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Impossible de réparer soi-même certaines machines à laver: "Les cuves sont thermo-soudées"

L'obsolescence programmée est de plus en plus au coeur des processus de fabrications des appareils électro-ménagers et électroniques aujourd'hui. De votre smartphone dont la batterie est impossible à remplacer vous-même aux machines à laver, les constructeurs fabriquent de plus en plus souvent des ensembles de pièces impossibles à séparer, ce qui rend leur réparation plus chère puisqu'au lieu de remplacer une seule pièce, on doit en remplacer plusieurs à la fois. C'est ce qu'a découvert un réparateur amateur et ce que dénonce Test-Achats, qui se réjouit d'une future directive européenne.

Joël habite à Maubray, en Wallonie picarde, près de la France. Son hobby? Réparer tout ce qui peut l'être. Spécialement des écrans plats ou des télévisions, mais aussi des machines à laver. Dernièrement, il est tombé sur "plus fort que lui". Une machine à laver irréparable ou seulement à grand frais. Il nous a alors contactés via notre bouton orange Alertez-nous pour dénoncer un cas flagrant d'obsolescence programmée selon lui.


"Impossible de l'ouvrir pour remplacer seulement les roulements"

"Je récupère des machines à laver cassées et je les répare. J'en ai réparé entre 20 et 30 jusqu'ici. Je suis allé chercher une machine de marque Bauknecht, qui ne doit pas avoir plus de 5 ans, et dont les roulements étaient défectueux. Je la démonte, j'en sors la cuve et là, quelle ne fut pas ma stupeur : la cuve est thermo-soudée ! Donc impossible de l'ouvrir pour remplacer seulement les roulements. Il faut remplacer toute la cuve, qui coûte 200€, alors qu'une paire de roulements coûte seulement 30€. C'est la deuxième fois que j'ai la blague. La première fois, c'était avec une AEG à 600€. Où est l'écologie si on ne sait pas réparer des appareils défectueux?", nous demande-t-il.


Il est normalement possible de séparer les deux demi-cuves

Les roulements de la cuve (le boîtier du tambour de lavage) qui lâchent, c'est un problème habituel sur les machines à laver. L'opération est relativement simple à faire soi-même ou par un réparateur professionnel : il faut retirer la cuve de la machine, ouvrir celle-ci en deux (comme sur la photo ci-dessous) car elle est composée de 2 demi-cuves reliées entre elles par des vis, boulons et joints, et ainsi accéder aux roulements qu'il suffit de démonter et remonter avec des nouveaux.


Source : Youtube eSpares

Le problème, c'est que de plus en plus de fabricants optent pour une autre technique de fabrication plus rapide et donc moins coûteuses. Les 2 demi-cuves en plastique sont thermo-soudées ou thermocollées, c.-à-d. que le plastique de chaque élément a été fondu à la jonction pour les relier entre-elles et n'en faire plus qu'une seule pièce… indémontable. Lorsque les roulements cassent, il faut donc remplacer toute la cuve.


Un cas clair d'obsolescence programmée

Il s'agit d'un des nombreux exemples d'obsolescence programmée. "Le terme d’obsolescence "programmée" désigne la limitation, volontaire ou pas, de la durée de vie des appareils vendus actuellement. Et ce dans le but de vous pousser à les remplacer plus rapidement. Pour ce faire, les fabricants recourent à diverses stratégies", explique l'association de consommateurs Test-Achats.

Parmi celles-ci, on citera les plus courantes : des pièces de trop faible qualités destinées à casser rapidement, des éléments intégrés impossibles à atteindre, des logiciels programmés pour ne plus fonctionner après X cycles, la réparation qui coûte trop cher par rapport au prix d'achat ou encore les pièces de rechange non disponibles.


7% des problèmes de machines à laver dénoncés concernent cette pratique

Pour récolter un maximum de témoignages sur ces pratiques commerciales controversées, Test-Achats a lancé en 2016 un site appelé "Trop vite usé". Est-ce que les cuves de machines à laver thermocollées leur ont déjà été signalées ? Oui.

"709 machines à laver se trouvent dans notre base de données 'Trop vite usé'. Nous avons pu en identifier 53 qui sont dans le même cas", nous confirme Julie Frère, porte-parole de Test-Achats. Elles se répartissent comme suit: 22 Whirlpool, 10 AEG, 8 Bauknecht et 8 Bosch, 2 Siemens et 2 Samsung, et enfin une Electrolux-Arthur Martin.


Impossible de le savoir quand on achète sa machine

Autre problème souligné par Test-Achats : aucune information sur l'état thermo-soudé ou non de la cuve n'est disponible au moment de l'achat, tant en magasin que sur internet. Il faut demander aux vendeurs qui ne peuvent alors que fouiller avec vous dans le manuel de chaque machine à laver.


La raison invoquée? Plus rapide à réparer donc moins de main d'oeuvre...

Pour Test-Achats, ce problème inhérent aux machines à laver s'inscrit dans une démarche industrielle de plus en plus fréquente. "Cela fait plusieurs années que nous constatons une tendance vers une production de plus en plus ‘modulaire’. L’appareil est constitué de modules ‘pré-fabriqués’, et l’étape finale de fabrication est l’intégration des différents modules."

Parmi les arguments des fabricants, cela "permet de limiter les coûts de main d’œuvre" pour les réparations, puisque le technicien remplace facilement tout un bloc/module. Mais par contre, "le ‘module’ en tant que tel sera plus cher que si l’on devait changer une simple pièce. L’exemple le plus visible est le panneau de commande : s’il y a un problème, typiquement on va le remplacer complètement." Les travailleurs peuvent ainsi réparer plus de machines plus rapidement, ils deviennent donc plus rentables, tandis que les clients paient plus cher puisqu'ils rachètent plus de pièces en une fois.

C'est d'ailleurs ce qui empêche souvent les clients de les réparer : "Si l’on regarde les raisons pour lesquelles les consommateurs ne les ont pas réparées, on voit que le prix est la raison prédominante", ajoute Julie Frère.


L'Europe prend tout doucement des mesures

Test-Achats soutient la directive européenne "eco design", "qui entrera en vigueur à partir de 2021" et qui devrait permettre de réduire l'empreinte écologique des appareils électriques, notamment en obligeant les producteurs à concevoir des appareils de telle sorte qu'ils durent longtemps et soient faciles à réparer. Sont concernés les réfrigérateurs, congélateurs, téléviseurs, lave-vaisselle et lave-linge disponibles sur le marché en Europe. Une directive qui va dans les bon sens, même si elle aurait pu être plus contraignante sans le lobbying des industriels.


Couper la cuve en deux à la scie? Pas une bonne idée

Enfin, si sur internet, certains bricoleurs conseillent de couper soi-même la cuve thermocollée en deux à la scie à métaux avant de la ressouder avec de la colle polymère et des vis-écrou, Joël le déconseille fortement. "Ça ne tiendra pas si vous faites une machine à 60°C. Ça durera le temps que ça doit durer mais pas longtemps", assure-t-il. En effet, les hautes températures pourraient dégrader la colle polymère au fil du temps, l'ajout de vis-écrou pourrait entraver son déplacement dans la machine et au final, l'étanchéité de la cuve sera réduite par rapport à sa fabrication de base.

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