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Le Nobel de médecine couronne la recherche sur l'adaptation du corps au manque d'oxygène

Les caprices d'O2 : le prix de médecine a ouvert lundi la saison Nobel en consacrant deux Américains et un Britannique auteurs de découvertes sur l'adaptation des cellules au manque d'oxygène, qui ouvrent des perspectives prometteuses dans le traitement du cancer et de l'anémie.

Cette nouvelle édition des prestigieuses récompenses dans les six disciplines honorées culminera avec la littérature jeudi, pour laquelle seront dévoilés deux lauréats au titre des années 2018 et 2019, et le prix de la paix décerné vendredi à Oslo.

En médecine, les chercheurs américains William Kaelin et Gregg Semenza et leur collègue britannique Sir Peter Ratcliffe, distingués conjointement, se partageront 9 millions de couronnes (830.000 euros).

"L'importance fondamentale de l'oxygène est connue depuis des siècles", mais "le processus d'adaptation des cellules aux variations de niveau d'oxygène est longtemps resté un mystère", a expliqué l'Assemblée Nobel de l'Institut Karolinska à Stockholm, qui avait reçu 633 nominations cette année.

L'oxygène est évidemment central dans la vie, et il est donc la clé de nombreuses maladies humaines, comme l'anémie (quand le corps ne produit pas assez de globules rouges, qui transportent l'oxygène dans les organes), les maladies cardiovasculaires, ou les cancers dont les tumeurs consomment des quantités massives d'oxygène.

"D'intenses efforts dans les laboratoires universitaires et les entreprises pharmaceutiques se concentrent maintenant sur le développement de médicaments capables d'interférer à différents stades d'une pathologie, en activant ou en bloquant le mécanisme de captation de l'oxygène", selon le jury Nobel.

"Des milliards et des milliards de cellules fonctionnent et reçoivent exactement la bonne dose d'oxygène nécessaire. Le système que nous avons découvert est le mécanisme moléculaire de tout cela", a expliqué à l'AFP Gregg Semenza, 63 ans, directeur de la recherche vasculaire à l'université américaine Johns Hopkins à Baltimore, qui comme l'autre récompensé américain a reçu le coup de fil de Stockholm avant l'aube aux Etats-Unis.

- Anémie et cancer -

William Kaelin, 61 ans, travaille au Dana-Farber Cancer Institute à Boston et est professeur à Harvard. Anobli en 2014 par la reine Elisabeth, Ratcliffe, 65 ans, est directeur de la recherche clinique au Francis Crick Institute de Londres et du Target Discovery Institute d'Oxford.

Le Nobel récompense la découverte du mécanisme moléculaire qui permet aux cellules de s'adapter à un manque d'oxygène (hypoxie), nommé le facteur induit par l'hypoxie ou "HIF".

En cas de manque d'oxygène, "l'organisme fabrique une hormone appelée EPO. La grande question, c'était de savoir comment les cellules étaient capables de sentir qu'elles n'avaient pas assez d'oxygène pour que l'organisme produise de l'EPO. Ce sont les travaux de ces chercheurs qui ont permis de le comprendre", explique à l'AFP Olivier Hermine, médecin et chercheur à l'Institut Necker enfants malades (CNRS/Université Paris Descartes/Inserm).

Le but est de développer des médicaments qui activent ou inhibent ces mécanismes, en fonction de l'objectif.

Pour les personnes dont on veut doper la production d'EPO, comme les personnes souffrant d'anémie, ces médicaments visent à faire croire à l'organisme qu'il se trouve au sommet de l'Everest. Cette voie est la plus avancée: Gregg Semenza a évoqué lundi l'autorisation de médicaments d'ici un an aux Etats-Unis.

"Le patient prendra un comprimé, le corps croira qu'il est en haute altitude et se mettra à produire plus de globules rouges", a expliqué William Kaelin lors d'une conférence de presse.

Et pour les personnes qui ont un cancer, l'idée est inverse: on veut inhiber le mécanisme afin de ralentir les cellules cancéreuses et empêcher les métastases.

Depuis son bureau à Oxford, Peter Ratcliffe a expliqué que "comme pour presque toute découverte scientifique, ses conséquences émergent plus tard. Nous n'avons pas vraiment envisagé l'importance du spectre de ce système quand on a commencé à travailler dessus", a-t-il déclaré sur nobelprize.org.

"Le problème du prix Nobel est qu'il est toujours remis à des scientifiques plus âgés, ce qui donne l'impression aux gens que la recherche est faite par des vieux", a dit à l'AFP Gregg Semenza. "Mais ce n'est pas le cas, nous étions jeunes quand nous avons fait nos découvertes"... en 1995.

La saison Nobel se poursuivra mardi avec la physique, puis la chimie mercredi.

Jeudi, l'Académie suédoise décernera deux prix de littérature, l'un pour 2018, l'autre pour 2019, après qu'un scandale d'agression sexuelle et des guerres intestines l'eurent contrainte de reporter l'attribution du prix l'an dernier.

Le prestigieux Nobel de la paix sera décerné vendredi à Oslo. Les bookmakers ont pour favorite la jeune Suédoise Greta Thunberg, symbole de la lutte des jeunes contre le dérèglement climatique.

Le prix d'économie clôturera la saison lundi 14 octobre.

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