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Yannick, un Bruxellois, ne peut bouger QUE SA MAIN DROITE mais a réussi à composer tout un album: "J'ai dessiné les notes une par une avec la souris"

Atteint d'amyotrophie spinale, Yannick a perdu peu à peu ses forces. Mais avec sa seule main droite, il parvient à créer de la musique sur son ordinateur.

Passionné de musique, Yannick n'avait pas la possibilité de pratiquer un instrument. La maladie rare dont il est atteint, l'amyotrophie spinale, le prive de l'usage de ses jambes et ses bras. Mais, avec sa main droite, beaucoup de volonté et de patience, le jeune homme a accompli un travail titanesque : un album entier, soit 12 morceaux, intégralement produit par ses soins. "Sortir cet album est déjà une victoire, mais au plus je pourrai le partager ainsi que l’histoire qu’il y a derrière, au mieux ce sera", nous écrit-il via le bouton orange Alertez-nous. Cette histoire la voici.

"On m'a donné 8 ans à vivre"

Yannick est né à Etterbeek, il y a 35 ans. Rapidement, ses parents ont remarqué quelque chose d'anormal. Il ne semblait pas chercher à ramper ou à se mettre debout. Le diagnostic est tombé alors qu'il n'avait pas un an : l'amyotrophie spinale. Une maladie dégénérative qui entraîne un déficit moteur sévère. Elle survient lors d'une naissance sur 6.000 à 10.000. "C'est une maladie très rare mais bon, voila, c'est tombé sur moi !", dit Yannick. "On m'a donné 8 ans à vivre".

"L'amyotrophie spinale est une maladie neuro-musculaire qui va entraîner une mort prématurée des neurones moteur. C'est à dire les neurones qui font la connexion entre le tronc, la moelle épinière et les muscles", explique le Docteur François Boemer, directeur du Laboratoire de biochimie génétique (CHU de Liège). "Elle est due à l'anomalie d'un gène qu'on appelle SMN1".

Sa première chaise roulante à l'âge de 2 ans

La maladie a différents sous-types, de 1, le plus grave, jusqu'à 3. Ceci dépend du niveau de fonctionnalité chez le patient d'un autre gène. "Le nombre de copies du gène SMN2 va influencer l'expression de la maladie", explique le Docteur Boemer. À l'époque où est né Yannick, une amyotrophie spinale de type 1 conduisait au décès du patient dans ses premières années. Mais l'âge de décès, autrefois très précoce, a considérablement reculé grâce aux progrès médicaux. Aujourd'hui, trois traitements existent, dont un est remboursé en Belgique depuis 2018, dans les cas où il peut être efficace : le nusinersen (Spinraza).

Ces traitements sont très récents et d'autant plus efficaces qu'ils sont pris précocement. Puisqu'il n'en a pas bénéficié dès le plus jeune âge, Yannick n'a jamais pu marcher. À deux ans, il a eu sa première chaise roulante. Il a rejoint le centre de revalidation Inkendaal, où il a suivi sa scolarité jusqu'à ses 15 ans. C'est à cet âge-là que sa situation s'est "stabilisée", raconte-t-il. Avant cela, il a dû subir plusieurs opérations importantes, notamment le placement d'une "tige dans la colonne vertébrale" pour éviter que sa scoliose devienne trop importante. Une opération qui ne peut se faire qu'une fois la taille adulte atteinte.

Puisqu'il lui était impossible de travailler, il s'est tourné vers sa passion pour la musique

À partir de ses 15 ans, Yannick a pu suivre un enseignement général. À 26 ans, il était titulaire d'un master en science commercial, spécialité science fiscale. Mais il n'a pas pu mettre en pratique ses connaissances dans ce domaine : "Il faut savoir manipuler les dossiers, encoder assez rapidement. Des choses que je ne peux pas faire, raconte-t-il. Finalement, je n'ai jamais vraiment pu travailler. Et c'est pour ça que je me suis tourné vers la musique".

Aujourd'hui, Yannick habite à Bruxelles, près de l'Atomium, dans un logement adapté à la déficience physique. Tous les matins, une infirmière vient le lever. Un kinésithérapeute lui étire les bras, les mains, les jambes. Ses parents lui préparent des plats à réchauffer. "Mais il faut me donner à manger", indique-t-il. Chaque jour, il prend une batterie de médicaments, dont le Spinraza que nous avons évoqué. La nuit, il est branché à un respirateur. En cas de besoin, il dispose d'une sonnette pour appeler un soignant 24 heures sur 24. "Il y a toute une logistique autour de moi", dit-il.

J'ai toujours senti quelque part en moi que je comprenais la musique

Dans ce quotidien bien cadré, Yannick parvient à s'adonner régulièrement à sa passion pour la musique. S'il n'a pas pu faire le Conservatoire, il dispose d'un bagage dans le domaine : 5, 6 années de solfège, et un certain don. "J'ai toujours senti quelque part en moi que je comprenais la musique, que j'aimais vraiment faire ça", confie-t-il. "J'écoute énormément de musique, ça aide forcément", explique-t-il. Yannick va d'ailleurs très régulièrement à des concerts et des festivals : "J'adore ça ! C'est mon truc. Tous mes amis le savent", dit-il

Son matériel de production musicale se trouve chez ses parents, à Anderlecht. Il s'y rend régulièrement en voiture, un véhicule adapté qui lui appartient, mais que conduisent ses parents ou ses amis. Un lieu de vie et un autre pour la musique, une division qui lui convient bien. "Quand vous voulez travailler, vous allez au bureau. Eh bien, moi, quand j'ai envie de faire de la musique, je vais chez mes parents. Ça me fait voir du monde, ça me fait bouger", raconte-t-il.



L'informatique, un outil "magique" pour Yannick

Comme il ne peut pas jouer d'un instrument, Yannick a commencé à apprendre à utiliser des logiciels de musique. Il a regardé de nombreux tutoriels sur YouTube et s'est formé tout seul. Puis, il s'est muni d'"instruments virtuels", sorte de banques de sons contrôlables via l'ordinateur. D'un clic de souris, il peut ainsi déclencher des sons de guitares, de batteries, violons et autres. "C'est là que l'informatique est magique. Elle me permet d'exprimer ma musicalité", se réjouit-il. Et pas seulement... "J'ai accès à tout via l'informatique. Ce serait impossible de vivre sans, enfin moi en tout cas, je ne pourrais pas", confie-t-il.

Un album qui porte un message d'espoir

Pendant cinq ans, Yannick a travaillé à la production de tout un album de rock instrumental. "J'ai dessiné les notes une par une, autant la batterie, que la basse, la guitare, avec ma seule bonne main, en contrôlant la souris de mon ordinateur", explique-t-il. Un travail de longue haleine, mais "extrêmement gratifiant" pour Yannick. Le résultat s'appelle "Fragments Of The Spirit", disponible sur la plupart des plateformes de streaming (Spotify, iTunes, Soundcloud...)

Gagner de l'argent n'est pas l'objectif de sa démarche, précise-t-il. En revanche, il espère pouvoir toucher les gens avec ses chansons et "montrer que les personnes invalides sont aussi capables de réaliser de grandes choses". "Avec de la volonté, tout est possible", dit-il.

Depuis la sortie de son album, Yannick s'est déjà remis à la tâche. "J'ai quelques mélodies en tête que j'ai enregistrées sur mon dictaphone. Je cherche encore la direction que j'aimerais prendre", raconte-t-il. Une collaboration avec un chanteur ou une chanteuse le motiverait particulièrement : "Une voix sur mes compositions, ce serait vraiment top !" À bon entendeur.

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