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Au coeur du procès Preynat, la douloureuse catharsis de François Devaux

"C'est une mise à nu qui m'est insupportable" : François Devaux, président fort en gueule de la Parole libérée, a dû fendre l'armure pour assumer son statut de victime de l'ex-curé Bernard Preynat durant ce procès, auquel il a failli renoncer.

La semaine qui a précédé le procès, ce chef d'entreprise de 40 ans à la carrure de rugbyman, barbe poivre et sel, avait encore l'intention de se retirer des parties civiles, lui qui fait partie des dix rares victimes des agissements pédophiles de l'ex-vicaire-aumônier scout de Sainte-Foy-Lès-Lyon à ne pas être prescrits.

"C'est le dossier des paradoxes car mon client est celui qui a le plus fait pour libérer la parole des victimes et c'est en même temps celui qui en a été le plus incapable", a ainsi commenté son avocate, Me Nadia Debbache, au début de sa plaidoirie.

Dès la création de l'association la Parole libérée en 2015, qui regroupe des dizaines de victimes du père Preynat, il "met à disposition (son) vécu au service de la cause".

Un "rôle de bélier", notamment devant les médias et les caméras, qu'il assume, mais qui lui ont valu de prendre "énormément de risques".

Pendant longtemps, François Devaux a soutenu à son avocate qu'il n'était pas une victime, son rapport d'expertise psychiatrique soulignant sa tendance à "banaliser" ce qui lui est arrivé.

Pourtant mardi, quand il doit témoigner à la barre, il se rappelle avoir été "un enfant lumineux" jusqu'à son agression, avant de traverser une adolescence "très sombre". Et il finit par lâcher pour la première fois qu'à 14 ans, il a tenté de se suicider.

"J’arrive à un moment où je ne peux plus fuir en fait", dit-il à la presse à la sortie de cette éprouvante audience.

Il confie à l'AFP vivre ce procès comme "le plus gros traumatisme" depuis le début de cette affaire, car il l'oblige à se confronter aux "conséquences" des attouchements dont il a été victime enfant et "aux souffrances générées dans sa famille". Mais c'est aussi une "thérapie familiale" qui a permis de "recimenter" les liens avec ses parents et ses frère et soeur.

- Association "commando" -

"Votre place dans cette histoire est particulière, vous êtes au centre de cette histoire, votre famille a mené un combat acharné pour neutraliser le père Bernard", rappellera devant le tribunal Me Debbache.

Car en 1991, les parents de François Devaux alertent les autorités ecclésiastiques jusqu'au cardinal Decourtray, archevêque de Lyon à l'époque, pour dénoncer les abus de Preynat sur leur fils. Dans leur lettre, le couple dénonçait déjà "une conspiration du silence".

À la suite de ce courrier, le prêtre, revenu à l'état laïc seulement l'été dernier, fut mis à l'écart durant six mois, avant de poursuivre sa carrière ecclésiastique pendant 24 ans.

Le combat de ses parents sera poursuivi trois décennies plus tard par François, dont l'objectif est "que des enfants se soient pas remis au contact de gens qu'on sait pédophiles".

Grâce à une citation directe, la Parole libérée est parvenue à faire juger le cardinal Philippe Barbarin pour ne pas avoir dénoncé les agressions de l'ancien prêtre à la justice. Condamné à six mois de prison avec sursis en mars 2019, le Primat des Gaules attend la décision de la cour d'appel le 30 janvier.

"Mon propos n'a jamais été de détruire l'Eglise", tient à souligner François Devaux, malgré la forte médiatisation du combat de la Parole libérée qui a également fait l'objet d'un film de François Ozon, "Grâce à Dieu", sorti en 2019.

Mais la parution avortée début janvier d'un livre regroupant des témoignages de victimes du père Preynat a mis le feu aux poudres avec les recours de deux membres de l'association. La structure, conçue par François Devaux comme un "commando", est à la croisée des chemins. "Les belles histoires ne finissent pas toujours bien", relativise ce père de famille.

Au final, "on a apporté une contribution sociétale qui fera un peu date mais il n'y a pas de gloire à tirer de ça", soutient-il.

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