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6.000 agressions sexuelles dans des Uber aux États-Unis: les victimes se mobilisent avec le #UberC'estOver

Après des années à refuser de chiffrer le problème, Uber a révélé avoir enregistré près de 6.000 agressions sexuelles aux États-Unis en deux ans, alors que les services de réservation de voitures avec chauffeur sont largement accusés d'inefficacité et de mauvaise volonté dans ce domaine. Aujourd'hui, les témoignages d'agressions se multiplient sous le hashtag #UberC'estOver

Uber a publié jeudi un rapport détaillé sur la sécurité de son service, qui révèle que 5.981 agressions sexuelles ont été rapportées par des utilisateurs ou des conducteurs de son service, ainsi que des tiers, sur le territoire américain en 2017 et 2018. Ce chiffre comprend des attouchements, des tentatives d'agression et des viols.

Sur Twitter, les témoignages de femmes agressées sexuellement par leur chauffeur Uber sont nombreux. "Je rentrais d’un bar à 2h du matin un jeudi soir, je n’étais pas du tout ivre car je travaillais le lendemain juste j’avais passé une bonne soirée et j’étais fatiguée", affirme Eline sur son compte Twitter. La jeune femme commande un Uber pour rentrer chez elle : celui-ci adopte directement un comportement qui la met mal à l'aise. Il se permet même de couper le GPS afin de changer de route pour "aller chercher de l'alcool et boire quelques coups" avec la jeune femme. 

Celle-ci affirme refuser d'emblée cette proposition. Le chauffeur ne l'écoute pas, et ne reprend pas le trajet vers l'appartement de la jeune femme. Celle-ci affirme pourtant insister, et finit par demander de sortir de la voiture.

Le chauffeur, quant à lui, lui dit qu'elle ne sortira pas tant qu'elle ne l'aura pas embrasser. "Du coup je commence un peu à flipper, mais je reste sympa (on ne sait jamais qu'il me fasse du mal si je m'énerve)", poursuit Eline sur Twitter. "Je lui dis, en rigolant : 'Allez, mec sois cool laisse moi sortir'. Il refuse et me dit : 'Allez, je te raccompagne jusqu’à ton lit'."

Sous la contrainte, Eline explique qu'elle finit par l'embrasser pour en être quitte. L'homme tente alors d'obtenir plus, et Eline finit par réussir à s'échapper de la voiture. 

Un manque de réaction de Uber

Eline, comme d'autres femmes agressées, a signalé le chauffeur à Uber. Comme souvent, la société transmet alors un avertissement au chauffeur concerné par un signalement. Dans certains cas, celui-ci peut donc continuer à être chauffeur pour Uber. 

"Ces incidents ont été signalés sur 0,00002% des courses. Bien que rares, ces signalements représentent tous un individu qui a partagé une expérience très douloureuse. Même un seul signalement serait un signalement de trop", déplore tout de même Uber, conscient du problème.

La tourmente n'épargne pas Lyft, le rival d'Uber aux États-Unis, qui avait pourtant cherché à se positionner comme un acteur plus responsable. Depuis septembre, 34 femmes ont porté plainte à San Francisco contre Lyft pour des agressions sexuelles commises dans les véhicules de chauffeurs affiliés à la société californienne.

Caroline Miller, l'une des plaignantes, s'est endormie à l'arrière d'une voiture après avoir fêté son anniversaire. "Quand je me suis réveillée, il était en train de me violer", a raconté la jeune femme lors d'une conférence de presse mercredi. Le chauffeur en question a été arrêté, mais Lyft "ne m'a pas présenté d'excuses, ils ne m'ont pas appelée ou écrit", a-t-elle précisé. "Ils ont juste offert de lui rembourser sa course", a ajouté sombrement Michael Bomberger, l'avocat des 34 femmes.

Lyft avait capitalisé en 2017 sur la campagne #DeleteUber, menée par des consommateurs qui voulaient inciter à supprimer l'application, après des révélations sur la culture d'entreprise sexiste et violente qui régnait alors chez le leader des VTC. Depuis cette année noire, et après plusieurs cas rapportés de violences sexuelles, Uber a rompu avec la stratégie d'étouffement des affaires.

En mai 2018, la société a cessé d'obliger ses clients, employés ou chauffeurs victimes de harcèlement ou d'agression sexuelle à passer par une procédure de médiation, beaucoup plus discrète qu'une procédure judiciaire.

"Juste du marketing"

Côté sécurité, Uber, comme Lyft, ont rendu plus difficile l'usurpation d'identité par des conducteurs, renforcé les contrôles pour détecter des criminels déjà condamnés et ajouté dans leurs applications un bouton permettant de signaler un problème pendant le trajet. "Ce bouton, c'est une blague", réagit Michael Bomberger pour l'AFP. "Qui peut se servir de son smartphone pendant une agression ? C'est juste du marketing".

En cas de signalement, "ils devraient être bannis de la plateforme. Cela semble évident et pourtant ce n'est pas le cas", continue l'avocat, qui prône l'enregistrement systématique des courses pour que les chauffeurs se sentent surveillés, une meilleure coopération avec les autorités et des vérifications plus minutieuses du passé des conducteurs.

"Lyft ne prend pas au sérieux la sécurité de ses passagers. (...) La plateforme est conçue sur mesure pour des prédateurs sexuels", a-t-il assené pendant la conférence de presse. "Nous savons que leurs mesures ne fonctionnent pas, parce que huit des agressions dont nous parlons aujourd'hui ont eu lieu après leur mise en place".

"Personne ne devrait avoir à subir ce que ces femmes décrivent", a déclaré une porte-parole de Lyft en réponse mercredi. "Les femmes font face à des risques disproportionnés. Nous le savons, et c'est pour cela que nous travaillons sans relâche à inscrire la sécurité dans tout ce que nous entreprenons".

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