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Comment récupérer les 19 millions € touchés par les ex-patrons de Nethys? D’autres dirigeants publics perçoivent-ils des sommes détournées?

C’est le chiffre qui a choqué cette semaine : 18,6 millions d’euros versés aux anciens managers de Nethys… Stéphane Moreau en récolte à lui seul 11,6 millions d’euros, les 3 autres (Pol Heyse, Bénédicte Bayer, Diego Aquilin) se “contentant” du solde. 

Le gouvernement wallon peut-il annuler cette opération et récupérer l’argent versé? Le ministre wallon des Pouvoirs locaux, Pierre-Yves Dermagne (PS), a chargé l’administration d’enquêter sur cette possibilité. Aurait-on pu éviter ces versements et intervenir plus tôt ? 

"Ce qu’on constate, c’est que Monsieur Moreau et les autres ont trouvé des mécanismes pour éviter de devoir appliquer la loi. C’est de l’association de malfaiteurs. J’ai même le sentiment qu’on n’est pas loin de l’abus de biens sociaux. Une instruction pénale est en cours", a répondu Jean-Paul Wahl, le chef de groupe au Parlement wallon (MR).

"C’est le scandale le plus choquant que la Wallonie n’ait jamais connu", a déclaré de son côté Benoît Dispa, député wallon cdH. "Il faudra un examen de conscience collectif à têtes reposées pour refaire l’histoire. On parle de Stéphane Moreau, mais c’est le fruit d’un système mafieux. Il faut regretter une certaine forme de naïveté. (…) Nous aurions pu empêcher les versements de 19 millions d’euros si le gouvernement wallon avait accepté d’entendre la proposition de l’opposition pour désigner un commissaire spécial, quelques jours avant."

La force de Stéphane Moreau est de s'entourer d'une armada d'avocats

Aujourd’hui, le gouvernement wallon travaille avec méthode pour tenter de récupérer cet argent. Il y a tout d'abord eu la mise à l’instruction du dossier. "La volonté est d’aller au bout", assure Patrick Prévot, le député fédéral (PS). "Il y a au-delà de la mise à l’instruction, des actes d’annulation. Il y a aussi le volet indemnité, pour que ces gens puissent rendre les montants indûment perçus. Et enfin il y a eu la constitution comme partie civile de la part du gouvernement. (...) Quand on dit que Stéphane Moreau est plus fort que le gouvernement mais, seul, il n’aurait pas tenu cinq minutes. Sa force est de s’entourer d’une armada d’avocats."

L'administrateur d'Enodia, Damien Robert (PTB), a répondu que "ce n’est pas parce qu’on s’entoure d’avocats, qu’on fait les choses dans la légalité. Ici, il y avait une volonté de prendre les 18 millions sans respecter la légalité. Dans le décret dit de 'bonne gouvernance', il est dit clairement qu’il est interdit d’intervenir comme indépendant, comme dirigeant d’entreprise publique. Hors Stéphane Moreau depuis le début, depuis 2008, agit comme indépendant. Ce décret dit aussi qu’on ne peut pas faire de versements via une société de management. Hors tous les versements ont été faits via une société de management…"

Y-a-il d’autres managers publics qui touchent des sommes détournées ?

"Si c’est le cas, ils peuvent tout doucement commencer à s’inquiéter car le gouvernement wallon a la volonté de faire la transparence auprès de ses organismes", a prévenu Patrick Prévot, le député fédéral (PS), sur le plateau de l'émission C'est pas tous les jours dimanche.

Nethys n'est en effet pas la seule à avoir joué avec le plafond salarial. Le Soir, qui révélait cette semaine les montants exorbitants touchés par les dirigeants du groupe liégeois, s'est intéressé à d'autres sociétés wallonnes.

Deux décrets "gouvernance" régissent les salaires de patrons du secteur public. Le premier, entré en vigueur en mai 2018, plafonne les rémunérations dans les intercommunales et leurs filiales à 245.000 euros par an. Le second fixe les mêmes règles pour les unités d'administration publique comme Liège Airport ou la SRIW. Il est entré en vigueur le 1er juillet. A Liège Airport, le président du conseil d'administration avait proposé en juin 2018 de permettre au CEO Luc Partoune de bénéficier d'indemnités compensatoires pour la perte de salaire (son salaire excédait 420.000 euros). Mais le projet a été recalé par le gouvernement wallon et le CA. Le patron a donc vu son salaire ramené dans les limites du décret, sans compensation. Il a néanmoins décidé de contester la décision devant le tribunal. Jean-Sébastien Belle, président de l'Invest Mons Borinage, était lui aussi au-dessus du plafond (salaire de 390.000 euros). Il assure avoir accepté de réduire son salaire, comme la directrice Sylvie Creteur.

Le Soir a néanmoins mis le doigt sur une opération de "rattrapage d'épargne-pension" réalisée une semaine avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles. M. Belle aurait touché 450.000 euros, mais aurait récemment décidé d'y renoncer. Le Soir revient aussi sur le cas d'Alain Palmans, directeur général de la Compagnie intercommunale liégeoise des Eaux (CILE), dont Sudpresse avait révélé le sauvetage par les administrateurs. Il a touché une compensation sous la forme d'une prime unique sur son assurance-groupe qui a ensuite été clôturée. D'autres personnalités ont décidé d'accepter de réduire leur salaire sans faire d'histoires. C'est le cas de Fernand Grifnée, patron d'Ores ou de Claude Grégoire (Socofe).

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