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Iseline outrée par le prix de la formation au permis de conduire: "Mais où va-t-on?"

Pouvoir conduire ne s’apprend pas en un jour. Et l’apprentissage est primordial pour tout nouveau conducteur. Mais comment apprendre ? La filière libre ou l’auto-école ? Iseline se pose ces questions depuis quelques mois, mais elle est effarée de la somme qu’elle pourrait débourser. Les compétences liées au permis de conduire sont régionalisées, et le prix des cours d’auto-école varie fortement, en raison de la concurrence dans le secteur.

Iseline, une Rochefortoise, voudrait passer le permis pratique. Mais elle se retrouve devant une impasse. "J’avais déjà passé le permis théorique il y a quelques années. Je l’avais réussi et je m’étais alors inscrite dans la version avec un guide parce que j’étais en couple. Mais ensuite je me suis séparée et il est parti avec la voiture, donc je n’ai plus eu le moyen de le passer avec un guide." Iseline n’a pas d’autre choix que de laisser de côté son apprentissage. Elle n’avait plus de voiture, et celle de ses parents était trop puissante. Les assurances lui interdisaient d’apprendre avec ce véhicule. "J’ai donc laissé tout se périmer et j’ai dû attendre trois ans."

Je me suis renseignée sur les prix, et c’est hallucinant

Cela fait à présent six mois qu’Iseline a repassé avec brio l’épreuve théorique. "Je l’ai réussie du premier coup en février dernier. Pour la pratique, on m’a proposé la version avec guide ou avec auto-école." Etant toujours célibataire, elle décide de passer par une école de conduite. Mais c’est là que les choses se sont corsées. "Je me suis renseignée sur les prix, et c’est hallucinant. On me propose 1.200 euros pour 20 heures d’auto-école, et presque 1.600 euros pour 30 heures."


"Je ne vais pas non plus me mettre une corde autour du cou"

Elle ne s’attendait pas à devoir débourser autant d’argent. "Mais où va-t-on? Ce prix-là, c’est deux fois mon loyer, qui me coûte chaque mois 700 euros. En plus, je suis seule avec enfant. Mon petit garçon a une reconnaissance handicap. Et je ne vais pas non plus demander un crédit et me mettre une corde autour du cou."

Pourtant, pour Iseline, passer son permis est plus que nécessaire. "J’en ai besoin, que ce soit pour trouver un emploi ou pour tous les rendez-vous médicaux de mon petit garçon. Pour l’instant, je suis obligée de tout faire en bus ou de demander de l’aide à mes parents. Pour mon évolution personnelle et ma fierté c’est nécessaire."


Le permis de conduire en tant que tel a été introduit en 1967. Mais il a considérablement évolué depuis sa création. La compétence, autrefois fédérale, est aujourd’hui dans les mains des Régions. Les formations, leurs prix et les étapes à franchir ont changé au fil des années. Certaines épreuves se sont ajoutées. En fonction de l’endroit où vous habitez, vous ne devrez pas toujours faire la même chose, ni payer la même somme.

Commençons par le commencement. Il faut tout d’abord connaitre les bases de la conduite, donc la théorie. Vous pouvez l’apprendre vous-mêmes, en ligne ou en achetant un livre spécialisé. Ce dernier coûte environ 25 euros. Mais vous pouvez aussi suivre des cours en auto-école. Les prix peuvent différer en fonction des établissements. Comptez à peu près 75 euros pour 12 heures de cours. Ensuite, place à l’épreuve théorique en tant que telle (15 euros, partout en Belgique). En cas d’échec, vous pouvez repasser une seconde fois l’examen. Si ça bloque encore, vous devrez suivre 12 heures de cours théoriques en auto-école, avant de réessayer.


Ensuite, les choses sérieuses commencent

En Wallonie, il existe trois manières de se former à la pratique. Le site monpermisdeconduire vous en donne les explications.

Il y a tout d’abord la filière libre, c’est-à-dire l’apprentissage avec un guide. Elle dure au minimum 3 mois, et au maximum 36 (c’est la durée de validité de ce type de permis provisoire). Depuis juillet 2018, le guide et l’apprenant ont un rendez-vous pédagogique. Il permet de les informer sur les enjeux liés à la conduite d’une voiture. Cette formation se déroule dans une école de conduite agréée, ou via un module d’apprentissage en ligne, organisé par l’AWSR, l’Agence wallonne pour la sécurité routière. Chacun (apprenant et guide) devra s’inscrire et payer 13,07 euros pour pouvoir suivre cette formation obligatoire. A la fin de celle-ci, chaque personne recevra une attestation individuelle, valable pendant 5 ans.

En filière libre, on demande au jeune conducteur de parcourir, avec son guide, environ 1.500 kilomètres. Ce n’est pas rien, mais c’est nécessaire pour apprendre. Il doit compléter un journal de bord à chaque trajet.

C’est comme une espèce de permis de conduire pratique, mais il est moins exigeant

Il y a aussi deux autres filières, qui cette fois-ci proposent un passage plus ou moins long par l’auto-école.

La filière auto-école classique demande à l’apprenant de suivre 20 heures de cours pratiques. Il devra ensuite passer un test de capacités techniques de conduite. Cette évaluation permettra de savoir s’il est ou non capable de rouler seul pour poursuivre son apprentissage. "C’est comme une espèce de permis de conduire pratique, mais il est moins exigeant, car on sait que l’élève est toujours en processus d’apprentissage", explique Mee Hwa Boulangé, porte-parole du Service Public de Wallonie (SPW) mobilité et infrastructures. Cela coûte 60 euros. Vous pouvez aussi passer cet examen en filière libre, après 3 mois d’apprentissage.

Enfin, il y a encore la filière dite d’accès direct. Le candidat doit suivre au total 30 heures d’auto-école. Il pourra ensuite passer son permis pratique.

Dans la capitale, les options ne sont pas exactement les mêmes. "A Bruxelles, depuis le 1er novembre 2018, il y a quatre filières possibles", détaille Camille Thiry, la porte-parole de Bruxelles Mobilité. "Il y a les deux filières classiques: la conduite accompagnée avec un guide, ou bien l’auto-école." Pour cette dernière, le jeune conducteur devra suivre 20 heures de cours puis rouler au minimum 3 mois seul. "Il y a à présent deux autres filières: une mixte, avec 14 heures d’auto-école et 6 mois avec un guide, et une filière express. Cela veut dire 30 heures d’auto-école, et on peut directement passer l’examen pratique." Les guides pourront là aussi suivre une formation particulière dans une école de conduite, durant les heures d’apprentissage du candidat.

Le prix des formations en auto-école, que ce soit en Wallonie ou à Bruxelles, varie très fortement. "Elles ont chacune des conditions très différentes", assure Camille Thiry. La porte-parole de Bruxelles Mobilité peut tout de même dresser une estimation: "En moyenne, les tarifs varient entre 50 et 60 euros par heure de cours pratique. Mais certaines auto-écoles font des forfaits." Le constat est le même en Wallonie. "Le prix, c’est plus ou moins 50 euros par heure", confirme Mee Hwa Boulangé. "Mais ça peut varier, car c’est un secteur assez concurrentiel, ça dépend des auto-écoles."

De manière générale, plus vous habitez dans une grande ville, plus les prix seront élevés, et peuvent tout à fait monter jusqu’à 1.500 euros. Généralement, les écoles de conduite proposent un tarif plus avantageux, un forfait, pour 20 heures de cours (par exemple 900 euros), ou une formule apprentissages théoriques et pratiques combinés. Chacune peut décider de ses prix. 


À Bruxelles, une formation obligatoire aux premiers secours

Pour passer le permis pratique, il faudra là aussi y mettre de sa poche. Chaque tentative coûte 36 euros. Cette somme est commune à tous les centres d’examens en Belgique. Mais il y a encore l’une ou l’autre étape à valider avant! Les apprenants bruxellois doivent suivre une formation aux premiers secours avant de pouvoir avancer dans leur apprentissage. "C’est une obligation", précise Camille Thiry. La formation se déroule en deux parties. La première se fait en ligne, et l’autre dans un centre de la Croix Rouge, dans le centre de la capitale. Cette formation est gratuite.


Le test de perception des risques, "Une condition sine qua non"

Autre étape à passer, et cette fois-ci tant en Wallonie qu’à Bruxelles: le test de perception des risques. Il se compose de cinq vidéos de 30 secondes chacune. "Il est obligatoire quand on souhaite pouvoir rouler seul sur la route, c’est une condition sine qua non", insiste Mee Hwa Boulangé, porte-parole du SPW. "Ça ne dure pas très longtemps, c’est une simulation sur ordinateur". Elle présente une situation de conduite classique. Après chaque vidéo, le candidat doit répondre à un questionnaire à choix multiples (4 propositions). Il doit identifier les dangers potentiels qu’il a repérés (un piéton qui traverse, une moto qui dépasse, etc.). Il peut y avoir une, deux ou trois réponses correctes sur les quatre propositions. Chaque mauvaise réponse coûte un point. Il faut avoir 6/10 pour réussir le test.

Ce test de perception des risques coûte 15 euros en Wallonie. Après deux essais infructueux, l’apprenant doit à nouveau suivre des cours en auto-école. Le coût de ce test est compris dans le prix du permis à Bruxelles (36 euros). Mais l’échec à une de ces deux épreuves oblige à redébourser 36 euros. Comme en Wallonie, après deux échecs consécutifs, il faudra repasser par la case auto-école. Un échec peut donc très rapidement coûter assez cher.

Après la réussite de toutes ces épreuves, et le permis pratique obtenu, il faudra encore sortir quelques billets de son portefeuille, pour pouvoir obtenir le précieux sésame auprès de sa commune. "La délivrance du permis de conduire donne lieu au paiement d’une redevance de 20 euros à laquelle peut s’ajouter une taxe communale", peut-on lire sur le site internet du SPF (service public fédéral) mobilité.


Bilan, une année après les nouvelles règles en Wallonie

Cela fait donc un peu plus d’un an que les nouvelles règles régionales sont d’application en Wallonie (depuis juillet 2018). C’est l’occasion, pour la porte-parole du SPW, Mee Hwa Boulangé, de dresser un premier bilan. "Les gens ont anticipé la régionalisation du permis pratique. Beaucoup de personnes se sont présentées au centre d’examens l’année dernière avant les nouvelles règles. Il y en a eu moins cette année", constate-t-elle. Celle-ci tient aussi à souligner que l’évaluation pratique a elle aussi changé, même si cela est moins visible. "Avant, on cotait surtout la faute technique. Par exemple, si la personne calait ou traversait un feu rouge, c’était une faute technique qui faisait rater l’examen pratique." A présent, le nouveau protocole est basé sur les analyses comportementales, laissées à l’appréciation de l’examinateur du centre de conduite. "Il va être plus nuancé. Si la personne cale, mais que c’est un petit calage comme ça peut arriver, il ne fera plus spécialement rater l’examen. Par contre, ça sera différent si la personne cale parce qu’elle a des difficultés au niveau de la gestion de sa boite d’embrayage."


Le CPAS peut couvrir entièrement le coût du permis de conduire

En fonction du choix de la filière, on le comprend, le prix à payer ne sera pas le même. Et il a tendance à augmenter ces dernières années, avec le rajout de nouvelles étapes. Ainsi, en Wallonie, avec le rendez-vous pédagogique et le test de perceptions des risques introduits l’année dernière, le prix moyen d’un apprentissage complet (théorique et pratique) en filière libre passe d’environ 76 euros à près de 120 euros. L’augmentation du prix se remarque aussi dans la formation avec auto-école.

Logiquement, tant en Wallonie qu’à Bruxelles, la filière libre reste la plus avantageuse. Mais il faut aussi songer aux frais annexes. "Il vaut mieux avoir une petite voiture, et donc parfois les parents doivent en payer une à leur enfant", explique Mee Hwa Boulangé du SPW mobilité et transports. Le fait de passer par l’auto-école offre plus de sécurité, grâce aux conseils donnés par un professionnel. De plus, vous n’utilisez pas un véhicule personnel mais bien celui de l’auto-école. A Bruxelles, la formule mixte (auto-école et guide) permet de trouver un prix intermédiaire et déjà plus accessible entre la filière libre et les cours uniquement dispensés en auto-école.

Même s’il est difficile d’établir un classement par prix de toutes les formules, vu les différences existantes entre les Régions et les prix des auto-écoles, le constat est là: passer son permis demande un investissement financier relativement important. Iseline, notre alerteuse, est donc toujours bloquée et ne sait pas encore ce qu’elle fera. "On m’a dit de me renseigner auprès du Cpas, mais on m’a bien dit que je ne serais pas prioritaire."

On collabore avec différents organismes du secteur

Nous avons contacté le CPAS de Rochefort. Ses membres confirment que les Cpas peuvent intervenir pour aider ceux qui en ont besoin à passer les différentes étapes du permis. "On offre des sessions entièrement gratuites pour le permis de conduire théorique. On collabore avec différents organismes du secteur", confirme Charlotte Aniset, assistante sociale au sein du service d’accompagnement social du CPAS de Rochefort. Les membres du CPAS peuvent même se rendre avec l’apprenant au centre d’examen.


Plusieurs critères sont analysés

Une intervention est également envisagée pour la formation pratique. "On peut entièrement assurer le coût du permis et des heures d’auto-école. Mais pour cela, la personne doit être bénéficiaire du revenu d’intégration", précise Charlotte Aniset. Il y a plusieurs critères, comme le fait d’être de nationalité belge, de résider en Belgique, d'avoir au moins 18 ans, d'être prêt à travailler, de ne plus avoir de ressources financières suffisantes ou encore d'avoir épuisé d’autres droits sociaux (comme des allocations de chômage par exemple). Tout le monde ne peut donc pas recevoir ce service.

Mais lorsque l’on remplit les critères pour bénéficier de cette aide du CPAS, il suffit de déposer sa demande lors d’une permanence. "Une assistante sociale va alors évaluer les conditions, et le dossier passera au conseil pour accepter ou non la demande." La démarche prend en moyenne 3 semaines. Bien entendu, l’assistante sociale du Cpas de Rochefort tient à le préciser: un cas n’est pas un autre. Chaque critère sera donc réévalué en fonction de la personne qui fait la demande d’aide. Voilà donc peut-être une issue possible pour Iseline, qui espère rapidement décrocher son permis.

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