Accueil Actu

Yalçin paie 500 euros d'acompte pour un traitement dentaire à Mons: deux ans plus tard, il est toujours sans nouvelle

Yalçin a 22 ans. Il y a deux ans cet étudiant de Soignies (Hainaut) s'est rendu chez un dentiste à Mons dans le but de recevoir un traitement. Il verse un acompte de 500 euros. Deux ans après le versement, toujours rien: pas de traitement et pas de remboursement. Une histoire qui ressemble de manière troublante à celle que Yasmina, une Montoise, a également vécue.

"J'ai payé un acompte de 500 euros pour un traitement jamais commencé." Yalçin nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d'une mésaventure qu'il qualifie "d'arnaque". Nous sommes en 2017, Yalçin a alors 20 ans. Complexé par sa dentition, ce jeune étudiant se renseigne sur les traitements existants pour y remédier. Il opte pour une formule populaire chez les adultes: le système Invisalign. C'est un dispositif "quasiment invisible" permettant d'aligner vos dents sur plusieurs mois. Pour ce faire, on utilise des 'gouttières' appelées aussi 'transparents' ou 'aligners'.


©Invisalign -Youtube/CentresDentairesLapointe

Michel Devriese est chargé des questions professionnelles à la Société de Médecine Dentaire (SMD). L'association a pour but principal de contribuer au progrès de la science odonto-stomatologique et au développement de la médecine dentaire. Il nous en dit plus: "Les gouttières vont être fabriquées par un système robotisé qui va simuler une modification de 15 jours en 15 jours. Les dents vont se déplacer petit à petit par des forces qui s'exercent peu à peu sur les dents." L'évolution dentaire est suivie de près par l'orthodontiste qui accompagne le traitement tout le long. "Le dentiste reste maître du traitement", rappelle Michel Devriese.

Un acompte de 500 euros versé

Septembre 2017. Le jeune étudiant se rend dans un établissement du nom de "Clinique dentaire de Mons" (à ne pas confondre avec le "Cabinet dentaire de Mons", nous a demandé de préciser la gérante de ce cabinet en aucun cas concerné par l'affaire que nous révélons ici). L'endroit offre la possibilité de traiter ses dents avec Invisalign. Lors du premier rendez-vous, l'orthodontiste, le Dr Liagre, pose un diagnostic et informe Yalçin qu'il n'y a pas de souci: il peut bénéficier du traitement par gouttières.

Un mois plus tard, second rendez-vous. Le dentiste prend des photos, radiographies et des scanners numériques pour pouvoir réaliser l'empreinte dentaire de Yalçin. Les enregistrements sont utilisés pour créer un plan de traitement fait sur mesure. En théorie, dans la foulée, une commande est passée chez la société Invisalign pour que les 'gouttières" soient fabriquées et envoyées au cabinet du praticien. A la fin de cette deuxième séance, Yalçin règle les honoraires classiques liés à la prestation. Le dentiste lui demande également de verser 500 euros d'acompte pour la commande des premières gouttières qui devraient arriver dans les semaines à venir. Yalçin s'acquitte de la somme. Il n'a plus qu'à patienter avant de pouvoir enfiler ses premiers 'transparents'.

"Le praticien doit délivrer un document justificatif"

Il le sait le traitement est onéreux. Au total, il devra débourser +/- 5000 euros sur une période s'étalant à environ 18 mois de traitement. Dans ce cas de figure, l'orthodontiste est totalement dans son droit en réclamant un acompte. Sandrine Bingen, de la cellule communication de l'Inami, informe: "La loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités prévoit bien que des acomptes puissent être perçus pour les prestations de santé à effectuer ou à fournir, dans les limites fixées par les conventions et accords." Le montant de chaque acompte demandé tient compte de l’évolution du traitement plus des coûts de matériel qui y sont liés. "Le traitement, les coûts de matériel qui sont liés et les acomptes sont convenus par consentement éclairé avec le patient. Un acompte reçu ne peut jamais dépasser 50 % du montant pour le traitement des 6 mois suivants", ajoute Sandrine Bingen. En revanche, "le praticien doit délivrer un document justificatif sur lequel figure l’objet de l’acompte reçu." Ce justificatif, Yalçin dit n'en avoir jamais vu la couleur. La seule preuve qu'il détient: un ticket prouvant une transaction de 500 euros avec le cabinet en question. Tout aurait été convenu à l'oral.


Yalçin s'impatiente

Mars 2018, soit cinq mois plus tard. L'étudiant est toujours sans nouvelle de ses premières 'gouttières' et commence à s'inquiéter de cette lenteur. Les délais moyens sont généralement d'un mois/un mois et demi entre la prise d'empreinte et la pose des premiers 'aligners'. Il joint par téléphone le cabinet du docteur Liagre une première fois pour savoir où en est la situation. Au bout du fil, on l'informe que la commande n'est pas encore arrivée mais qu'elle ne saurait tarder. Les semaines passent et toujours rien. Il re-contacte le cabinet qui lui fixe un rendez-vous fin mai 2018 précisant que d'ici là, les gouttières seront arrivées. Jour J. Yalçin se rend en train depuis Soignies au centre dentaire à Mons. Le dentiste lui fait savoir que les gouttières vont arriver dans la journée. "Je suis resté toute la journée sur Mons pour ne pas payer à nouveau le train vers Soignies", précise le jeune homme. Mais à la fin de la journée, toujours rien. Il rentre bredouille sur Soignies.

Des témoignages peu rassurants

Entre temps, Yalçin se rend sur la page Facebook du centre dentaire pour voir ce qu'il s'y dit. "Un peu tard", reconnaît-il. Et là, surprise. De nombreux témoignages relatent ce qu'il vit. "Je me suis rendue à la clinique dentaire de Mons en octobre 2017 pour débuter un traitement Invisalign. Après avoir pris les empreintes et payé un acompte de 500€, je n'ai plus reçu aucun signe de vie de la clinique", lâche une internaute.

Un autre enchaîne "Attention, ARNAQUE ! On vous fait payer un acompte de 500 euros pour débuter un traitement Invisalign. Une fois l'argent versé, vous n'avez plus aucune nouvelle du dentiste."


Je n'ai plus beaucoup d'espoir

Au récit de Yalcin et aux témoignages à charge sur la page Facebook, se rajoute celui de Yasmina, une habitante de Frameries. Elle nous raconte s'être rendue en 2016 dans ce même cabinet dentaire. A l'origine, elle se rend pour se faire soigner une carie, dit-elle. Mais "durant mon rendez-vous, le dentiste m'a fait savoir que j'avais un problème d'alignement dentaire. Je ne l'avais jamais remarqué." Pour éviter une opération, le dentiste lui propose le traitement Invisalign. "J'ai dit ok, on y va". Quelques radiographies et analyses plus tard et après avoir versé 500 euros d'acompte, Yasmina se retrouve sans nouvelle. "Je ne compte pas les nombreux  appels téléphoniques restés sans suites et je suis même allée sur place mais en vain." Aujourd'hui, trois ans plus tard, Yasmina a baissé les bras. "J'en ai marre", souffle-t-elle. "Mes mails, mes appels ne servent à rien. Je n'ai plus beaucoup d'espoir." En juin, soit il y a 4 mois seulement, le dentiste lui aurait sollicité son numéro de compte bancaire pour le remboursement. Mais toujours aucune nouvelle.

Comme un aveu

Après son passage sur la page Facebook, c'en est trop pour Yalçin. L'étudiant décide de prendre les choses en main et de contacter lui-même la société Invisalign et voir où en est la fabrication de sa commande. La société américaine l'informe ni plus ni moins qu'en avril 2018, leur collaboration avec l'orthodontiste de Yalçin a cessé, sans donner plus d'explication. Le service clientèle précise: " Après vérification dans notre système, je ne vois pas de commande active sur votre dossier. Il n'y a pas eu de fabrication de gouttières de notre côté."

Fort de cette information capitale, il contacte à nouveau le cabinet dentaire. Dans un premier temps, il fait mine de ne pas savoir qu'Invisalign a cessé la collaboration avec le cabinet. "Ne vous inquiétez, vos gouttières vont arriver d'ici peu", lui aurait-on dit, une fois de plus. Moment choisi par Yalçin pour lâcher la bombe. "Invisalign ne travaille plus avec vous." Il demande le remboursement immédiat des 500 euros. "La secrétaire m'a dit d'envoyer un mail avec mon numéro de compte en banque pour être remboursé, ce que j'ai fait". Mais depuis, comme pour Yasmina, toujours rien.

Depuis un an et ce dernier mail envoyé, Yalçin est dans l'impasse et ne sait plus à quel saint se vouer. En juillet 2017, il a envoyé par recommandé une mise en demeure au cabinet sommant le remboursement, mais toujours aucune réaction.

Un temps, il a songé à la voie judiciaire mais la piste est rapidement abandonnée. "Je suis étudiant et je n'ai pas les moyens de me payer un avocat et d'entamer des démarches judiciaires", explique-t-il. Il s'est alors dirigé vers l'Ordre des médecins pour signaler les agissements du praticien, mais "ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas donner suite à mon courrier car les orthodontistes ne font pas partie de l’Ordre des Médecins."

> "Il y a urgence": pourquoi n'existe-t-il pas d'Ordre des dentistes en Belgique?


"Je ne savais pas que ça existait"

Pourtant, il existe un organisme peu connu du grand public. Yalçin pourrait se tourner vers le Service de Médiation fédéral des Droits du patient. Vinciane Charlier est la porte–parole du SPF Santé Publique dont dépend le service. Elle explique: "Le but de la médiation est d'éviter la plainte en faisant de la prévention. Le service de médiation ne prend pas parti. Il écoute le patient, il écoute le praticien." Si les parties n’arrivent pas à une solution, le médiateur informe le plaignant à propos d’autres possibilités existantes pour la prise en charge de sa demande, indique le SPF.

Dans les autres possibilités, il existe la voie judiciaire mais aussi la Commission médicale provinciale (CMP) dans certains cas précis. "Il peut arriver que le service médiation informe le patient de l’existence des commissions médicales provinciales. Soit parce que la demande/plainte du patient cadre justement avec une demande de contrôle, soit parce que la médiation n’a pas abouti à un résultat satisfaisant et que le patient cherche une autre alternative de gestion de plainte", fait savoir Vinciane Charlier. C’est alors le patient lui-même qui décide ou non de s’adresser à la CMP. Cette dernière peut suspendre ou limiter provisoirement l’accès à une profession des soins de santé.

Le cabinet reste muet

En attendant, Yalçin ne perd pas espoir et compte toujours récupérer ses 500 euros. Il ignorait l'existence du Service de Médiation fédéral des Droits du patient jusqu'à aujourd'hui. "Lorsque je me suis renseigné, je suis tombé sur l’Ordre des Médecins et je pensais que c’était la seule 'association' qui aidait les patients", nous avait-il dit lorsque nous le lui avions appris. Il a pris contact avec le service, lequel l'a informé qu'une médiation serait entamée dans le but de trouver un terrain d'entente avec le cabinet. 

De notre côté, nous avons tenté de joindre le cabinet du dentiste incriminé à de nombreuses reprises durant de longues semaines. Le secrétariat nous a informés que le dentiste était soit en consultation soit absent, nous invitant à envoyer un mail. Chose que nous avons fait. Notre missive est restée sans réponse. Quant à nos appels suivants, ils semblent encore et toujours être tombés aux mauvais moments.

À lire aussi

Sélectionné pour vous