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Destruction des épicéas par les scolytes: une amplification redoutée, les arbres morts pas évacués assez vite

Les conditions climatiques de cette année devraient, comme l'an passé, favoriser les populations de ces insectes en Belgique et dans les pays voisins. La nécessité d'évacuer le bois au plus vite pour limiter la contamination se heurte à des contraintes pratiques. En attendant, le prix du bois d'épicéa ne cesse de baisser.

"Suite à la canicule de l'année passée, j'ai pu constater dans la région de Mons qu'un grand nombre de sapins traditionnels de type épicéa étaient morts et n'avaient pas survécu. Il en va de même dans d'autres régions du pays. Avec la 2ème vague de chaleur annoncée je me demandais si nos épicéas des Ardennes et du reste du pays n'étaient pas menacés à très moyen terme avec ce fameux réchauffement climatiques. Les racines de épicéas sont généralement très étendues au sol et peu profondes. Il me semble que la succession de vague de chaleur pourrait avoir un effet néfaste sur ce symbole sinon national en tout cas régional", redoutait Stéphane via le bouton orange Alertez-nous, nous soumettant quelques photos d'arbres morts. Son tracas est justifié. L'an passé a été marqué par une vague de destruction d'épicéas par le scolyte. Cet insecte de maximum un demi centimètre s'attaque à ces arbres depuis toujours, aidé par un champignon qu'il transporte avec lui. Mais sa population s'est accrue à cause de la sécheresse et des coups de vent affaiblissant les épicéas. Le problème n'est pas propre à la Belgique, on l'observe également chez nos voisins français et allemands mais aussi en Europe centrale. Les conditions climatiques de l'été dernier se répétant en 2019, doit-on craindre une situation identique ou même aggravée ? Nous nous sommes adressés à François Deneufbourg de l'office économique wallon du bois.


Pas assez de pluie

La situation ne s'améliorera probablement pas cette année. Au contraire, dans ce type de phénomène, on assiste souvent à une amplification avant le début d'un éventuel recul. "D'un point de vue biologique, pour qu'une vague passe, il faut au moins deux ou trois ans. L'infestation a été très importante en 2018 et une amplification est possible en 2019", explique François Deneufbourg. L'évolution du phénomène est fonction du climat. Et le temps de cette année est à nouveau plus favorable au scolyte qu'à l'épicéa. Le printemps a été relativement frais et pluvieux. Mais la quantité de pluie a été insuffisante pour compenser la perte hydrique des années précédentes. De nombreux épicéas restent donc affaiblis et vulnérables aux scolytes. Ajoutons qu'outre le manque d'eau, les coups de vent qui entraînent des chablis (arbres déracinés) jouent aussi un rôle important dans la mise à disposition d'épicéas à la voracité des scolytes.


Déjà des envols en février

À côté de l'affaiblissement de l'épicéa, un temps doux favorise le scolyte lui-même. En dormance l'hiver, ce petit coléoptère qui creuse des galeries sous l'écorce, se réveillera plus tôt ou se recouchera plus tard, ce qui entraînera un nombre accru de cycles de reproduction sur une année. "Avec l'hiver très très doux qu'on a eu, l'hibernation a été un peu partielle et on assiste déjà depuis quelques semaines avec les beaux jours du mois de février à des envols massifs de scolytes avec à la clé de nouveaux dégâts", constatait il y a quelques mois Nicolas Henryot, ingénieur des eaux et forêts, secrétaire général de la fédération nationale des experts forestiers, lors d'un précédent reportage en mars.

Favorisées par cet ensemble de facteurs, les populations de l'insecte se développent et finissent par dépasser un seuil de tolérance. Pullulant, les insectes vont alors s'attaquer à des épicéas qui sont moins affaiblis et ne constitueraient pas en temps normal une cible.

Le phénomène est typique d'une infestation d'un insecte ravageur qui s'attaque à une ou des espèces végétales, que ce soit dans l'agriculture ou en forêt. Lorsque les conditions climatiques sont réunies, la population de l'animal s'accroit alors.


Évacuer les arbres infectés au plus vite

Pour lutter contre le phénomène et ramener la population sous son seuil de tolérance, on peut prier pour que les conditions climatiques soient moins favorables, ce qui est mal engagé actuellement. Mais l'homme peut agir pour tenter de juguler l'épidémie. Il y a nécessité de couper les arbres infectés et surtout d'évacuer le bois le plus vite possible. Mais l'épidémie a atteint de telles proportions que ces opérations sont ralenties par le manque de disponibilité des exploitants de bois qui s'occupent de ce travail. Ils ne peuvent en effet aller partout où on les demande. Il y a donc un long délai. En particulier pour les petits propriétaires, les exploitants favorisant d'abord les grandes surfaces où il y a davantage d'arbres à abattre. Même problème dans les usines de découpe du bois qui sont engorgées et ne peuvent suivre la cadence. Or, il faut aller vite. Pour une raison sanitaire, afin que le scolyte ne prolifère et ne contamine d'autres arbres. Mais aussi pour une raison économique. Plus on traîne avec un épicéa infecté plus sa valeur marchande diminue.


Le prix du bois d'épicéa en chute libre

Des dégâts qui menacent clairement cette filière importante pour la Wallonie. "La qualité du bois et un petit peu dégradée et donc on ne sait plus les utiliser pour des usages aussi nobles qu'on aurait voulu en temps normal. On peut estimer en moyenne que des beaux gros épicéas qui valaient en moyenne 65€ du m3 sur pied maintenant ils n'en valent plus que 10€ du m3. Et si on assiste encore à une explosion du nombre d'insectes au printemps prochain, le risque est de voir le prix encore diminuer et arriver à 0€ du m3 voire même en dessous si le marché est vraiment déstabilisé", prévenait Nicolas Henryot dans notre reportage de mars.

Le prix de l'épicéa a également baissé par l'action de la loi de l'offre et de la demande. En effet le nombre accrus d'abattage d'arbres à cause du scolyte a provoqué un accroissement de la quantité de bois d'épicéas mis sur le marché. L'an dernier, environ 500 000 m3 d'épicéas scolytés ont été coupés en Wallonie. Et les experts forestiers s'attendent à plus du double pour cette année.

En Wallonie, une obligation phytosanitaire enjoint les propriétaires de parcelles d'épicéas infectés d'évacuer les arbres touchés au plus tard en mai de l'année qui suit. Mais l'administration est bien consciente des difficultés énoncées dans le paragraphe précédent. 


Problème : les particuliers devraient aussi abattre leurs arbres malades mais n'y sont pas obligés

Ces insectes ne font pas la distinction entre le sapin d'un jardin et celui d'une exploitation, contrairement à la loi. Et ça pose un vrai problème aux exploitants. "Tous les épicéas en Wallonie sont potentiellement attaqués. Il y a vraiment un nuage de scolytes dans toute la Wallonie donc il y en a autant dans le Namurois qu'en Haute-Ardenne. Il faut conscientiser les gens parce que les propriétaires forestiers en zone forestière ont l'obligation légale d'évacuer tous les épicéas scolytés. Par contre pour tout ce qui est parcs et jardins, il n'y a pas d'obligation. Mais il est évident que les épicéas en fond de jardin à proximité d'une forêt, si on ne les évacue pas, ils vont peut-être contaminer la forêt à proximité et donc il faut que tout le monde évacue le plus vite possible ses épicéas scolytés."

> DÉCOUVREZ S'IL Y A DES ARBRES SCOLYTÉS PRÈS DE CHEZ VOUS


Comment reconnaître si votre arbre est scolyté ?

L'ingénieur détaille les symptômes qui doivent vous mettre sur la voie : "Il y a différents symptômes. Les petits trous dans l'écorce, par lesquels les insectes rentrent. Les petits écoulements de sciures au pied de l'arbre. Les coulées de résine sur les troncs. L'écorce qui se décolle en larges plaques et au final se sont des arbres qui roussissent parce que morts, et donc les aiguilles qui étaient vertes deviennent rousses et tombent." Et si vos arbres sont atteints, voici ce qu'il faut faire : "Contacter le cantonnement DNF (Division Nature et Forêts) ou aller sur le site sclolytes.be. Il a été mis en place par la cellule de crise créée par le ministre Collin (ministre wallon de la Forêt, ndlr). Avec différentes informations sur les insectes et les personnes à contacter ainsi que les dispositions légales et techniques."

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