à considérer.

Autre bémol: "Yuka ne tient pas compte des caractéristiques physiques de chacun. Elle ne tient pas compte des pathologies éventuelles pour classer les aliments. Ainsi, un diabétique devra faire encore plus attention au sucre et aux graisses de mauvaise qualité qu’une personne en bonne santé, et une personne hypertendue devra veiller encore plus au sel qu’une personne en bonne santé", explique Marie-Noëlle Pirnay. "L’application n’est pas personnalisée comme le serait une diététicienne par exemple", résume la professionnelle. 

De la même façon, lorsque l’application alerte sur la présence d’additifs, le jargon utilisé reste difficilement compréhensible. Cette faille, l’entreprise la connaît déjà. "Nous prévoyons d’accompagner ces données d’un texte explicatif", nous renseigne la porte-parole, Ophélia.


Le risque de diaboliser certains aliments?

En ayant recours à ce genre d'applications, n'existe-t-il pas un risque de diaboliser certains aliments? Autrement dit, cela ne pousse-t-il pas les utilisateurs à bannir de leur alimentation des produits dont il faudrait simplement réduire la consommation? "Je ne pense pas", nous répond Marie-Noëlle Pirnay. Selon la diététicienne, cette initiative pourrait néanmoins conduire les industriels à revoir leurs méthodes de fabrication. "Ça va peut-être décourager les industriels agro-alimentaires à ajouter des exhausteurs de goût à gogo pour vendre de plus en plus", détaille-t-elle. 

La professionnelle nous livre d'ailleurs un exemple interpellant. Elle compare des biscuits apéritifs d'une célèbre grande marque à ceux d'une marque de distributeurs. "D'un côté, les biscuits de la grande marque contiennent de l’huile de palme et du sirop de glucose-fructose. Ceci est très nocif pour la santé. De l'autre, les biscuits de la marque de distributeurs contiennent de l’huile de colza mais pas de sirop de glucose-fructose. Et à la caisse, la différence va du simple au triple", nous assure-t-elle.

Ces différences sont perceptibles via l'application. "Les gens vont peut-être comprendre que la marque n’est pas gage de qualité", relève la diététicienne. 


Quels liens l’entreprise entretient-elle avec les firmes? 

Une telle initiative n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les entreprises. En discriminant les produits de certaines marques, Yuka reçoit-elle des menaces? "Au début, quand on s’est lancé, les entreprises n’y ont pas prêté attention. Mais depuis l’été dernier, nous recevons des messages. Il ne s’agit ni de pression, ni de menace. Les industriels sont dans une démarche constructive et cherchent à savoir comment ils peuvent améliorer leurs produits", nous assure Ophélia. Avant d’ajouter: "Nous n’avons pas de partenariats et ne faisons pas de publicité. Nous restons indépendants". De la même façon, la firme promet qu'aucune donnée collectée n'est revendue. 


Quel financement? 

Pas de publicité, pas de partenariats... Pourtant, neuf personnes travaillent sur le développement de l'entreprise. Une question se pose alors: comment Yuka se finance-t-elle?

D'un côté, l'application propose une version premium. Pour 15 euros par an, il est possible d'accéder à des fonctionnalités supplémentaires telles qu'une barre de recherche pour repérer un produit, un historique illimité ou encore un mode hors-ligne pour bénéficier de l'application sans être connecté en 4G ou en Wi-Fi. Cet aspect représente la majeure partie de son financement. 

D'autre part, Yuka suggère à ses utilisateurs un programme Nutrition. Pour 59 euros, il aide à acquérir les bases d'une alimentation saine. Les dons des utilisateurs permettent aussi à Yuka d'acquérir des fonds. 

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