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L'hôpital d'Avignon, en grève depuis 7 mois pour ne pas se transformer en entreprise

"On est usés, on nous parle sans cesse de chiffres, mais nous, ce sont des patients qu'on a en face de nous": à l'hôpital d'Avignon, le personnel est en grève depuis 7 mois pour dénoncer le manque de moyens.

"On a l'impression de ne plus faire ce pour quoi on avait choisi ce métier: prendre soin des gens. Aujourd'hui l'hôpital est un parking où on case les patients", soupire Yannick Le Toulec, aide-soignant.

Nouveau signe du malaise dans le monde hospitalier, plus d'un millier de médecins doivent présenter symboliquement mardi leur démission.

Dans le hall flambant neuf du Centre hospitalier Henri Duffaut, pas de banderoles avec des slogans tapageurs sur la colère qui gronde. Seuls des tee-shirts noirs barrés de l'inscription "En grève" sous les blouses blanches témoignent de l'exaspération du personnel.

"On est en grève illimitée, on tiendra tant qu'on n'aura pas obtenu gain de cause, même si c'est dur", prévient le personnel assigné. A l'origine du mouvement, le 2 juin, le service des urgences adultes s'est mis en grève à l'appel du collectif national Inter-Urgences, comme 267 services encore aujourd'hui en France.

A Avignon, la grève s'est depuis étendue à six autres services.

"Très vite, on s'est rendu compte qu'on était confrontés presque tous aux mêmes problèmes", témoignent les agents paramédicaux, soutenus par une intersyndicale CGT-FO-CFDT. "Manque de lits, de personnel et de matériel", énumèrent les grévistes de cet hôpital de "référence" du Vaucluse, implanté dans une des villes les plus pauvres de France et chargé de couvrir les besoins de quelque 600.000 habitants.

Endetté à hauteur de 37 millions d'euros depuis 2007 et la tarification à l'activité, le centre affronte son troisième contrat de retour à l'équilibre financier (Cref) en 10 ans. Le dernier prévoit la suppression de 95 postes sur deux ans "par l'optimisation de l'organisation avec notamment des mutations entre services", fait valoir la direction.

- "Rafistolage" -

"Ne pas bouger c'est accepter d'être encore plus en déficit. Il faut concilier le présent et l'avenir, si je ne fais pas ça, les banques ne prêteront plus et on ne pourra pas investir", se défend Jean-Noël Jacques, le directeur de l'hôpital.

Aux yeux du personnel, l'équation est impossible à résoudre, alors même que l'établissement construit au début des années 80 ne cesse de s'agrandir pour accueillir l'afflux croissant de patients.

"On a regroupé deux services et ajouté une spécialité en supprimant du personnel: on est passé de 12 à 14 patients par infirmier et aide-soignant à 16 voire 18", souligne Yannick Le Toullec, depuis quatre ans au service orthopédie-traumatologie et ophtalmologie.

"On n'a plus le temps de s'occuper correctement d'eux alors que ce sont des personnes qui ont des fractures et dépendent beaucoup de nous", déplore le quadragénaire. Pendant les fêtes, rapporte-t-il, cinq de ses collègues étaient en arrêt-maladie dont un en burn out.

"On ne peut pas supporter de voir des personnes âgées attendre 15 ou 16 heures par jour sur un brancard dans les couloirs faute de lits disponibles en aval", renchérit Emmanuel Martin, infirmier aux urgences.

Infirmière puéricultrice, Françoise s'est elle aussi pour la première fois de sa carrière mise en grève, échaudée par les promesses non tenues. "On nous avait dit que lorsqu'on dépasserait les 3.000 naissances par an on aurait un poste de plus. Résultat, en 2019, avec 3.159 nouveaux-nés, on a eu un poste en moins", peste l'infirmière.

"On n'a pas l'impression que notre souffrance est entendue. On fait sans cesse du rafistolage avec du personnel qui ne reste pas et est remplacé par des CDD, des jeunes sortis d'écoles laissés seuls dans les services de nuit qui sont peu attirants", renchérit Laurence, infirmière aux urgences pédiatriques.

"On n'est pas une entreprise du CAC 40. A croire qu'on veut casser l'hôpital public", se désole Christophe Del Rey, représentant FO.

Farid, qui prend l'air dehors, une perfusion accrochée au bras, peste lui contre des soignants sans cesse pressés, qui ont oublié un jour de lui servir son plateau repas. La nuit, se plaint-il, ils mettent parfois 20 minutes à venir le voir quand il les appelle.

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