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Le squelette "Ernest", un mystère en partie levé par la science

La science a parlé et "Ernest" n'est donc pas "Ernest". Une analyse au carbone 14 a permis de dater ce squelette, exhumé il y a un siècle en Dordogne, de 600 ou 700 ans, balayant la légende locale qui désignait un gentilhomme de mauvaise réputation ayant vécu au XIXe.

"Ernest", comme il a été surnommé par le roman local, a été découvert en 1913 sous 20 cm de terre par des maçons qui creusaient une cave dans une dépendance du manoir de Montcigoux, à Saint-Pierre-de-Frugie, aux confins de la Dordogne et de la Haute-Vienne, en plein Périgord Vert.

Depuis un siècle, il était au coeur d'un mythe solidement ancré dans les imaginaires collectifs. De nombreux curieux et passionnés d'histoires se sont penchés au chevet de cet étonnant locataire, aujourd'hui scellé dans son cercueil de verre, en espérant savoir "qui est Ernest ?"

Jeudi, la science a anéanti une partie des croyances populaires: une expertise au Carbone 14 financée par des fonds privés et menée par un laboratoire bordelais indépendant, le Ciram, révèle que le squelette n'est pas celui d'Ernest de Fontaubert, maître du manoir de Montcigoux ayant vécu au XIXe siècle, mais celui d'un individu ayant vécu entre 1278 et 1388.

"Ernest n'est donc pas Ernest", ont annoncé jeudi Marc Wilmart, ancien journaliste et auteur d'un film en 1987 consacré à Ernest, et Bernard Aumasson, généalogiste amateur qui enquête sur le squelette depuis 2011. Tout n'était donc qu'"invention" et "manipulation", disent-ils.

"C’est une hypothèse parmi tant d’autres, mais ce pourrait être un soldat qui a combattu, faisant le siège du château pendant les Guerres de Cent ans", tué et "inhumé à la hâte", glisse Bernard Aumasson, qui évoque aussi la présence d'un cimetière abandonné à proximité de ce site en pleine ligne de front entre les Anglais et les Français.

Grâce à la science, Bernard Aumasson et Marc Wilmart espèrent désormais redorer l'honneur d'une famille qui a été "salie, traînée dans la boue".

- Lieu de promenade -

A l'époque de sa découverte, les autorités ne s'intéressent guère au squelette et c'est donc le châtelain qui hérite de la dépouille inconnue.

"Ernest" tombe un peu dans l'oubli mais l'affaire rebondit en 1933 quand un chroniqueur du "Courrier du Centre", Antoine Valérie, affirme que le squelette est celui d'Ernest de Fontaubert, l'ancien maître des lieux, parti en 1850 en Californie avec sa soeur Ernestine.

A son retour de la Ruée vers l'Or, son frère cadet Arthur l'aurait assassiné à coup de hâche, un crime enflammé par la jalousie et le dégoût pour les relations incestueuses qu'aurait entretenues le couple.

Cette légende se transmettra de génération en génération. En 1958, elle inspire Robert Margerit dans son roman "La Terre aux Loups", et en 1987 le film de Marc Wilmart, "Histoires d'un crime" lui offre une nouvelle caisse de résonance. La tour médiévale où est entreposé le cercueil est même devenue "un lieu de promenade": "à chaque vacances d'été, les descendants des villageois viennent visiter Ernest", sourit Gilbert Chabaud, maire de ce village de 450 habitants et propriétaire depuis 1977 du manoir.

Fin 2011, lors des Journées du patrimoine, Bernard Aumasson est habité par le doute et décide d'enquêter.

Il se lance en 2013 sur une piste californienne, aidé d'une généalogiste américaine et découvre qu'Ernest n'est jamais revenu à Montcigoux. Il a été assassiné en 1862, dépouillé de l'or qu'il transportait et enterré près de Cave City (Kentucky). En 2016, le squelette est autopsié par les anthropologues de l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) mais les recherches se heurtent à l'état des os, très dégradés.

Pour le maire, les investigations sont désormais "closes". Mais "c'est certain", la légende survivra "avec beaucoup de conviction".

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