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A Bangkok, "les chemises oranges" à la rescousse de la contestation étudiante

Gilet orange, casque vissé sur la tête, Supatr se faufile entre les files de voitures, prêt à donner l'alerte en cas de charge de la police: les célèbres moto-taxis de Bangkok sont devenus des alliés de poids des manifestants pro-démocratie thaïlandais dans la rue depuis des mois.

"Je veux que chacun soit en sécurité", lance à l'AFP le chauffeur de 41 ans. "J'essaye de maintenir mes prix les plus bas possibles quand je les transporte, c'est ma façon à moi d'encourager leur cause".

La contestation - des lycéens, des étudiants, mais aussi des classes moyennes- demande la démission du Premier ministre, Prayut Chan-O-Cha, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 2014, et une réforme de la puissante et richissime monarchie.

Les moto-taxis aident d'abord à acheminer rapidement les manifestants sur les sites des rassemblements, annoncés à la dernière minute pour déjouer les autorités.

Mi-octobre, en bloquant certains accès avec leurs deux-roues, ils ont permis à des militants d'échapper à la police antiémeute qui dispersait la foule à l'aide de canons à eau.

"S'il y a des personnes qui s'évanouissent, nous sommes aussi les premiers à les aider", explique Yom, 49 ans, heureux de soutenir un mouvement contre Prayut Chan-o-Cha, "incapable" de gérer le pays en pleine récession depuis la pandémie de coronavirus.

La Thaïlande est habituée des troubles politiques. Depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle en 1932, le royaume a connu de nombreuses crises et 12 coups d'Etat.

Lors des derniers accès de tensions, en 2006, 2010 et 2014, les motos-taxis ont clairement pris le parti "des chemises rouges", proches de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra.

"90% d'entre nous soutenions les "chemises rouges", aujourd'hui les gens dans la rue nous surnomment +les chemises oranges+" en référence à la couleur de nos gilets, relève Supatr, en souriant.

Les manifestations permettent aussi de doper les revenus des chauffeurs, impactés par la crise qui a laissé des millions de travailleurs sans emploi.

"Je gagne 1.300/1.400 bahts par jour (entre 35 et 37 euros) quand il y a des rassemblements, contre 1.000 (27 euros) habituellement", note Supatr.

Les motos-taxis sont un des emblèmes de Bangkok: la mégalopole de plus de dix millions d'habitants en compte quelque 130.000 officiellement, beaucoup plus en réalité.

Aux heures de pointe, les bornes accueillent des files d’attente disciplinées de plusieurs dizaines de mètres.

On y croise des hommes d'affaires tirés à quatre épingles, des ménagères chargées de provisions ou de jeunes étudiantes, montées sur les deux roues en amazone, portable dans une main, pochette de cours dans l'autre.

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