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Amoma.com cesse brutalement ses activités, de nombreux Belges lésés: "J'ai perdu 600€ d'hôtel, mes vacances et l'Eurostar"

Comme souvent, les promotions trop belles pour être authentiques cachent quelque chose. Celles d'Amoma, une plateforme pourtant active depuis quelques années, ont mené finalement à la cessation brutales des activités de ce site web.

Plusieurs Belges ont perdu des centaines d'euros et de belles vacances ces derniers jours. En effet, Amoma.com, une plateforme de réservation d'hôtels en ligne, a "cessé ses activités" brutalement il y a quelques jours.

C'est ce qui est indiqué sur son site web, désormais limité à une seule page:

Le même message a été envoyé à tous les clients d'Amoma qui devaient partir prochainement: visiblement, le site avait gardé l'argent et ne l'avait pas donné aux hôtels. "Votre réservation va probablement est annulée par nos fournisseurs", prévient le site, injoignable.

"Le site a déclaré faillite ce week-end et les clients sont délaissés! Personne ne répond. J’ai perdu 600€! J’ai une preuve de paiement, de réservation aussi, mais l’hôtel ne veut rien savoir car ils disent que Amoma.com n’a jamais versé ce qu’ils ont reçu des clients! C’est une arnaque internationale!", nous a écrit Yoan via le bouton orange Alertez-nous. Ses vacances sont foutues. "Je devais partir ce mardi à Londres pour trois nuits, mais les hôtels sont devenus hors de prix, donc je ne pars plus. De plus, je perds le prix de l'Eurostar, soit deux fois 85€. Je suis très déçu, et j'en veux surtout à Amoma qui a coupé toute communication".

Même genre d'histoire pour Jonathan. "Je devais partir mardi mais je viens de recevoir un mail d’Amoma m'alertant de leur faillite et de contacter l'hôtel. Au final, l'hôtel n'a jamais reçu d'argent de leur part ! Je me retrouve sans hôtel, et avec 700 euros en moins", explique Jonathan.

Hélas, vous allez le voir, il y a très peu de chance pour nos témoins d'obtenir le moindre remboursement…

Un secteur chamboulé

Comme bien d'autres secteurs, celui de la réservation d'hôtel a été complètement chamboulé par la numérisation de notre société. Recherche, paiement: en quelques années, internet a tout changé, pour les hôtels comme pour les touristes.

Il y a bien longtemps, en effet, pour réserver un hôtel, on trouvait souvent ses coordonnées dans un guide, dans un magazine. Pas d'intermédiaire, pas de commission: le touriste payait directement à l'hôtelier. L'autre option, c'était de passer par une agence de voyage ou un tour-opérateur, qui se prenait une commission (allant parfois jusqu'à 20%), mais qui assurait une occupation importante de l'hôtel, surtout en période touristique.

Mais depuis une vingtaine d'années, les choses changent – même si les deux méthodes dont on vient de parler existent encore. De gros acteurs en ligne comme Booking et Expedia sont devenus incontournables: les touristes savent qu'ils y trouveront rapidement et facilement le plus grand choix d'hébergements par région/ville ; les hébergements savent que la plupart des internautes y trouveront leur référence ; des mécanismes de garanties assurent aux deux parties de s'y retrouver quoi qu'il arrive. En 2018, Booking et Expedia ont capté 73% des revenus cumulés des 10 plus grandes plateformes. Et ce grâce à un principe de commission, de 15% à la base (voir les détails) du côté de Booking.

Hélas, la manne financière que représentent les commissions payées par les hôtels a attiré des acteurs nettement moins sérieux. Amoma.com en faisait partie, et il a utilisé une méthode plus étrange: le recours à un grossiste, ce qui lui évite de devoir conclure des contrats avec chaque hôtel, facilitant largement la mise à disposition sans trop d'efforts.

Ces grossistes, on les appelle les Bed Banks (banques de lits) et Hotelbeds en fait partie. C'est avec cette entreprise qu'Amoma traitait, c'est un mastodonte du secteur et il prépaie des millions de lits, dans des milliers d'hôtels à travers le monde. Le but ? Les revendre vers différents canaux de réservation (voyage d'affaire, magazine, et parfois, des pseudo-agences de voyage en ligne comme Amoma), appliquant des algorithmes pour aider ces canaux à proposer le meilleur prix au meilleur moment, au meilleur client.

Amoma achète donc à très bons prix des nuitées dans des hôtels, puis les met à disposition sur des comparateurs aussi réputés que Trivago (un site qui recense tous les prix des plateformes de réservation en ligne pour un même hôtel). Pour attirer l'oeil du client face aux acteurs très connus que sont Booking et Expedia, les prix d'Amoma sont alors "cassés", avec de petites marges. Et ils deviennent même moins élevés que sur le propre site de l'hôtel, alors qu'un mastodonte comme Booking cherche toujours (et a même tenté d'imposer à un moment) une parité entre le prix "en direct" de l'hôtel, et le prix via son site de réservation.

Mon conseil ? Chercher et comparer des hôtels sur internet, mais réserver en direct auprès de l'hôtelier en demandant le meilleur tarif disponible

"Relation complexe"

Au final, les plus lésés sont souvent les hôtels. Car imaginez le nombre d'intermédiaires qui prennent leur commission, dans le cas d'une réservation comme celle que Yoan avait faite pour se rendre à Londres. On peut supposer qu'il y a Hotelbeds (le grossiste), Amoma (la plateforme de réservation) et même Trivago (le comparateur utilisé par Yoan).

"La distribution est devenue en effet de plus en plus opaque pour le consommateur et pour l'hôtelier aussi, qui parfois ne sait pas où vont ses chambres", nous a expliqué Rodolphe Van Weyenbergh, de la Brussels Hotel Association. "En effet, il y a des hôtels à Bruxelles qui revendent des chambres à des grossistes, qui sont normalement destinées au marché professionnel, pour être mises dans des packages d'agences de voyage, pour (des promos dans) des magazines, tout au long de l'année".

Mais parfois, "ces grossistes revendent ces chambres à des sites de réservation en ligne, qui les distribuent au grand public, parfois sur des marchés lointains. Il y a un intermédiaire qui se rajoute. Et là en effet, des questions se posent en matière de transparence des tarifs et de garanties".

Une "relation complexe", admet-il, mais qui permet d'augmenter le taux d'occupation des établissements qui en ont besoin. Désavantage: "Parfois, l'hôtelier ne sait pas d'où vient la chambre réservée, et parfois il n'a pas encore reçu l'argent". C'est le cas avec Yoan, qui a contacté l'hôtel suite au message d'Amoma.

Les conseils de ce professionnel de l'hôtellerie: "Chercher et comparer des hôtels sur internet, mais réserver en direct auprès de l'hôtelier en demandant le meilleur tarif disponible".

Que peuvent faire les personnes lésées ?

Une telle "cessation d'activité" d'une plateforme de réservation en ligne, ce n'est pas courant. "Il n'y a pas longtemps, il y a un autre opérateur de ce type qui a fait faillite, Travelbird. Malheureusement, dans cette situation, les consommateurs sont vraiment pris au piège", nous a expliqué Julie Frère, porte-parole de Test-Achat.

Il existe des recours, mais dans certains cas seulement. "Si on n'est pas dans le cadre d'un voyage organisé avec plusieurs prestations, comme l'hôtel et le transport, par exemple, on n'est pas protégé".

"Ce qu'il faut faire, alors, c'est prendre contact avec l'hôtelier pour voir si le paiement a déjà été fait à son niveau, donc s'il a déjà reçu l'argent". Ça, hélas, c'est foutu pour Yoan et les autres témoins qui nous ont contactés. "Et il faut aussi essayer du côté de la carte de crédit, aller sur macarte.be, pour contester la transaction et essayer de se faire rembourser".

Yoan l'a fait et attend encore des nouvelles de son organisme de carte de crédit. "Mais on m'a dit qu'en cas de faillite ou de cessation d'activité, c'était peu probable".

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