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Données de géolocalisation contre coronavirus, le débat qui couve en France

Faut-il utiliser les données de géolocalisation que recèlent nos portables pour aider à lutter contre la pandémie de coronavirus? Certains professionnels ou responsables politiques français se posent la question, mais le débat est explosif en termes de libertés publiques.

Dans plusieurs pays, les données de géolocalisation sont utilisées dans la lutte contre la pandémie pour suivre les déplacements des personnes de façon globale, voire dans certains cas de façon individuelle.

Le gouvernement taïwanais par exemple utilise des smartphones pour surveiller les personnes en quarantaine. Celles-ci reçoivent un message d'avertissement si elles ne respectent pas leur confinement.

En Chine, les grands groupes internet coopèrent avec les autorités locales et le gouvernement. A partir de nombreuses données (géolocalisation, achats de billets de train/avion, réservations d'hôtel...), un algorithme évalue si la personne est allée dans une zone à risque ou a été en contact avec des contaminés, et cela détermine si elle a le droit de se déplacer.

En France, l'Elysée a semé un certain trouble mardi en faisant savoir que le nouveau comité de chercheurs et de médecins ("Care") contre le coronavirus devrait réfléchir, entre autres, sur une "stratégie numérique d'identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées".

Mais le gouvernement reste très prudent sur la question.

"Nous n'avons aujourd'hui aucune initiative gouvernementale plus avancée" qu'une "recherche d'informations à l'échelle internationale", a déclaré mercredi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.

"Entre ce qui a été mis en place dans des pays asiatiques, à Singapour, en Corée du Sud", et "ce qui est en cours de réflexion manifestement dans un certain nombre de pays européens, il s'agit de comprendre très précisément de quoi on nous parle, et également de vérifier l'intérêt sanitaire que ça peut avoir", en particulier pour organiser la fin du confinement, a-t-elle développé.

"A ce stade on est dans une phase d'audit et de compréhension", et cela restera valable pour "les jours qui viennent", a déclaré de son côté le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O sur Radio Classique.

D'ores et déjà, il existe des projets en France d'utilisation de données de géolocalisation des téléphones portables.

Mais celles-ci seraient anonymisées et agrégées pour rendre impossible toute identification individuelle.

Orange doit fournir à l'Inserm, l'organisme qui chapeaute la recherche médicale en France, de telles données pour mieux suivre les mouvements de population pendant la pandémie.

L'objectif est notamment d'être mieux capable de pré-dimensionner le système de soins face au virus.

- Code couleur pour jauger la contamination -

Le commissaire européen Thierry Breton tente également d'organiser un effort de collecte de données anonymisées et agrégées au niveau européen.

En France, certains travaillent sur des scénarios avec davantage d'individualisation des données de géolocalisation, sans aller forcément vers le contrôle social.

Le hub France IA, qui regroupe entreprises, chercheurs et acteurs publics spécialisés dans l'intelligence artificielle propose ainsi de créer une application capable de prévenir les personnes qui se seraient rendues dans des zones à risque.

Un code couleur - vert, jaune, rouge - indiquerait à chacun son degré de risque de contamination, en fonction des endroits où il s'est rendu.

Pour déterminer les zones à risque, l'application (téléchargeable à titre volontaire) se baserait sur des données sur les ventes de certains médicament en pharmacies, notamment contre la fièvre, la fatigue ou la toux sèche, qui peuvent être un bon indice prédictif du niveau de risque de Covid-19 dans une zone donnée.

"On pourrait ainsi potentiellement identifier les antécédents de déplacement de patients dans des zones à risque", explique à l'AFP Antoine Couret, le président du hub France IA.

Il ne s'agit pas d'imposer des mesures contraignantes aux utilisateurs, mais au moins d'apporter une information "dans un but de gestion responsable de leurs déplacements", explique-t-il.

"Qu'est-ce qui est le plus contraire aux libertés publiques?", demandait mercredi un responsable professionnel dans le milieu des start-up. "Un confinement généralisé, avec impossibilité de s'éloigner de son domicile et contrôles de police? Ou bien un confinement plus léger et une géolocalisation en temps réel? Je ne suis pas très sûr."

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