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Avec Jeanine Añez à la tête de la Bolivie, "la Bible retourne au Palais"

C'est avec deux exemplaires de la Bible à la main et sous les "Gloire à Dieu!" que la sénatrice de droite Jeanine Añez a pris ses fonctions à la présidence par intérim de la Bolivie, mettant en évidence la poussée des chrétiens sur la scène politique de ce pays d'Amérique du Sud.

"Dieu a permis que la Bible retourne au Palais. Qu'Il nous bénisse!", s'est exclamée Jeanine Añez alors qu'elle franchissait mardi les portes du palais présidentiel à La Paz, remplaçant Evo Morales qui avait annoncé sa démission deux jours plus tôt.

Ceinte de l'écharpe présidentielle, Mme Añez est ensuite allée saluer la foule depuis le balcon avec, en main, une autre Bible, légèrement plus petite celle-là.

Jusqu'à l'arrivée au pouvoir en 2006 d'Evo Morales, premier président indigène de Bolivie, l'usage voulait que les fonctionnaires et responsables gouvernementaux prennent leurs fonctions en jurant sur la Bible "pour Dieu et la Patrie", puis qu'ils se signent.

Mais Evo Morales, admirateur du révolutionnaire argentino-cubain Ernesto "Che" Guevara et athée, a mis fin à ce rituel dans un pays où 74,9% des habitants se disent catholiques et 17,9% évangéliques, selon un sondage du quotidien Pagina Siete.

Evo Morales n'a jamais caché son aversion envers le christianisme, qu'il a accusé d'avoir encouragé les massacres d'indigènes à l'époque où la Bolivie était une colonie espagnole.

Et la Constitution adoptée en 2009 a fait de la Bolivie un Etat laïc.

Depuis, la prestation de serment dans la fonction publique s'en est trouvée bouleversée. Bien qu'aucunement forcés de s'y plier, les nouveaux fonctionnaires ont pris l'habitude de jurer de servir leur pays en levant le poing gauche et en posant la main droite sur le coeur. Dieu n'est plus évoqué.

- "J'y vais avec ma foi" -

Mais le départ d'Evo Morales après la présidentielle controversée du 20 octobre, qui a vu l'opposition dénoncer une "fraude électorale", la Bible a fait un retour remarqué dans l'arène politique.

Le leader régional Luis Fernando Camacho, le plus radical de l'opposition bolivienne, s'est ainsi lancé après le vote dans une croisade anti-Morales en annonçant qu'il se rendrait à La Paz au palais présidentiel les Saintes Ecritures en main pour en déloger Evo Morales, qui s'était proclamé gagnant du scrutin.

"J'y vais sans armes. J'y vais avec ma foi et mon espérance, avec une Bible dans la main droite et sa lettre de démission (de Morales, ndlr) dans la main gauche", a lancé M. Camacho lors d'une réunion politique le 4 novembre au pied de l'imposante statue du Christ rédempteur de Santa Cruz, dans le centre de la Bolivie. Une rhétorique et une symbolique révélatrices du poids qu'ont eu les chrétiens dans la présidentielle.

Le verbe haut et la parole radicale, Luis Fernando Camacho a joué un rôle fondamental dans le départ d'Evo Morales, en incitant ses compatriotes à manifester. Des manifestations parfois très violentes ont eu lieu, suivies d'une mutinerie dans la police contre le président et enfin du lâchage par l'armée, qui a tout fait basculer.

Mais ce scrutin a aussi été l'occasion d'évaluer la force politique qu'ont gagnée les chrétiens évangéliques, à l'aune du résultat du candidat Chi Hyun Chung, un pasteur présbytérien d'origine coréenne.

Farouche opposant à l'avortement, extrême dans ses propos sur les homosexuels, le candidat du Parti démocrate-chrétien a obtenu 8,8% des suffrages exprimés, le plaçant en troisième position derrière Evo Morales et l'ancien président centriste Carlos Mesa.

A en croire le politologue César Cabrera, Chi Hyun Chung, l'"outsider", a su capter le vote sanction mais aussi une certaine jeunesse désabusée. Un vote qui révèle combien certains Boliviens sont "conservateurs et machistes", juge-t-il.

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