Accueil Actu

Féminicides: voici ce qu'il faut améliorer, selon Vincent Macq, procureur du Roi à Namur

Hier soir, après le meurtre d'une femme sous les coups de son compagnon à Assesse, le procureur du Roi de Namur, Vincent Macq, a exprimé son indignation. Ce type de réaction forte reste assez rare de la part d'un procureur du Roi. Aujourd'hui, le 23ème féminicide de l'année 2019 est encore un féminicide de trop. Vincent Macq répond aux questions d'Alix Battard sur le plateau du RTL Info Bienvenue.


Alix Battard : Cette fois c'est trop ? En tant que professionnel de la justice, vous êtes particulièrement touché par ces drames qui se répètent ?

Vincent Macq : À chaque fois, on se remet en question, on se demande ce qu'on n'a pas fait, ce qu'on a loupé. On a un rôle de protection envers la société. Chaque événement comme celui-là nous remet en question, oui.

A.B. : Hier dans une conférence de presse, vous avez déploré "un manque criant de moyens pour accompagner les victimes". On n'en fait pas assez aujourd'hui pour soutenir ces femmes ?

V.M. : Comme je l'ai dit, le job a été fait. On a affaire à une personne qui est passée par la case prison : lorsque le juge décide qu'il peut sortir de prison, c'est en accompagnement de mesures alternatives. Je dirais qu'au niveau judiciaire, on a fait ce qu'il fallait. La prison ne résout pas tout, et dans ce genre de cas, il faut travailler avec la victime aussi. On a affaire à des victimes qui sont sous emprise de leur bourreau. On peut mettre ce bourreau en prison, mais à un moment il va sortir, et l'emprise qu'il a sur la victime pourra à nouveau s'exercer. On doit parler de la justice, parce qu'elle peut évidemment s'améliorer, mais la justice seule n'est pas suffisamment efficace dans cette lutte-là.

A.B. : Où est la priorité, alors ? Plus de sévérité pour les hommes violents ? Ou plus d'accompagnement pour les femmes victimes ? On sait que la justice manque de moyens à tous les niveaux. Il faut être réaliste, vous ne pourrez pas tout faire.

V.M. : Il existe des outils d'accompagnement des auteurs, qui peuvent s'améliorer aussi, mais pour la victime dans une situation d'emprise, il n'y a pas assez d'outil. Vous êtes victime de violences, vous allez déposer plainte, on va vous donner une liste de services auxquels vous pouvez vous adresser. Si vous êtes une personne sous emprise, vous n'irez même pas déposer plainte. Si vous êtes victime, vous n'oserez même pas aller pousser la porte de ces services. 

A.B. : Il faut être plus proactifs, alors ?

V.M. : On doit être proactifs, aider ces femmes à comprendre qu'elles sont sous emprise, qu'une autre vie est possible, qu'elles doivent s'autonomiser loin de leur bourreau. Tant qu'on ne le fait pas, on se retrouve face à des victimes qui vont visiter leur bourreau en prison, des victimes qui attendent leur bourreau à leur sortie de prison parce que l'emprise est toujours là.

A.B. : Actuellement ces services de terrain ont-ils les moyens de le faire ?

V.M. : Ce sont des services qui interviennent sur demande : on attend de la victime qu'elle fasse le pas. Je pense qu'il faut maintenant mettre ses bottes, aller dans la boue, et chercher la personne au fond du trou pour l'aider à prendre conscience qu'elle est sous emprise. 

À lire aussi

Sélectionné pour vous