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"Voyage, Voyages", correspondances entre art et pérégrinations au Mucem

Comment les voyages influencent-ils la création artistique? Une exposition au Mucem à Marseille montre qu'ils conduisent les peintres dont Henri Matisse ou Wassily Kandinsky à réinventer leur art et les plasticiens contemporains à s'interroger sur l'état du monde en explorant l'errance et l'exil.

Le voyage c'est d'abord la valise, aussi bien la "Boîte en valise" de Marcel Duchamp --qui contient des reproductions de ses oeuvres-- que l'installation de vieilles valises vides suspendues à de longs fils rouges de l'artiste japonaise Chiaru Shiota.

"D'où venons nous, où allons nous? les valises nous interrogent sur nos souvenirs", remarque Christine Poullain, co-commissaire de cette exposition dont le titre fait référence à un tube planétaire chanté par Desireless en 1986 et écrite par Jean-Michel Rivat.

Le voyage c'est ensuite le moyen de transport. L'avion comme cette caravelle dont le cockpit a été détourné en objet d'art par l'artiste marseillais Richard Baquié (1952-1996), figure de l'art conceptuel.

Moyen de transport encore comme les célèbres compressions automobiles du sculpteur marseillais César dont deux spécimens sont exposés.

A travers la centaine d’œuvres --peintures, sculptures, installations, dessins, photographies, vidéos de collections publiques ou privées-- réunies au musée marseillais en bord de Méditerranée, il s'agit de montrer "comment le voyage bouleverse la vision artistique", souligne le président du Mucem, Jean-François Chougnet.

- "Polynésie, la mer, Polynésie le ciel" -

Après l'Italie dès le XVIe siècle, l'Afrique du Nord, attire au début du XXe siècle les artistes européens. "Et le voyage devient un geste artistique", commente Christine Poullain.

Il y a les tableaux de très célèbres "peintres voyageurs" comme ceux de Henri Matisse à Tanger, d'Albert Marquet à Alger, ou encore Paul Klee et Kandinsky qui "a découvert en Tunisie la voie vers l'abstraction. Les sujets s’effacent, les formes surgissent seules", note Pierre-Nicolas Bounakoff, co-commissaire de l'exposition.

Ces voyages, "ont conduit les artistes à inventer une conception nouvelle de l’art, une vision autre du monde, à explorer toutes les techniques possibles et à métamorphoser le paysage artistique", indique Christine Poullain.

En face de ces tableaux d'artistes occidentaux influencés par la lumière et l'architecture méditerranéennes, sont exposées les oeuvres d'artistes contemporains africains et leur vision du départ, ou l'impossibilité" de départ, vers "l'autre rive". Le voyage devient alors migration, exil comme l'imagine l'artiste congolais Barthélémy Toguo et son installation "Road to exile", celle d'un fragile esquif, surchargé de ballots fait en tissus africains bariolés, voguant sur une mer de bouteilles de verre.

"Hot Spot" de l'artiste Mona Hatoum traduit aussi une vision pessimiste de l'état du monde. Fait de tubes de néon et d'acier, un hémisphère traversé de bandes lumineuses d'un rouge vif montre, pour les commissaire, "la mobilité du monde et des phénomènes migratoires".

Le voyage est aussi un thème privilégié pour la photographie. En opposition à celles, en noir et blanc, du Français Bernard Plossu soucieux, dit-il, d'aller "là ou la route s'arrête" dans les pays traversés, le Britannique Martin Parr s’intéresse quant à lui au tourisme de masse et à son accessoire incontournable, le selfie.

Que l'on soit à Venise, Cuba en Inde ou devant la Joconde, le lieu visité n'est plus objet de contemplation mais réduit à la fonction de fond d'écran pour portraits instantanés pris au téléphone portable et destinés aux réseaux sociaux.

L'exposition se termine par deux grandes tapisseries, qui se font face, de Henri Matisse. "Polynésie la mer", et "Polynésie le ciel", toutes deux très semblables, en bleu et blanc, mais créés séparément plus de 15 ans après un voyage dans l'archipel et réunies pour la première fois.

"Voyage, voyages" du 22 janvier au 4 mai au MuCem, à Marseille.

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