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Karine Tuil lauréate du prix Interallié

La romancière Karine Tuil a remporté mercredi le prix Interallié pour "Les choses humaines" (Gallimard), puissant roman autour d'une affaire de viol qui nous parle aussi de domination, des faux-semblants et du culte de la performance.

Le roman, le 11e de l'écrivaine, a figuré dans les sélections du Goncourt et du Femina et est en lice pour le Goncourt des lycéens qui sera décerné jeudi.

Sorti en août le roman s'est déjà écoulé à 34.000 exemplaires selon des données de GfK citées par le magazine professionnel Livres Hebdo. Elle a été récompensée par un jury exclusivement masculin.

Elle était en lice face à Bruno de Cessole ("L'île du dernier homme", Albin Michel) et Olivier Frébourg ("Où vont les fils?", Mercure de France).

Il est question de sexe, de pouvoir et de médias dans "Les choses humaines". Alexandre, le fils brillant d'une famille en vue (Jean, le père, est un journaliste vedette de la télé, sa mère Claire est une essayiste féministe reconnue) est accusé de viol. Karine Tuil nous présente les faits sans fioritures et nous fait suivre de bout en bout le procès d'Alexandre.

Le lecteur se retrouve dans la peau d'un juré de cour d'assises. L'écrivaine laisse chacun de ses lecteurs se positionner avec son âme et conscience et prendre le temps de la réflexion.

"J'ai commencé à travailler sur ce sujet en 2016, bien avant #MeToo et l'affaire Weinstein parce que c'est un sujet qui fait appel à des ressorts intimes, on n'écrit pas par hasard sur les agressions sexuelles", confiait la romancière rencontrée récemment par un journaliste de l'AFP.

"J'ai une fascination pour les grands enjeux de société. Ça vient de ma formation de juriste. Les grandes questions politiques, morales, éthiques qui sont soulevées dans notre société m'influencent car je considère que le roman est le lieu du questionnement", ajoutait-elle.

- "La complexité du monde" -

Karine Tuil, 47 ans, aime décrypter ce qu'elle appelle "la complexité du monde". Son terreau romanesque est le réel.

"Le roman est pour moi un objet de tâtonnement et de connaissance, d'exploration finalement. Avec le roman, j'essaye de comprendre la réalité telle qu'elle nous est donnée", soulignait la romancière au cours de son entretien avec l'AFP.

Au fil de son œuvre ("L'invention de nos vies", "L'insouciance"...), la romancière décrit comme personne les enjeux de pouvoir. Elle révèle les faux-semblants qui obscurcissent le réel (le père d'Alexandre ne vit plus avec Claire, collectionne les jeunes conquêtes, mais aime en fait une femme de son âge, Claire est féministe mais trouve des circonstances atténuantes à son fils...). La romancière n'hésite pas à embrasser de nombreux sujets. Il est ainsi question de la tuerie antisémite de Toulouse par Mohamed Merah. La victime d'Alexandre, Mila, a échappé au tueur dans la cour de son école toulousaine...

Accusé de viol et reconnu coupable, Alexandre s'en sortira plutôt bien.

"Un procès raconte la société d'aujourd'hui mais aussi la tension des rapports sociaux. Selon votre place sociale, vous n'allez pas être jugé de la même façon", résume Karine Tuil, qui revendique un rôle de "témoin et observatrice" de son temps.

L'an dernier, le prix avait été décerné à Thomas B. Reverdy pour "L'hiver du mécontentement" (Flammarion).

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