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Coronavirus: une épreuve supplémentaire pour de nombreux travailleurs du sexe au bord de la précarité

Vous êtes nombreux à déclencher le bouton orange pour nous demander ce qu’il en est de la prostitution en Belgique en pleine pandémie du coronavirus.

Interrogé à ce sujet par notre journaliste Christophe Giltay sur le plateau de notre émission dominicale "C’est pas tous les jours dimanche" la semaine dernière, le nouveau ministre de la Santé, Frank Vandenbrouck a expliqué que, pour des raisons sanitaires évidentes, la poursuite de cette activité n’était plus possible. "Comme les contacts doivent être limités à une seule personne pour tout le monde, cette activité doit s’arrêter", a-t-il dit. "Comme le secteur horeca est à l’arrêt, les bars où travaillent les prostitué(e)s doivent aussi rester fermés. On ne peut pas arrêter ce qui se passe à domicile (et qui est illégal) par un arrêté royal parce qu'il n'y a pas de loi, de base", a-t-il détaillé.

"Un secteur qui n'est pas encadré de près comme dans d'autres pays"

À Bruxelles-ville, le bourgmestre Philippe Close a interdit la prostitution le 28 septembre dernier en raison de l’épidémie.

De nombreuses associations, parmi lesquelle l'ONG Médecins du Monde, l'association de terrain Espace P ou encore Utsopi (Union des Travailleurs du Sexe Organisés pour l'Indépendance) ont reproché l'absence de concertation avec le secteur. "Il faut dire que le secteur de la prostitution n’est pas encadré de près par une quelconque autorité en charge, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Il n'y a pas de loi à ce sujet-là. La Belgique est à la traîne", déplore Maxime Maes, coordinateur général à l’Utopsi.

La Wallonie et le Fédéral se renvoient la balle

Un constat que nous avons fait nous-même en cherchant des informations officielles sur les mesures prises pour ce secteur. La porte-parole du gouvernement wallon de la santé nous a demandé de nous référer à la position du Service Public Fédéral (SPF) de la Santé et de son ministre Frank Vandenbroucke. Mais la porte-parole de ce dernier nous a confié qu’il s’agissait de compétences des autorités régionales…

Les travailleurs du sexe veulent continuer à exercer leur profession... à tout prix

Depuis le début de l'épidémie, les associations défendent la poursuite des activités de prostitution pour deux principales raisons énoncées par Maxime Maes:

1. Pas de preuve

"Il n’a jamais été prouvé que les milieux de la prostitution étaient des clusters du virus. Aucune corrélation n’a jamais été établie."

2. Précarité des prostitué(e)s

"Nombreux sont ceux qui exercent et qui ne remplissent pas les conditions générales pour accéder à une quelconque aide sociale. Ce sont des gens qui n'ont pas de droits, parfois pas de papiers, ne parlent pas une des langues du pays. Une interdiction officielle de leur activité oblige certains travailleurs à poursuivre leur activité clandestinement dans des conditions de grande vulnérabilité et de précarité. Nombreux sont les travailleurs du sexe sans revenu susceptibles de se retrouver tout à coup dans la rue."

On estime que la Belgique compte 26.000 travailleurs du sexe, selon les chiffres officiels de la police.

Un protocole sanitaire établi cet été

L'été dernier, le GEES (Groupe en charge de l'Exit Strategy) avait déterminé un protocole sanitaire de reprise des activités signé par le ministre fédéral des Indépendants de l’époque, Denis Ducarme. "Il a accepté de prendre ses responsabilités et a grandement aidé notre secteur à ce moment-là", estime Maxime Maes.

Ce protocole stipulait que les travailleurs du sexe pouvaient poursuivre leurs activités mais qu’ils devaient respecter certaines règles sanitaires, parmi lesquelles, à titre d'exemple :

- Les lieux doivent être désinfectés entre chaque client avec les draps changés

- Les clients doivent prendre des douches avant tout contact avec le travailleur du sexe

- Le travailleur du sexe doit porter son masque le plus longtemps possible

- Les vêtements du client doivent être déposés tous ensemble dans un coin de la pièce

"La situation à Bruxelles-ville est un peu particulière", nous détaille Maxime Maes, "Le comité de riverains du quartier de l’Alhambra qui souhaite éradiquer la prostitution de ses rues depuis des années se sert du Covid comme excuse", accuse-t-il.

Entre-temps, le 6 octobre le Conseil d’Etat a suspendu l’ordonnance du bourgmestre de la ville de Bruxelles, justifiant cette décision par le fait que le secteur de la prostitution ne relève pas de compétences locales mais régionales, et par l’argument scientifique émis par les associations de défense du secteur qui estiment qu’il n’a pas encore été prouvé que l’activité de la prostitution était liée à d’éventuels clusters.

Pour Bruxelles, Rudi Vervoort promet des avancées dans ce secteur dans le futur

Il n’en fallait pas plus pour que la question soit donc abordée au Ministre-président bruxellois Rudi Vervoort en commission des Affaires intérieures qui a étendu la problématique du quartier de l’Alhambra à toute la région de Bruxelles-Capitale, expliquant que c’était à la Région de jouer son rôle de coordination via le plan global de sécurité et de prévention, et que les problèmes rencontrés dans ce quartier spécifique sont "polymorphes". Il est également en effet question de toxicomanie, traite des êtres humains et violences sexuelles. Et de rappeler que pour palier à ces différents aspects qui peuvent toucher la prostitution, plusieurs asbl travaillent en collaboration avec le gouvernement bruxellois. "Le prochain PGSP (plan global de Sécurité et prévention) 2021-2024, dont l’élaboration est en cours et qui se fait en collaboration avec l’ensemble des partenaires régionaux proposera des actions dont je ne peux présumer de la nature mais qui auront également pour objectif de lutter activement contre les problèmes précités", promet Rudi Vervoort.

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