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TREMBLEMENTS ESSENTIELS: Nicolas en souffre depuis son enfance, il témoigne des difficultés sociales qu'entraine cette maladie

Le Pont-à-Cellois veut sensibiliser la population à cette maladie qui lui vaut parfois d’être "discriminé", raconte-t-il.

Nicolas tremble depuis l'enfance. À 34 ans, ce père de famille s'est habitué à ce trouble et aux réactions parfois désagréables qu'il peut susciter chez autrui. Le "tremblement essentiel" qui l’affecte reste mal connu, mais touche une personne sur 200 (soit trois fois plus que la maladie de Parkinson). Héréditaire et dégénératif, il touche également ses deux enfants. Sa fille de 7 ans a commencé à trembler récemment, ce qui l'a décidé à nous contacter : "Je ne souhaite pas qu'elle souffre de discrimination comme j'ai pu en souffrir", écrit-t-il via le bouton orange Alertez-nous.

Un tremblement sans lien avec la maladie de Parkinson, et qui peut se manifester dès l'enfance

Scolarisé à l'école communale de Manage dans le Hainaut, Nicolas avait 5 ans quand ses professeurs se sont rendu compte qu'il avait des difficultés à apprendre à écrire. Après avoir consulté plusieurs médecins, un neurologue lui a diagnostiqué le tremblement essentiel vers l'âge de 11, 12 ans. En effet, si son incidence augmente avec l'âge, cette maladie peut se manifester dès la petite enfance, indique le neurologue Michel Gonce. Le diagnostic tarde souvent à tomber car les tremblements essentiels sont moins connus des généralistes que, par exemple, la maladie de Parkinson. Il s'agit pourtant de tout autre chose.

Alors que, pour les patients atteints de la maladie de Parkinson, les tremblements ont tendance à se manifester lorsque les muscles sont au repos (et à cesser pendant le mouvement), c'est l'inverse qui se produit pour ceux qui souffrent de tremblements essentiels. "Le tremblement essentiel est un tremblement qui survient principalement lors de l'action. Il est très facilement mis en évidence lorsque, par exemple, le patient boit une tasse de café ou une soupe à la cuillère...", explique la neurologue Claire Michel. "Il affecte particulièrement les membres supérieurs, moins fréquemment la tête, la voix et les membres inférieurs", précise le docteur Gonce. Les symptômes peuvent s’aggraver au cours des années mais, ceci, de façon très lente et progressive, ajoute-t-il.

Moqué par ses camarades à l'école, Nicolas a pris sa revanche en se révélant un mécanicien compétent

À l'école primaire, Nicolas a dû apprendre à supporter les réactions sans filtre de ses camarades. "Vous connaissez la cruauté des enfants ... Il y en a un par méchanceté qui a commencé à m'appeler 'tremblotte', ça a duré longtemps", raconte-t-il. Adolescent, Nicolas a passé un diplôme de mécanicien au CEFA de Morlanwelz. Nombreuses sont les personnes qui ont essayé de le décourager : "J'ai eu des proches qui m'ont dit 't'y arriveras pas'", confie-t-il. Piqué dans son orgueil, Nicolas a pris un malin plaisir à déjouer ces pronostics. Ses camarades du CEFA ont été les premiers surpris par ses aptitudes : "Parce que quand vous voyez quelqu'un trembler réussir à aller dévisser des petites vis, c'est assez impressionnant à regarder", suppose-t-il.

À 17 ans, Nicolas a commencé à travailler en tant que mécanicien. Ses capacités à exercer ce métier en dépit de ses tremblements ont rapidement suscité l'admiration de certains collègues de travail. "Mon ancien chef d'atelier disait toujours 'je vais t'emmener à mon incroyable talent !', parce que j'allais souder des fils dans des endroits improbables", raconte-t-il.

Un traitement incompatible avec les efforts physiques requis par son métier

Entre 18 et 20 ans, Nicolas a pris un traitement médicamenteux, dit "bêta-bloquant", mis au point au départ pour des problèmes cardiaques. Ces médications sont "reconnues efficaces sur les tremblements essentiels", indique le docteur Michel Gonce. "Mais avec mon métier, l'effort physique était impossible", a constaté Nicolas, qui a donc décidé d’arrêter le traitement. "Les médicaments vont atténuer le tremblement essentiel mais ne vont pas l'arrêter. C'est pour ça que pas mal de personnes arrêtent le traitement. Ils en sont fort déçus", explique Véronique Stuylaert, présidente de l’Asbl Tremblement Essentiel Belgique.

Il déplore les a priori de certains employeurs

Aujourd'hui, Nicolas travaille dans différents garages, en intérim. Il regrette que, lorsqu’il se présente chez un employeur, certains s'arrêtent à leur première impression. "Quand ils voient que je tremble, ils se demandent si je suis apte à travailler. Je leur explique mais chez certains, ça ne passe pas", constate-t-il. Pourtant, pour Nicolas, travailler avec ses tremblements ne pose aucun problème : "Pour moi, c'est tout à fait normal. Comme j'ai grandi avec, j'ai appris à travailler avec. C'est juste la personne qui me voit faire, qui se pose la question 'mais comment il fait ?'"

"L'agent m'a demandé directement quelle drogue je prenais !"

"Ma pire mésaventure, ça reste avec la police", confie Nicolas. "Ils contrôlaient les voitures qui passaient et c'est moi qu’ils ont choisi puisque je tremblais". Selon Nicolas, un agent était persuadé qu’il était drogué et en manque. Nicolas dit avoir eu le plus grand mal à lui faire entendre raison. Et ce n’est pas la seule fois qu’il a eu ce problème avec la police. Lorsqu’il nous a contactés, Nicolas avait été contrôlé deux fois en deux mois : "La 1e à Luttre, où l'agent m'a demandé directement quelle drogue je prenais ! La 2e à Charleroi, un agent a insinué avec insistance que je consommais des drogues dures !", se lamente-t-il. "Heureusement pour moi, je me promène avec mes résultats de prises de sang qui attestent que je ne consomme aucune drogue".

Affronter les regards, une épreuve qui pousse certains à rester "cloîtrés chez eux"

De manière générale, dès qu’il sort, Nicolas doit affronter les regards des gens, attirés par ses tremblements. "Au restaurant, fast-food ou autre, tout le monde vous regarde prendre votre fourchette. C'est devenu une habitude", confie-t-il. "Maintenant, les gens peuvent me regarder comme un bête de foire, ça ne change plus rien à ma vie".

Si Nicolas semble s’être construit une carapace lui permettant de passer outre les jugements, d’autres vivent le tremblement essentiel avec plus de difficultés : "Il y en a beaucoup qui restent cloîtrés chez eux parce qu'ils ont peur du regard des autres. Ça devient une phobie sociale", raconte Véronique Stuylaert, présidente de l’Asbl Tremblement Essentiel Belgique.

Elle confirme qu’il est fréquent pour ces malades d’être pris pour un drogué ou un alcoolique en manque. C’est pourquoi l’Asbl Tremblement Essentiel Belgique a créé une "vita carte", une petite carte nominative avec une brève explication du tremblement essentiel.

"J'ai toujours regardé leurs mains"

Sur le plan des relations amoureuses, les tremblements de Nicolas ont parfois posé des difficultés. Il raconte le cas d’une ancienne petite amie qui en avait "marre" qu’il tremble. "Je lui ai dit 'si ça te plait pas, c'est le même prix et la porte est là'", se souvient-il. "L'affaire était close", lâche-t-il. À 23 ans, Nicolas s’est mis en couple avec la jeune femme qui deviendra sa femme et la mère de ses deux enfants, avant que leur histoire tourne court.

Sachant que le tremblement essentiel est héréditaire, Nicolas s’est toujours inquiété d’avoir transmis ce trouble à ses enfants. "J'ai toujours regardé leurs mains", confie-t-il. "Mon fils a commencé à trembler vers 7 ans, puis ça s'est atténué, et maintenant il recommence. Ma fille ça commence", constate-t-il. Sa hantise ? "Qu'ils subissent ce que moi j'ai subi pendant des années", explique-t-il.

Une intervention chirurgicale possible pour les cas les plus graves

Nicolas suit les avancées de la recherche sur le traitement de sa maladie. Il y a deux ans, un bracelet censé les arrêter a fait parler de lui, puis ne s’est pas avéré viable. Dans les cas les plus graves, il est possible de procéder à des opérations neurochirurgicales, comme la stimulation cérébrale profonde, indique le Docteur Gonce. "Ces techniques présentent des risques et sont réservées à des patients dont les tremblements sont tellement invalidants que leur qualité de vie est extrêmement médiocre", explique-t-il. Véronique Stuylaert connait des personnes pour lesquelles cette opération s’est révélée très efficace, mais elle indique que d’autres continuent de trembler, malgré l’opération. "Ça dépend vraiment d'une personne à l'autre", conclut-elle.

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