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Rennes, place forte d'une cyberdéfense en expansion

Avec 3.400 emplois directs, 70 entreprises privées et le siège du commandement militaire de la cyberdéfense (Comcyber), la métropole rennaise est devenue un haut-lieu de la cybersécurité en France, une situation héritée du gaullisme, dans un secteur en plein développement.

A la fin des années 1960, le pouvoir souhaite implanter le Centre d'électronique de l'armement (Celar) en province. "Deux villes étaient en balance, Rennes/Bruz et Grenoble, Rennes l'emportant semble-t-il à la dernière minute", dans une région où avait été implanté le Centre national d'études des télécommunications (Cnet) à Lannion, explique Pierre-Arnaud Borrelly, délégué-général du Pôle d'excellence cyber (PEC).

Cette structure initiée en 2014 par le ministère des Armées et le Conseil régional de Bretagne associe acteurs civils et militaires, publics et privés, académiques et industriels, pour développer la filière (formation, recherche, rayonnement économique).

Par l'entremise du Celar devenu en 2009 DGA-MI (Direction générale de l'armement, maitrise de l'information), l'armée n'a cessé de développer ses activités cyber dans la capitale bretonne, à mesure que le sujet prenait de l'ampleur dans les années 2010.

Et en octobre, le commandement militaire de la cyberdéfense a inauguré à Rennes le premier bâtiment entièrement dédié à la conduite de ses opérations dans le cyberespace. "D'ici 2025, nous aurons une armée de 4.000 cybercombattants, soit 1.000 de plus qu'aujourd'hui. Sur ce millier de recrutements, 800 seront opérés dans le bassin rennais", a ainsi expliqué la ministre des Armées Florence Parly.

Dans les stands de "L'European cyber week" organisée ce mois-ci, beaucoup d'acteurs du secteur estimaient que Rennes devient au cyber ce que Toulouse est pour l'aéronautique, dans une métropole bretonne qui a inventé le Minitel (1980) et où l'armée a implanté en 2005 le musée des transmissions.

L'inauguration du Comcyber "montre un peu plus que c'est là où ça se passe désormais", note ainsi Frédéric Julhes, directeur d'Airbus Cybersecurity France, soulignant que le géant de l'aéronautique "avait déjà planté le drapeau" à Rennes en juin avec l'ouverture d'un centre d'excellence.

- Effet "boule de neige" -

Un autre poids lourd du secteur, Thales, a lui aussi tissé sa toile dans l'Ouest, avec l'inauguration ce mois-ci d'un nouveau site spécialisé en cyberdéfense, nommé "La Ruche", avec des projets notamment dans le domaine de la cybersécurité aérienne. "La Bretagne est une terre d'innovation dans le domaine des technologies numériques depuis très longtemps", rappelle Pierre Jeanne, vice-président des technologies et solutions en cybersécurité.

"Dès que vous faites un produit, une solution, un système, il va être testé par les équipes à Bruz au sein de la DGA-MI, c'est vraiment le cœur qui a attiré le reste", dit-il, pointant également le rôle joué par le Breton Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de la Défense, dans la création du PEC.

Dans un domaine en perpétuelle évolution, l'accent est également mis sur la formation des "cybercombattants" de demain alors que les attaques informatiques font les gros titres, comme celle ayant touché le CHU de Rouen mi-novembre. "Une étude mondiale montre qu'en 2022, il manquera deux millions d'experts en cybersécurité, car il y a de plus en plus d'offres digitales, mais on ne forme pas assez vite d'experts pour les protéger", relève M. Julhes.

Ce sont ainsi 90 doctorants qui réalisent une thèse liée à ce sujet tandis que plus d'une centaine d'étudiants sont en master dans des formations spécialisées en cybersécurité. Et à la rentrée 2020, une "CyberSchool" proposera aux étudiants un programme interdisciplinaire "dans les domaines fondamentaux et émergents de la cybersécurité" avec l'objectif "d'atteindre un effectif de 580 étudiants".

Jean-Marc Jézéquel, à la tête de l'Irisa, l'un des plus importants laboratoires français de recherche en informatique, évoque lui "un effet boule de neige".

Les professionnels du secteur "ont besoin de personnel bien formé, ingénieurs et chercheurs, et voyant cet écosystème très riche, les entreprises, dont une ribambelle de start-ups, viennent s'installer", explique-t-il, notant également que "l'ANSSI (Agence nationale de sécurité des systèmes d’information) a décidé de délocaliser une partie de ses activités en mettant 250 personnes à l'horizon 2025 sur le bassin rennais".

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