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Réutilisation de masque, manque de drogue, suppression de sorties: les 3 causes de tension dans les prisons au temps du coronavirus

Depuis le début de la crise du coronavirus, des incidents graves ont eu lieu dans plusieurs établissements pénitentiaires du pays, notamment dans ceux de Leuze-en-Hainaut, Anvers et Jamioulx dans la région de Charleroi. Plusieurs raisons soutiennent cette ébullition, de la peur de la contamination au manque plus prosaïque de stupéfiants en passant par la suppression de sorties.

Les détenus contactés par RTL INFO ne s’en cachent pas, ils sont très inquiets de l’arrivée possible du virus dans leurs prisons. Et cette peur légitime s'accompagne parfois de rumeurs et fausses informations qui n’aident pas à maintenir la sérénité. Selon la Direction Générale des Établissements pénitentiaires, actuellement, cinq détenus ont été testés positivement au Covid 19. Un à la prison de Forest, trois autres à la prison de Turnhout qui ont été placés dans l’unité médicale de la prison de Bruges, et enfin un détenu à la prison de Mons, remis en liberté et hospitalisé.

Les prisonniers redoutent que le coronavirus ne se propage dans les établissements via les gardiens. En réponse à cette crainte, l’administration pénitentiaire a annoncé l’arrivée de 17.000 masques à destination notamment des surveillants.

La réutilisation des masques inquiète

Mais ces masques ne font pas l’unanimité. À la prison de Leuze-en-Hainaut, les agents ont refusé de les porter car ils n’étaient pas nominatifs et que, par conséquent, un masque pouvait être réutilisé, après désinfection, par une autre personne. Précisons qu'un masque peut effectivement être décontaminé (récemment, l'université de Stanford aux États-Unis, se basant sur les essais d'un fabricant de masques citait notamment trois méthodes efficaces: 30 minutes dans un four à 70°C, soumission à des rayons UV ou encore vapeur d'eau).

L’agent pénitentiaire et délégué du syndicat CSC, David Froissart dit que désormais l’administration a autorisé qu’un masque soit assigné par personne. Une inquiétude demeure toutefois: "Les agents s’inquiètent de la toxicité des produits de désinfection pour leurs voies respiratoires. Il s'agit de détergents industriels et non de produits sanitaires médicaux. Une opération qui se fait dans les machines utilisées également par les détenus au sein même de la prison. À notre demande, une analyse de la toxicité du produit va être réalisée", dit-il.

Ajoutons que différentes mesures de sécurité ont également été prises comme notamment l'application de distances de sécurité lors des sorties au préau, la désinfection régulière des locaux, des gants pour la distribution de la nourriture, etc.

Qu'advient-il d'un détenu malade du Covid-19 ?

Quant aux prisonniers qui présentent des symptômes de maladie, ils sont immédiatement isolés et doivent porter un masque, nous expose la Direction générale. Un médecin vient effectuer un test. Si un suspect n'est pas infecté par le SARS-Cov-2 (nom exact du virus, le coronavirus faisant référence à un groupe de virus de même type), il reste alors en isolement dans la prison où il sera suivi quotidiennement par un médecin pour évaluer s’il convient de lever les mesures d'isolement. Si, au contraire, il est bien contaminé, il revient au médecin de décider s’il doit être transféré dans un hôpital ou mis en quarantaine au sein de la prison. Une unité de soin de 25 lits a été établie à la prison de Bruges. Les transferts à l'extérieur de la prison se réalisent en ambulance. Des masques adaptés FPP2 sont fournis au personnel dans ce contexte, stipule la Direction.

En manque

En cette période de confinement, l’administration a bien entendu décidé de suspendre toutes visites. La majorité des détenus ne remet pas en cause cette situation bien conscient du fait qu’il s’agit d’un cas de force majeure. Des crédits téléphoniques de 20 euros ont été offerts par l’administration afin de compenser, tant que faire se peut, l’absence des proches.

Cependant, l'annulation des visites a une conséquence concrète qui ne sera pas dite mais constitue un secret de polichinelle dans le milieu: les détenus sont moins bien approvisionnés en drogue pour leur consommation, la majorité de la drogue consommée en prison rentrant probablement via les parloirs. Et la consommation de drogues ou même d’alcool permet d’apaiser certaines tensions au sein des prisons.

Face à cette situation, les cas de "largages" de colis de stupéfiants de l’extérieur vers l’intérieur des établissements se seraient multipliés. À certains endroits, la police effectuerait même des patrouilles pédestres pour tenter d’enrayer le phénomènes. Et ailleurs, le SABS (Service d’Appui Bâtiment Sécurité) serait descendu sur place pour tenter d’effectuer des aménagements pour éviter ces largages. La pénurie de stupéfiant constitue donc probablement une cause majeure de l’agitation de certains détenus.

La suppression des congés pénitentiaires et l'avenir judiciaire incertain

Si les prisonniers ne reçoivent plus de visites, ceux qui avaient la possibilités de sortir sont, bien entendu, également confinés et privés de ces avantages comme le souligne Yannick de Vlaemynck, avocat au barreau de Bruxelles : "Les permissions de sorties et les congés sont supprimés. De même pour les détentions limitées de prisonniers qui sortaient la journée et rentraient le soir pour dormir à la prison. A l’inverse, certains de ces détenus sont en congé prolongé c’est-à-dire qu’ils ne doivent plus rentrer à la prison afin d’éviter les risques de contamination à l’intérieur."

Concernant le ralentissement de la justice, les détenus ont également de fortes inquiétudes comme le souligne le spécialiste en droit pénal Henri Laquay: "En pratique, les personnes en détention préventive, qui n'ont donc pas encore été jugées pour les faits qu'on leur reproche, n'assistent plus aux audiences où on statue sur leurs détentions et sont représentées par leurs avocats qui, pour des raisons sanitaires, évitent d'aller voir leurs clients en prison. Et certains détenus attendent que leurs procès soient fixés pour être jugés. Tout cela crée pour ces détenus une incertitude juridique difficile à vivre."

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