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"Je suis dégoûtée": la maman de Joshua, atteint d'autisme, ne trouve pas d'école pour un projet d'intégration

Le projet d'intégration permet la mise en place d'un accompagnement (aménagements de certaines leçons, aide personnalisée d'un éducateur,...) pour un élève à besoins spécifiques dans l'enseignement ordinaire. Une maman ne parvient pas à l'obtenir pour son fils, touché par un autisme atypique. Le manque de moyens est invoqué par les écoles.

"Je suis complètement dégoûtée du manque de suivi de l'Etat concernant les mesures d'intégration passées récemment dans un décret", nous écrit Charlotte via le bouton orange Alertez-nous. Cette habitante de la région namuroise est maman d’un petit de garçon de 7 ans, Joshua. Ce dernier est atteint d’un autisme atypique, "une forme d’autisme légère", précise-t-elle. Comme les autres formes d'autisme, il est à ranger parmi les Troubles Envahissants du Développement (TED). Ceux-ci touchent les capacités de communication, les interactions sociales et le comportement de l’enfant. Joshua ne communique de fait pas de la même manière que les autres enfants. Il ne comprend pas le non-verbal (c’est-à-dire les gestes), ni même le second degré. Par ailleurs, il a des difficultés à évaluer la distance à respecter avec son interlocuteur. "Il a parfois tendance à être très envahissant avec les autres, à les serrer trop dans les bras ou à parler de trop près", nous expose Charlotte.

Hormis ces troubles du comportement, Joshua dispose de toutes ses capacités cognitives : "Les relations sociales sont un peu compliquées mais il n’a aucun retard mental (…). Il est même très intelligent", nous explique sa maman. Il peut faire beaucoup de bruit dans la classe et être très distrait, tout en ayant 90% dans toutes les matières scolaires : "Cela lui arrive de chanter ou d’être distrait en prêtant attention aux détails comme les cadres accrochés au mur", donne en exemple sa maman.

L'autisme atypique de Joshua a seulement été décelé au mois de mai dernier, certains tests ne pouvant pas se faire avant l'âge de 6 ans. Mais la mère soupçonnait déjà le handicap de son fils.

En Belgique, d’après une étude menée en 2016 par l’AVIQ, l’Agence pour une Vie de Qualité en charge de la gestion des handicaps, on compte 6 à 7 cas de TED pour 1000 personnes. Actuellement, il n’y a pas de de traitement curatif. Mais une prise en charge précoce et adaptée peut permettre d’atténuer les symptômes.

Les enfants atteint de TED peuvent bénéficier d'un enseignement spécialisé.

En Belgique, il existe 8 types différents d’enseignement spécialisé.

Chaque type d’enseignement correspond à une catégorie d’élèves:

1 pour arriération mentale légère ;
2 pour arriération mentale modérée ou sévère ;
3 pour troubles du comportement et/ou de la personnalité ;
4 pour déficiences physiques ;
5 pour maladies ou élèves convalescents ;
6 pour déficiences visuelles ;
7 pour déficiences auditives ;
8 pour troubles instrumentaux ;
9 pour les jeunes souffrant d’un trouble du spectre autistique, mais sans déficience intellectuelle.



Qu'est-ce qu'un projet d'intégration ?

Jusqu’à présent, Joshua n'est pas dans l'enseignement spécialisé. Il fréquente une école ordinaire. Mais, observant les difficultés de son fils et sous les conseils de son médecin, Charlotte a souhaité mettre en place cette année "un projet d’intégration" à l’école pour aider Joshua dans son apprentissage. Il peut s’agir d’aménagements mis en place par l’école de l’enseignement ordinaire ou d’une aide venant d’une école de l’enseignement spécialisé dans l’école de l’enseignement ordinaire. Cela signifie qu’un professeur ou un éducateur vient une à deux fois par semaine aider l’enfant à évoluer en classe. Par exemple, cet éducateur pourra faciliter la communication de l’enfant en apportant de supports visuels tels que des photos ou images pour illustrer les explications orales et les consignes du professeur. Il pourrait également informer l’élève de manière détaillée du déroulement de la semaine, de la journée, du cours, et lui expliquer les changements dans la routine.

Cette mesure d’intégration a été introduite en 2009. Elle a par la suite fait l’objet de plusieurs améliorations. La dernière permet de mettre en place une intégration permanente totale, c’est-à-dire que l'enfant n’est plus dépendant administrativement de l’école d’enseignement spécialisé qui lui vient en aide mais reste totalement dépendant de l’école ordinaire dans laquelle il se trouve. Ainsi, le certificat de fin d’année est délivré par l’école ordinaire.

Au total, 6.000 élèves ont pu bénéficié du projet d’intégration depuis son lancement. "Ça augmente chaque année, de manière exponentielle. Au moins 3 écoles sur 4 pratiquent cette intégration en communauté française", nous apprend Paul-André Leblanc, conseiller au Cabinet de la Ministre de l’Education.

L’école a refusé l’intégration car l'accompagnement prévu était insuffisant

L'école de Joshua a refusé le projet d'intégration proposé par Charlotte. La maman avait demandé à l’école de prendre une série de mesures qui permettrait à Joshua de participer et de progresser sur un pied d’égalité avec les autres élèves. Exemple: le nombre de calculs donnés par l’institutrice à Joshua. Face à une liste de 40 calculs, le garçon ne se sent pas capable de répondre. Ce qui n’est pas le cas s’il doit répondre à une succession de plus petites listes, de 10 calculs chacune, données les unes après les autres. "L’école me l’a refusé en disant que c’était du favoritisme", déplore Charlotte. Cette dernière souhaitait également que les autres élèves soient au courant du handicap de son fils afin qu’ils comprennent ses comportements. "On m’a répondu qu’ils n’étaient pas capable de comprendre à 7 ans", affirme-t-elle.

Nous avons contacté cette école pour connaître la raison de son refus. La directrice jugeait insuffisant le nombre d’heures (c’est-à-dire 4h) qu’un éducateur spécialisé allait accorder à Joshua. Pour elle, l’enfant avait besoin d’heures supplémentaires et d’une structure différente. Elle n’a pas voulu détailler davantage.

Je suis rongée par l'inquiétude et je suis pieds et poings liés à cause de cette lacune phénoménale de notre gouvernement

Charlotte s’est donc mise à chercher une autre école. L’école Notre-Dame de Philippeville a accepté, la directrice ayant également un enfant atteint du TED. Mais, à l'heure où nous écrivons ces quelques lignes, Charlotte n'a pu trouver une école de l’enseignement spécialisé de type 3 (c’est-à-dire une école spécialisée dans les troubles comportementaux) qui soutienne le projet d'intégration de Joshua à l'école Notre-Dame.  "Il n’en existe que deux de type 3 dans la région namuroise et aucune n’a accepté", regrette la Namuroise. D’après celle-ci, l’une a signalé qu’elle ne voulait pas mettre en place l’intégration estimant que ce projet ne fonctionnait pas. L’autre aurait déclaré ne pas avoir assez de professeurs pour aider Joshua. Ce dernier se retrouve donc actuellement sur liste d’attente.

Face à cette réalité, Charlotte déplore le manque de suivi de l’Etat pour mettre en place ce projet d’intégration jusqu’au bout. "Je suis rongée par l'inquiétude et je suis pieds et poings liés à cause de cette lacune phénoménale de notre gouvernement".

D'autres solutions ?

Nous avons joint Paul-André Leblanc, conseiller pour l’enseignement spécialisé du Cabinet de la Ministre de l'Education. Selon lui, plusieurs possibilités s’offrent encore à la Namuroise. Elle pourrait tout d’abord s’adresser à une école de l’enseignement spécialisée qui se trouve hors de sa région. Si la distance est trop longue entre l’école de l’enseignement spécialisé et celle de l’enseignement ordinaire, l’administration prévoit d’allouer un budget et des heures supplémentaires à une école de l’enseignement spécialisé plus éloignée pour prendre en charge l’enfant. C’est ce qu’on appelle la condition "longue distance". Ainsi, si Charlotte parvient à trouver une école de l’enseignement spécialisé de type 3 à Liège, un éducateur peut tout à fait venir à Namur pour soutenir l’enfant.

D’autres alternatives existent au sein même de la région de Charlotte. Cette dernière pourrait se tourner vers des écoles spécialisées de type 1 ou 8, si elles se sentent capables d’aider Joshua. "Il faut voir si l’école est capable de prendre en charge l’enfant mais cela est tout à fait possible", nous explique Paul-André Leblanc. Toutes ces écoles sont notamment répertoriées sur le site internet du réseau catholique (le SEGEC), le réseau d’enseignement dans lequel son fils est inscrit. De cette manière, la jeune femme pourra consulter la liste des écoles spécialisées dans sa région et choisir celles qui lui convient le mieux.

La maman de Joshua ne connaissait pas ces possibilités. Elle s’était déjà auparavant tournée vers les écoles d’enseignement spécialisé d’un autre type mais elle craint qu’elles ne conviennent pas suffisamment à son fils. Charlotte s'est ainsi renseignée auprès des écoles d'autres provinces comme celle de Namur, du Hainaut et de Liège. Toutefois, sa démarche a encore débouché sur un obstacle. "On m'a dit à Liège que personne ne ferait le déplacement". Désespérée, la maman a souhaité attendre janvier pour tenter à nouveau d'inscrire son fils. "J'ai abandonné car je suis épuisée par ces recherches. On est pas beaucoup aidé", nous a-t-elle communiqué. 

Néanmoins, il semblerait que Joshua se plaise dans sa nouvelle école. "Il va mieux et il y a une vrai entraide en classe. Les élèves sont fiers de lui", nous indique sa maman. Un nouvel environnement peut ainsi tout changer, en particulier lorsque les professeurs acceptent par avance d'accueillir des enfants qui ont besoin d'une aide supplémentaire.

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