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Fatima et William sont handicapés moteur et parents d’une fillette de 2 ans: "Quand j’étais petite, je me disais que je ne serais jamais mère"

Fatima, 43 ans, a toujours voulu d’être mère. Atteinte d'une myopathie, elle a longtemps cru que ce rêve n’était réservé qu’aux autres. Après un combat de plusieurs années, elle a enfin pu fonder sa famille, aux côtés de son mari William, lui aussi en situation de handicap. Elle nous raconte son histoire.

Fatima souffre d’une amyotrophie spinale, une maladie dégénérative qui affecte les muscles, à travers la mort prématurée des neurones qui les contrôlent, et entraîne un déficit moteur. Aujourd'hui, cette mère de famille est fière du parcours accompli. Elle nous raconte comment elle est parvenue à fonder une famille, aux côtés de son mari William, lui aussi en situation de handicap. 

Depuis son plus jeune âge, Fatima se déplace en fauteuil roulant. Pendant plusieurs années, avant d'atteindre l'âge adulte, elle évolue dans un centre spécialisé. Parfaitement intégrée, elle apprend à vivre avec son handicap et devient autonome.

Pour en savoir plus sur la maladie dont souffrent Fatima et William, vous pouvez lire cet article.

À l’âge de 15 ans, elle rencontre William dans un établissement spécialisé. Comme Fatima, William est en fauteuil roulant. Il souffre lui aussi de myopathie. Ce dernier deviendra son mari quelques années plus tard. 

Jeunes mariés, William et Fatima pensent alors à fonder une famille. "Quand j’étais petite, je me disais que je ne serais jamais mère car ce n’est pas possible, je ne pourrais pas m’occuper d’un enfant. Et puis avec l’âge, le désir de la maternité qui commence à être de plus en plus présent, on se dit 'Pourquoi pas?' ", souligne la mère de famille. 

Vous êtes en chaise roulante, vous ne pouvez pas avoir un enfant’

Pourtant, le sujet est presque tabou. Leur entourage peine à comprendre et déconseille au couple d’avoir un enfant. Autre obstacle: malgré la volonté, Fatima ne parvient pas à tomber enceinte. 

Face à cela, le couple pense alors à la PMA (procréation médicalement assistée). Il se rend dans plusieurs hôpitaux du pays. Et selon la Bruxelloise, c’est un véritable parcours du combattant qui débute. "Des médecins nous recevaient et nous disaient ‘Vous ne vous rendez pas compte. Vous êtes en chaise roulante, vous ne pouvez pas avoir un enfant’", lâche Fatima. Avant de s’étonner: "Une psychologue nous a même dit 'Et comment fera votre enfant pour jouer au football avec son papa ?!' ". 

C’est finalement dans un CHU bruxellois que le couple est entendu. Il rencontre une armée de spécialistes. Le but étant pour les professionnels de déterminer la capacité du couple à élever un enfant dans les meilleures conditions. "Pour la première fois, le médecin m’a dit 'J’ai un patient devant moi et pas un handicap' ", nous assure la mère de famille.

Après plusieurs examens, aucun problème de santé n’est décelé. Le CHU accepte donc d’aider Fatima et William à devenir parents. 

Fatima tente donc des stimulations ovariennes, un traitement hormonal qui consiste à améliorer l’ovulation chez les femmes qui ne sont pas en capacité d’avoir des ovules, soit en nombre, soit en qualité suffisante. Mais les trois tentatives échouent. À noter que cela n’est pas dû à la myopathie dont est atteinte Fatima. Parallèlement, elle souffre de troubles de l’ovulation qui expliquent le fait qu’elle ne parvient pas à tomber enceinte naturellement.

La bonne nouvelle arrive fin février

À ce moment-là, Fatima voit son rêve de devenir mère s’éloigner. "La seule chose qui nous restait était de trouver une donneuse d’ovocytes", nous indique Fatima. Sa meilleure amie lui propose alors de lui faire ce don. En Belgique, le don d’ovocytes et de sperme non anonymes sont autorisés. Certains établissements le permettent tandis que d’autres n’autorisent que les dons anonymes. 

Le parcours commence. Après plusieurs rendez-vous et traitements médicaux, la bonne nouvelle arrive fin février: Fatima est bel et bien enceinte. "Je n’y croyais pas, c’était irréel", s’exclame-t-elle.

Les mois passent et le couple se prépare à l’arrivée d’un enfant. Avant et tout au long de cette grossesse, ces examens sont réalisés afin de s’assurer que le bébé n’est pas porteur d’un handicap. "On est restés conscients même si on voulait absolument avoir un enfant. Je ne voulais pas avoir sur la conscience le fait que l’on ait pas fait attention à ce qu’il soit en bonne santé", nous souffle la mère de famille.

À la maternité, je ne dormais même pas, j’avais peur qu'on me la reprenne

Un peu de stress et d’anxiété les 9 mois de grossesse, mais comme tous les parents en somme. Mais quand vient l’heure de l’accouchement, impossible de nier la maladie. "À cause de mon handicap, j'ai eu une opération du dos. Donc on ne pouvait pas me faire de péridurale. Et le fait de rentrer à l'hôpital comme tu rentres à l'hôtel, qu'on te dise 'Voilà, tu as un bébé’, ça fait bizarre. Je n'ai pas eu de contractions, je n'ai pas eu douleurs", nous explique-t-elle. Avant d’ajouter: "Pour moi, on allait me la reprendre. A la maternité, je ne dormais même pas, j’avais peur qu'on me la reprenne. C'est vraiment une sensation bizarre". 

Après 10 années de combat, Fatima réalise enfin son rêve le plus cher. La petite Amalya voit le jour. À ses côtés, William peine lui aussi à comprendre de qu’il leur arrive. De retour de la maternité, le couple commence à prendre ses marques. "Au début, ma mère est venue nous aider. On a aussi eu plus d’aides familiales", témoigne la mère de famille. 

Au fil des mois, Fatima et William se familiarisent avec ce nouveau rôle. Au quotidien, le handicap est toujours là bien sûr, et certains gestes restent compliqués. "Quand elle a eu 11 mois et qu’elle commençait à bouger partout, j’ai eu plus dur. Et aujourd’hui, j’ai toujours besoin d’une aide familiale pour m’aider à lui faire prendre son bain", nous explique Fatima. 

Des aides familiales interviennent 8 fois par jour

8 fois par jour, Fatima, William et Amalya reçoivent la visite d'aides familiales. Depuis 2003, le couple fait appel à la Centrale de Soins et de Services à Domicile (CSD) pour les toilettes et tâches ménagères. Nathalie Zan Vandycke, assistante sociale pour la CSD, nous donne quelques précisions. "En fin de grossesse et après la naissance d'Amalya, nous avons augmenté les visites. Il fallait que Madame se repose", nous explique-t-elle. Avant de poursuivre: "Après la naissance du bébé, nous sommes intervenus pour donner les soins d'hygiène à la petite. Aujourd'hui, on continue notamment pour la surveillance au moment du bain".

Une fois par an, un diagnostic est établi afin d'évaluer le nombre de visites nécessaires par semaine. Selon le type de prestation, la durée peut varier entre 30 minutes à 1h30 par visite. 

Actuellement, la CSD intervient pour les soins, le ménage, les courses, la vaisselle et parfois pour de la couture. "Il arrive aussi qu'on amène Amalya à l'école ou à des stages si Monsieur et Madame ne peuvent pas", souligne Nathalie Zan Vandycke.

Il est important de laisser la liberté des choix aux parents

Selon l'assistante sociale, Fatima et William ont rapidement pris leurs marques. "Ce sont des personnes qui sont très autonomes. Ce n'est pas une catastrophe si un jour, on n'intervient pas. On est vraiment sur une autonomie accompagnée", remarque-t-elle. 

Chaque semaine, 6 à 7 aides familiales se succèdent. Le but étant "d'apporter une dynamique, éviter la lassitude et surtout d'avoir des regards différents". La CSD veille à ce que les aides familiales apportent un accompagnement sans jamais imposer à la famille des décisions, notamment en terme d'éducation. "Il est important de laisser la liberté des choix aux parents. On n'a pas de jugement à poser sur la famille et leurs décisions", insiste l'assistante sociale. 

Nathalie Zan Vandycke concède que la situation de Fatima et de William est très particulière. À Anderlecht, c'est le seul cas où deux parents sont en situation de handicap. Pour autant, aucune formation particulière n'a été donnée aux aides familiales qui interviennent chez Fatima. "Elles n'était pas demandeuses et on a constaté aucun manque. Mais je pense que c'est fort lié à l'état d'esprit de la famille. Les choses se passent très bien et c'est notamment dû à leur autonomie", conclut-t-elle.

60.000 euros pour une voiture adaptée pour la famille 

Désireux d’être indépendants, le couple s’est d'ailleurs trouvé un moyen de locomotion dès l’arrivée de leur enfant. William a passé son permis de conduire et l’a obtenu. "Tout est arrivé en même temps !", rigole Fatima. Leur véhicule adapté leur a coûté 60.000 euros. A l’intérieur, un unique siège: celui d’Amalya. William et Fatima rentrent quant à eux avec leur fauteuil roulant. Pour le couple, cette voiture était l’étape obligatoire pour garantir une certaine indépendance. "On l’a payée avec des aides et un crowdfunding", précise la Bruxelloise. 

Quand elle sera grande, je lui expliquerai.

Depuis ses 5 mois, Amalya est à la crèche. Début juin, elle s’est rendue pour la première fois à l’école. Et ses parents semblent particulièrement fiers. "L’institutrice m’a dit que c’était déjà une enfant autonome. Et même la professeure de gymnastique était étonnée de ce qu’elle sait faire à son âge", nous explique Fatima.

La mère de famille est, elle aussi, témoin de cette autonomie naissante. "Contrairement aux autres parents, on ne peut pas la ramasser si elle est par terre. Mais elle le sait. Donc quand elle veut venir dans nos bras, elle sait qu’elle doit monter sur le fauteuil", nous détaille la mère de famille. "Et Amalya sait très bien que si elle fait des caprices comme le font d’autres enfants en se roulant par terre, bah elle, elle peut y rester longtemps !", sourit Fatima. 

Si le couple de Bruxellois a contacté notre rédaction, c’est pour montrer "que tout est possible si on y croit". Aujourd’hui, il n’oublie rien des années de galère et des "commentaires méchants". Il a d’ailleurs prévu de parler de ce combat à la petite Amalya. "Je garde toutes mes années de bataille dans les hôpitaux dans une petite boîte. Quand elle sera grande, je lui expliquerai". 

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