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Droit passerelle: Patrick a perdu son indemnité au début de l'été, l'administration considérait qu'il avait repris son travail

Patrick travaille sur le circuit de Spa-Francorchamps et traverse une période difficile. Le droit passerelle qu'il percevait depuis le début de la crise liée au coronavirus lui a été coupé en juillet sans explication dit-il. Il lui a fallu tout l'été pour comprendre la raison et remettre des informations que l'administration attendait. La situation vient juste de se débloquer, à son immense soulagement.

Comme des milliers d'indépendants, Patrick a dû cesser de travailler au mois de mars, moment où la crise du coronavirus a frappé notre pays et alors qu'il devait justement endosser de nouvelles fonctions sur le circuit de Spa-Francorchamps. "L'année 2020 commençait bien pour moi car j'avais obtenu un nouveau poste, je devais devenir responsable de tous les points de vente nourriture/boisson (7 food-truck au total) disséminés sur le circuit. Beaucoup de travail en perspective et un super nouveau défi à relever", raconte ce père de famille liégeois de 54 ans via le bouton orange Alertez-nous.

Un aboutissement

Jusqu'ici, Patrick était responsable du catering au karting de Spa-Francorchamps. A l'issue de la saison 2019, la société en charge de la gestion des points de ventes horeca sur le circuit a proposé une sorte de promotion à Patrick: quitter ses fonctions au sein du karting pour prendre en charge les food-trucks du grand circuit de Spa. Une aubaine pour ce quinquagénaire originaire de Malmedy et passionné de sport automobile: "Travailler pour le grand circuit représentait pour moi une marche supplémentaire, avec de nouvelles responsabilités. On devait faire de belles choses." Pour avoir un ordre d'idée, Patrick nous explique que lors des 24h de Spa-Francorchamps par exemple, pas moins de 70 collaborateurs travaillent en relais dans ces 7 food-trucks. Il en aurait eu la responsabilité. Et que dire de l'ampleur de celle-ci lorsqu'il y aurait eu le GP de F1 et ses 250.000 spectateurs à ravitailler.

Patrick qui était excité à l'idée de prendre les commandes de ce nouveau poste à l'ouverture de la saison en mars a donc été stoppé net dans son élan par le coronavirus.

Naturellement, en tant qu'indépendant, Patrick a fait appel aux différentes aides dès le début de la crise. Au niveau wallon, il y a la prime wallonne unique de 5.000 euros. Et au niveau fédéral, il peut compter sur le droit passerelle, une indemnité mensuelle qui équivaut pour l'indépendant, à l'allocation de chômage temporaire du salarié.

Là, mon monde s'écroule

Mars, avril, mai, juin passent et à chaque fois les indemnités liées au droit passerelle sont perçues par Patrick. Mais en juillet, alors que de nouvelles mesures de déconfinement entre en vigueur, tout s'arrête. Sa caisse d'assurances sociales l'informe qu'il n'est plus éligible au droit passerelle sans donner plus de précision. "Là, mon monde s'écroule", lâche-t-il. S'il nous contacte aujourd'hui, c'est pour exprimer des sentiments mêlés: "Mon dégoût, ma tristesse, ma colère... Je ne sais même pas quel terme utiliser." Pour Patrick, le retrait de son droit passerelle est incompréhensible. Il argumente : "Toutes les courses au circuit de Francorchamps se déroulent à huis-clos et sans public. Je n'ai pas de travail, pas de rentrées financières." Et il semble que cela, la caisse d'assurances sociales ne le savait pas. Pour elle, vu le déconfinement, Patrick avait pu reprendre son travail.

"Mes maigres économies ont fondu comme neige au soleil"

Le Liégeois confie qu'il était déjà dans une situation financière complexe avant la crise. À partir de mars, le coronavirus a amplifié ses problèmes : "Suite à la baisse de mes revenus, j'ai été contraint de renoncer au bail pour la maison que je louais et me faire héberger chez une amie, j'ai aussi arrêté le leasing de la camionnette que j'utilisais pour mon boulot". Et en juillet, l'arrêt de son droit passerelle l'a mis à terre : "Je ne possède plus rien et mes maigres économies ont fondu comme neige au soleil pour tenter de garder la tête hors de l'eau. Je suis à bout de force..."

Alors, pendant un été dominé par l'angoisse, Patrick fait des pieds et des mains pour comprendre ce qui a motivé l'arrêt de son droit passerelle. Il ne comprend pas que sa situation n'ait pas fait l'objet d'une analyse plus approfondie : "Il faut prendre la peine d'étudier au cas par cas la situation de chacun. J'ai déjà tout perdu. Je ne suis pas suicidaire mais je peux comprendre que certains aient des idées suicidaires, se disent que c'est trop compliqué et qu'ils n'y arriveront pas. On se sent très seul."


Un soulagement

Après un été à échanger des mails et des coup de téléphone avec sa caisse d'assurances sociales, Patrick a enfin obtenu une réponse favorable début septembre : il continuera bel et bien à bénéficier du droit passerelle. "Après analyse du dossier, nous vous confirmons avoir accordé le droit passerelle pour les mois de juillet et août", l'informait il y a quelque jours sa caisse d'assurance sociale, à nouveau sans explication. Et ce jeudi 10 septembre, le versement de l'indemnité pour juillet est arrivée sur son compte en banque. Ce revirement est probablement lié à la précision apportée cet été par Patrick à sa caisse d'assurances sociale, à savoir que son activité ne pouvait pas se faire en l'absence de public.

"Il est de la responsabilité de chaque caisse d’assurances sociales d’examiner en détail chaque demande du droit passerelle corona ou de relance. Donc, en tant que compagnon de route, si l’analyse des codes Nacebel (les codes qui renseignent dans quel(s) domaine(s) d'activité travaille l'indépendant) entraîne un refus de la demande, nous invitons nos affiliés à expliquer plus en détail le motif de la demande du droit passerelle. En fonction des éléments objectifs, nous pouvons ainsi revoir le dossier et accorder le droit dans le respect des conditions de l’arrêté ministériel susmentionné", nous expliquait le représentant de sa caisse d'assurances sociales.

Les caisses d'assurances sociales s'engagent à payer les indépendants

Depuis, le début de la crise, un demi-million d'indépendants ont déjà pu bénéficier du droit passerelle dans notre pays. Depuis juillet, des retards ont néanmoins été observées dans les versements. Les chiffres fournis par les caisses d’assurances sociales montrent que les retards concernent 13% des dossiers introduits en juillet, soit 14.808 dossiers sur le demi-million d’indépendants ayant bénéficié du droit passerelle depuis le début de la crise.

Ces retards ont obligé le ministre des Indépendants et des PME, Denis Ducarme, a rencontré la semaine dernière l'ensemble des caisses privées (10) et publique (1) d'assurances sociales auxquelles sont affiliés les travailleurs indépendants. Le droit passerelle "corona" a été abordé, et les caisses ont assuré au ministre qu'elles tentent de résorber au plus vite les retards de paiement dans certains dossiers. Ces retards s'expliquent par la complexité de certains dossiers, les nouvelles conditions imposées durant l'été pour déposer un dossier (davantage de documents à présenter, etc.), et les vacances de certains employés des caisses d'assurances sociales. Les différents organismes ont cependant réitéré la semaine dernière leur engagement à payer le droit passerelle à ceux qui y ont droit dans les plus bref délais.

Patrick attend que le public revienne

Actuellement, le droit passerelle "corona" est prévu jusque fin décembre pour les indépendants qui répondent à certaines conditions, soit ceux qui souffrent de fermetures, même partielles, imposées par les pouvoirs publics : discothèques, forains, night-shops, entre autres. En attendant, Patrick attend toujours le versement rétroactif de son droit passerelle pour le mois d'août tout en ignorant ce qu'il adviendra pour les mois à venir. Mais, heureusement, la société qui comptait s'attacher ses services lui maintient sa confiance et compte reprendre sa collaboration avec lui dès que les autorités permettront la venue du public sur le circuit de Spa-Francorchamps. 

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