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Alain, traiteur dans l'événementiel, dénonce une "injustice": "Les restaurants peuvent ouvrir, mais pas nous!"

Alain, traiteur dans l'événementiel depuis 1979, ne comprend pas que les autorités maintiennent l'interdiction de son activité depuis le mois de mars. Persuadé qu'il peut organiser des événements privés où les mesures sanitaires sont respectées, il demande de pouvoir exercer son métier à nouveau.

Il est une date dont Alain se souviendra toute sa vie: le 17 mars 2020. "Ce jour-là, tout s'est arrêté", décrit ce patron d'une société de catering/traiteur actif dans l'événementiel depuis plus de 40 ans. "Je rentrais des Etats-Unis et j'ai appris à la télévision que le confinement était décrété en Belgique", se remémore-t-il après nous avoir joints via notre bouton orange Alertez-nous.
 
Le résultat est immédiat: tous les événements qu'Alain avait prévus sont annulés sur le champ. "Nos banquets, mariages, communions, anniversaires, fêtes laïques, barbecues de famille, tout, tout, tout", cite ce professionnel du secteur qui pense alors tout de suite à éviter le gaspillage. "On a cuisiné tous les produits frais et surgelés qu'on avait pour distribuer des repas gratuits dans les homes et aux sans-abris, se souvient Alain. On avait un très grand banquet prévu le 20 mars, donc il y avait du saumon frais et fumé, du rosbif, des légumes frais, vraiment de tout".
 
En valeur d'achat, ces marchandises valaient entre 8.000 et 10.000 euros. "Nous n'avions pas le choix", se souvient le traiteur.

Je dois être à 200.000 euros de préjudice pour l'instant

Un préjudice immense: Alain et ses confères ne voient plus le bout du tunnel 
 
Ces pertes ne représentaient en réalité que le début d'une longue série. "Je dois être à 200.000 euros de préjudice pour l'instant, estime le patron. J'ai des confrères et consoeurs pour qui c'est bien pire. J'en connais trois déjà qui ont fait faillite"
 
Travaillant avec des "extras" plutôt qu'avec des employés, Alain n'a dû mettre personne au chômage temporaire. "Mais mes anciens collaborateurs n'ont plus de travail, décrit-il. Ils cherchent des petits boulots de livreurs ou déménageurs pour s'en sortir". Alain a bénéficié de certaines mesures économiques et mécanismes financiers accessibles aux indépendants wallons dans le cadre du coronavirus, telles que les première et deuxième indemnités wallonnes forfaitaires de 5.000€ et 3.500€, dont peuvent bénéficier les entreprises horeca qui sont frappées de plein fouet par la crise. Malheureusement, selon lui, il n'entre pas dans les conditions pour bénéficier du droit passerelle, soit un revenu de remplacement pour indépendants. Dès lors, ce retraité actif, qui touche une pension de 1.000 euros, ne voit actuellement plus le bout du tunnel.

Plus de 35 dates annulées, une perte considérable, une famille à nourrir, des obligations à assumer 

Même constat chez Lorenzo, un confrère traiteur qui n'a pas obtenu le droit passerelle suite à un problème administratif. "Je dois patienter plusieurs semaines à nouveau, or, en attendant, les factures arrivent toujours, témoigne-t-il via notre bouton orange. Les anciens dossiers commencent à revenir sur la table, les huissiers, c'est la catastrophe. (...) C'est un grand bordel et nous en avons complètement marre ! Plus de 35 dates annulées, une perte considérable, une famille à nourrir, des obligations à assumer. Sans soutien, nous allons tous couler. Tous s'effondre comme un château de sable".

Alain en est certain: il est possible d'offrir un service de catering tout en respectant les mesures sanitaires
 
Alain juge cette situation intolérable car il estime que l'interdiction des activités de catering dans le domaine événementiel n'est pas justifiée. "J'ai une salle d'une capacité de 200 personnes et on m'interdit d'y organiser une fête de famille de 30 personnes, un anniversaire ou un repas après un enterrement, alors qu'on peut parfaitement y faire respecter les mesures sanitaires! On a la place pour espacer les tables et pour organiser les distances comme il le faut. On a la possibilité de fournir tout le matériel nécessaire aux clients: gel hydroalcoolique, sens de circulation, etc.", explique Alain qui ne peut s'empêcher de comparer sa situation à ce qui se passe dans les restaurants. "Je ne comprends pas qu'on nous interdise de travailler alors que les restaurants accueillent 200 personnes voire plus", s'étonne-t-il.
 
Alain s'interroge aussi sur les permissions accordées au monde du football. "Je lis que le club du Standard de Liège va pouvoir accueillir 10.000 personnes pour un match dans une cuvette qui est un vrai entonnoir et où le virus va se propager à 100 à l'heure", estime le patron qui se sent oublié par les mesures gouvernementales.

Les clients respecteraient-ils les mesures de distanciation lors d'une fête privée? "Oui", pense Alain
 
Alors pourquoi un restaurant pourrait-il accueillir des dizaines de personnes à table, mais pas un traiteur qui disposerait d'une grande salle? "Les autorités pensent que les liens sociaux qui unissent les personnes qui participent à une fête privée feraient capoter les mesures de distanciation sociale", regrette Alain.

Une vision des choses que ce patron ne partage pas. "Ce serait bien étonnant, estime ce professionnel qui veut faire confiance à ses clients. Moi je pense que si les gens doivent respecter les mesures lors d'un repas privé, ils le feront". Mais le restaurateur est aussi lucide sur la question: des dérapages sont possibles. "Bien sûr, s'il y a une beuverie, ça devient difficile à partir d'un certain moment. Cela peut toujours déborder, c'est vrai, mais on peut toujours tout respecter aussi. Tout est relatif", estime-t-il.

La demande d'Alain: assouplir les mesures pour les traiteurs également
 
Si le patron ne peut pas garantir à 100% qu'aucun dérapage ne puisse avoir lieu, il veut à tout le moins avoir la possibilité "d'essayer". "Il faut qu'on nous permette de travailler, insiste Alain. On va tous vers la faillite. Le gouvernement pourrait élargir les mesures à notre secteur, nous avons tout pour organiser nos événements dans le respect des mesures sanitaires".
 
En attendant que le gouvernement élargisse éventuellement les mesures au secteur des traiteurs et du catering, Alain cherche un autre domaine d'activité pour compléter sa pension. "Tout ce qui passe: chauffeur temporaire, aide bénévole avec un peu de rémunération. Tout ce que je peux trouver", dit-il. 

NDLR: Cet article a été écrit le 22 septembre, soit la veille du Conseil National de Sécurité du 23/09, qui a permis aux traiteur de reprendre le travail.

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