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Les clandestins apprennent à résister à la police migratoire américaine

Yoana a accueilli calmement les agents de la police migratoire américaine (ICE) quand ils ont sonné à sa porte. Lisant une fiche remise par une association de défense des sans-papiers, elle leur a dit qu'elle ne répondrait à aucune question, jusqu'à ce qu'ils s'en aillent.

"Je n'avais pas peur. Je connaissais mes droits", assure à l'AFP sous le couvert de l'anonymat cette Mexicaine de 36 ans qui travaille dans des vergers de Harrisburg, en Pennsylvanie (est).

Si elle a su comment réagir face à la police migratoire, c'est grâce aux efforts des défenseurs des droits humains qui trouvent de nouveaux moyens de s'opposer à la politique anti-immigration du président Donald Trump en informant les clandestins des droits que leur accordent les lois américaines, ou en filmant les arrestations.

Dénonçant une "invasion", M. Trump s'est engagé à accélérer le processus d'expulsion de "millions" de migrants arrivés aux Etats-Unis illégalement.

Accusée de mener des arrestations aléatoires et de terroriser les immigrants, la police migratoire a assuré en septembre dans une lettre ouverte que ses agents "font leur travail de façon professionnelle, avec humanité, et traitent ceux qu'ils rencontrent avec dignité et respect".

- "N'ouvrez pas la porte" -

En Géorgie (sud), la Latino Alliance for Human Rights a créé un groupe de "chasseurs d'agents de l'ICE" qui parcourent les quartiers peuplés d'immigrants tôt le matin, un moment souvent choisi par les agents de la police migratoire pour traquer les clandestins lorsqu'ils partent au travail.

"Si nous voyons un agent effectuer une arrestation, nous voulons la filmer et nous assurer que les droits civiques sont respectés", explique la directrice du groupe Adelina Nicholls.

"Les policiers se comportent de façon différente quand ils savent qu'ils sont observés et surveillés", renchérit Laura Williamson, du groupe Sanctuary DMV qui filme elle aussi les arrestations autour de Washington.

Selon un porte-parole de la police migratoire, Bryan Cox, les agents de l'ICE sont filmés "régulièrement" et l'agence fédérale "respecte pleinement les droits de chacun à exprimer ses opinions pacifiquement et sans ingérence".

Lors d'une réunion à Langley Park, dans la banlieue de Washington, un instructeur du groupe de défense des migrants CASA explique à une douzaine de sans-papiers comment réagir face aux forces de l'ordre.

Tout d'abord, "n'ouvrez pas la porte" si ce sont des agents de la police migratoire qui sonnent, leur dit-il.

Lidamar Escorcia, qui vit aux Etats-Unis légalement, décrit une atmosphère de peur dans le quartier où elle réside avec ses deux frères et soeurs qui, eux, sont sans papiers.

"On a toujours peur quand quelqu'un frappe à la porte", ajoute la jeune femme de 32 ans, originaire du Nicaragua.

Les défenseurs des migrants assurent qu'ils n'encouragent pas à faire obstruction aux agents ni à faire usage de violence. "Si les agents de l'ICE veulent arrêter quelqu'un, il y a de fortes chances qu'ils y parviennent", note Nick Katz, un conseiller juridique du groupe CASA.

- Confrontation -

La police migratoire se heurte parfois à des obstacles inattendus. En juillet, dans la banlieue de Nashville, dans le Tennessee (sud), lorsque des agents ont tenté d'arrêter un père et son fils alors qu'ils se trouvaient dans leur voiture, des voisins se sont immédiatement mobilisés pour leur permettre de ne pas sortir du véhicule.

Certains les ont nourris, d'autres sont allés chercher du carburant pour qu'ils puissent continuer à utiliser l'air conditionné sous la chaleur écrasante de l'été.

Au bout de plusieurs heures de confrontation, les agents de la police migratoire, qui ne disposaient pas de mandat d'arrêt, ont dû abandonner et les deux migrants se sont enfuis.

Les voisins "ont créé un environnement qui a permis à cette famille de tenir face aux agents", conclut Lisa Sherman-Nikolaus, du groupe Tennessee Immigrant & Refugee Rights Coalition.

Pour Nick Katz, le gouvernement de Donald Trump "fait tout ce qu'il peut pour effrayer" les migrants. "La réponse, c'est leur apprendre à connaître leurs droits".

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